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In Memoriam : Christian Brosio, un gentilhomme du journalisme

Pilier de Spectacle du monde dont il était le secrétaire de rédaction aussi attentif qu’inventif, puis brillant collaborateur de Valeurs actuelles, du Figaro-Magazine, de la Nouvelle Revue d’Histoire et d’Éléments, Christian Brosio est décédé de problèmes cardiaques le 21 juin. Et la mort de cet homme subtil et discret laisse un grand vide tant il pratiquait ces deux vertus si rares : la loyauté et la lucidité.

Tous deux longtemps submergés de besogne, nous nous voyions trop rarement à notre goût, mais à chacune de nos retrouvailles, nous avions l’impression de nous être quittés la veille tant nous étions d’accord sur tous les sujets. Nous avions simultanément les mêmes réactions à l’actualité, le même rejet des personnalités ou des oukases que la doxa nous enjoignait de respecter et la même passion d’une histoire aujourd’hui subvertie.

Nous étions à bonne école. Celle de Jean-François Chiappe, le biographe de Cadoudal et de Louis XVI entre autres, et de Ghislain de Diesbach, auteur lui aussi de biographies célèbres, de Mme de Staël à Ferdinand de Lesseps. Il est de plus mauvais maîtres, d’autant que ceux-ci, pas avares de bons mots et ayant souvent la dent dure, savaient à merveille parsemer leurs plus sérieuses leçons de sel attique.

C’est dire que si leur commerce rendait plus intelligent, on riait aussi beaucoup aux « soirées de Versailles ». Lesquelles se prolongeaient parfois jusqu’au petit déjeuner, comme en ce jour enneigé de janvier où, voulant me raccompagner à Paris sur les quatre heures du matin, Christian s’aperçut, lui dont la mémoire historique était infaillible, qu’il avait oublié la veille d’éteindre ses feux de position — résultat : la batterie de sa voiture était à plat. Pour appeler un dépanneur, en cette lointaine époque où les portables n’existaient pas, il fallut remonter chez notre hôte, trop heureux de nous voir revenir… et de pouvoir, au grand désespoir de son épouse Marina Denikine, fille du dernier régent de Russie et elle aussi historienne renommée sous le pseudo de Marina Grey (Les Armées blanches, Enquête sur Louis XVII ou Enquête sur le massacre des Romanov), reprendre l’érudite conversation là où elle s’était interrompue.

Laissant des livres inachevés (et la présidence des « Amis de Rivarol », qu’il occupait depuis des lustres, à Anne Brassié), Jean-François s’en est allé en octobre 2001. Marina le suivit en novembre 2005, non sans avoir obtenu un mois auparavant de Vladimir Poutine la nationalité russe et surtout le transfert et l’inhumation, avec les honneurs s’il vous plaît, des restes de son père au monastère Donskoï à Moscou. Puis, en décembre 2023, ce fut le tour de Ghislain de Diesbach, qui avait perpétué les soirées de Versailles, rue de Bourgogne, à l’ombre de l’Assemblée nationale.

Et maintenant, l’ami Brosio… A l’occasion d’un dîner chez moi l’an dernier, son humour, ses vastes connaissances, ses solides convictions et sa gaieté que n’altérait pas la maladie avaient conquis les autres convives. Puisqu’il n’a pu terminer la biographie de Jacques Benoist-Méchin à laquelle il s’était attelé, c’est ce souvenir de très savant mais joyeux compagnon que je veux garder de lui.

Camille Galic

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