Dans ses « pages littéraires » de fin de semaine, le quotidien Présent (1982-2022) offrait une chronique régulière qui s’intitula « la chine nationaliste », puis « le chineur français » après une interruption de quelques années. Cette chronique s’adressait et s’adresse toujours aux collectionneurs, aux « chineurs » du dimanche.
Michel Gourdon…que de jolies femmes !
Le beau temps est de retour et les vide-greniers prospèrent. En ces temps de forte baisse du pouvoir d’achat, les objets de seconde main attirent le chaland comme jamais. Les vêtements pour enfants, le matériel de puériculture, les livres, la vaisselle trouvent acheteurs parce que les temps sont durs et qu’on se dit tous qu’on paiera un jour la gabegie macronienne et la dette abyssale du pays.
Dans les caisses de livres, on trouve surtout des « nanars », mais les vieux polars de la collection Spécial-Police, très courants, ont leur charme. Ils valent par la qualité de certains textes (n’en attendons toutefois pas trop !), par la personnalité de certains auteurs (Carnal, Caron, Peter Randa, Léo Malet, Frédéric Dard, Jean Amila etc.), mais peut-être d’abord par les dessins de couverture. Ces couvertures étaient signées « M.Gourdon », pour Michel Gourdon Ce dessinateur professionnel (1925-2011). A illustré 3500 couvertures sur les 10.000 titres publiés par les éditions Fleuve noir, dont la collection Spécial-Police était le fleuron. Gourdon en dessinait jusqu’à vingt par mois.
Filles et voitures bien carrossées, trains, avions, armes à feu, scènes de crime…Gourdon donnait envie de se plonger dans la lecture de ces ouvrages. Les couvertures étaient parfois plus palpitantes que les romans eux-mêmes ! Armand de Caro, l’un des fondateurs de la maison, avait compris l’importance de ces dessins.
Fleuve Noir (initiales FN !) a vendu plus d’un milliard d’exemplaires, tous titres et toutes collections confondus. C’est énorme, gigantesque, phénoménal, et il n’est donc pas étonnant de pouvoir très facilement dénicher des ouvrages illustrés par Gourdon, dans n’importe quel vide-grenier ou presque.
Une plongée dans les « trente glorieuses »
Mais les originaux de Gourdon sont désormais très collectionnés, même si leur « côte » reste abordable : je dirais 400 à 600 euros, on en voit passer de temps en temps dans les salles de vente, par exemple.
Ces dessins sont recherchés par les nostalgiques d’une époque où ils lisaient cette plaisante « sous-littérature », tout en préparant Médecine ou Arts & Métiers. Ils fascinent aussi car ils présentent des véhicules et des personnages des années 1950 à 1970, des objets et des silhouettes que nous avons connus, mais qui appartiennent désormais à un passé très lointain, pour nos enfants. Les coiffures des femmes, la coupe des vêtements, la robe vichy, mais aussi les machines à écrire, les téléphones en ébonite, les talkies-walkies, la pipe en bouche ou à la main, ou la cigarette au coin des lèvres… Tout nous replonge dans les « Trente Glorieuses ». C’était la France de l’après-guerre. La France d’aujourd’hui, celle d’une avant-guerre qu’on nous promet, est moins yéyé.
Francis Bergeron
Association des Amis de Michel Gourdon, asso.gourdon@gmail.com Tél : 0606602113