Liban

La « riposte divine » du Hezbollah tourne à la farce

Tout ça pour ça. Dans un communiqué, le Hezbollah a dit avoir lancé dimanche à l’aube  « un grand nombre de drones et plus de 320 roquettes Katioucha »  sur onze bases militaires en Israël et sur la partie du Golan annexé par Israël, dans le cadre de « la première phase » de sa riposte à la mort de Fouad Chokr, un des principaux chefs militaire de l’organisation terroriste et artisan notamment de l’attentat du Drakkar, abattu par une frappe israélienne au cœur de Beyrouth le 30 juillet dernier. Dimanche en début de matinée, le mouvement chiite annonçait avoir « terminé » son offensive et dans une allocution télévisée retransmise dimanche après-midi, Hassan Nasrallah s’est auto félicité du succès de « l’opération Arbeiin ».


Il a expliqué que la cible principale était la base de Glilot, le centre de commandement des services de renseignement militaires israéliens situé à 100 kilomètres de la frontière libanaise et à moins de 2 kilomètres de Tel-Aviv – selon des médias israéliens repris par l’AFP, Glilot abriterait également le siège du Mossad – et assuré ses troupes de l’échec de la campagne préventive de raids menée par Israël. Enfin, dans sa grande mansuétude de calife auto-proclamé du Liban, le chef de la milice chiite a affirmé que la vie pouvait reprendre son cours normal et invité ceux qui ont fui la région par crainte d’une guerre totale à rentrer chez eux. Le narratif officiel israélien, confirmé par des images satellites et des organes de presse tels que Al Jazeera, qui ne saurait être soupçonné de sympathie envers l’état hébreux, ou encore le New York Times, est légèrement différent: à l’aube, 15 mn avant l’heure prévue par le Hezbollah pour le lancement de son offensive, les habitants du Sud ont été réveillé par le grondement incessant de plus d’une centaine d’avions de combat menant simultanément plus d’un millier de frappes sur des sites du Hezb.


« Nous observons les préparatifs du Hezbollah pour des attaques de grande envergure contre le territoire israélien, toute personne se trouvant à proximité de zones où le Hezbollah opère doit quitter immédiatement les lieux pour se protéger et protéger sa famille », avait posté l’armée israélienne moins d’une heure avant dans un message en arabe sur Telegram destiné aux habitants du sud du Liban. L’armée israélienne a finalement annoncé qu’« une centaine » de ses avions avaient « visé et détruit des milliers de rampes de lancement de roquettes du Hezbollah », neutralisant la « riposte divine » des mollahs promise avec force menaces et gesticulations depuis des semaines et finalement réduite au lancement d’environ 150 roquettes dont une seule aurait atteint sa cible, tuant un soldat israélien, et une autre détruisant un poulailler. La déclaration de Hassan Nasrallah appelant les libanais à reprendre une vie normale est un message direct à Israël, confirmant sa volonté de mettre fin aux hostilités d’envergure jusqu’à nouvel ordre. Quant à sa revendication de victoire, elle s’adresse essentiellement à sa communauté largement rattrapée par la réalité: après bientôt 11 mois d’affrontements au sud, la guerre de soutien à Gaza s’est avérée être un désastre : le sud du Liban est dévasté, des milliers d’immeubles d’habitations sont détruits et des milliers d’hectares d’oliviers et de terres agricoles sont brûlés et perdus. Plus de 100 000 personnes ont fui la région, la saison touristique est ruinée, des dizaines de milliers de familles sont séparées, on estime à 3 milliards de dollars le cumul des pertes pour le Liban, le Hezbollah avoue 563 morts dont 120 civils, pour 23 militaires et 26 civils tués coté israélien, selon les autorités locales. Enfin, l’Iran a manifestement sursis à sa riposte suite à l’élimination du chef du Hamas à Téhéran le 31 juillet dernier, se déchargeant prudemment de cette corvée sur le Hezbollah en attendant le résultat des prochaines élections américaines, la Syrie de Bachar el Assad, tenue d’une main de fer par Vladimir Poutine, est sourde, aveugle, muette et paralysée depuis le début du conflit de Gaza le 7 octobre dernier et Nasrallah se retrouve bien seul face à un Netanyahu qui sort renforcé de ce bras de fer, mais aussi face à une opinion publique libanaise, toutes confessions confondues, qui ne lui pardonne plus d’entraîner chaque jour un peu plus le Liban dans une spirale sans fin de désastres militaires, économiques, écologiques et humains.


Sophie Akl-Chedid

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *