Trinité

Des lieux où souffle l’esprit : Good bye farewell et bons baisers de La Trinité !

« Hardi les gars, vire au guideau, Ha ! L’matelot, et ho-hisse et ho ! » Comment ne pas chanter ? Pourquoi ne pas chanter ? Le Trinitain le faisait bien plus souvent qu’à son tour ! Jusque dans l’hémicycle…. « Mitterrand est roi, Chirac est sa reine, c’était pas la peine, c’était pas la peine, assurément de changer de gouvernement. »

Il chantait, c’était sa joie de tous les jours, c’était en somme un peu aussi son métier d’éditeur phonographique. Qui se souvient de la SERP, rue de Beaune, sur la rive gauche ? De cet antre où un vieux monsieur vous faisait l’article, et ou étaient exposés dans des boites, mille 33 tours classés par ordre politique, historique, religieux ou militaire; des cassettes de chants d’Europe ou du Docteur Merlin, édités par la SERP; mais aussi les oeuvres de Jean-Pax Méfret (édition Véronica), de Jean-Paul Gavino (PGM éditions) et d’autres enregistrement sulfureux à souhait diffusés par Jean-Gilles Malliarakis (éditions du Trident), qui en ce temps là dirigeait le mouvement solidariste Troisième voie tout en animant de sa personne, depuis 1976, la Librairie Française, rue de l’abbé Grégoire.

Jean-Marie connaissait tout des répertoires marins, anarchistes, communards, nationalistes, phalangistes, paras… comme les cantiques les plus sacrés de nos messes de toujours, entonnant un « Venez divin Messie » mémorable pendant l’Avent 2016*. Dans l’ambulance qui le ramenait chez lui après avoir fait un AVC en avril 2023, Marine expliquait que son père allait mieux puisqu’il chantait dans le véhicule de secours médical. En novembre de cette année 2024, alors que l’abbé Philippe Laguérie délivrait l’absolution et l’extrême onction au Président, celui-ci se mit à entonner un retentissant « Catholique et Français toujours »…

Plusieurs disques, du reste, ont été enregistrés à Saint-Nicolas du Chardonnet, sous son chef, et ils sont émouvants. La chouannerie et l’épopée magnifique de la Grande Armée Catholique et Royale vendéenne, La Guerre des Géants (comme disait Bonaparte) tenait dans son cœur de chouan du Morbihan une place de choix et d’honneur. On trouvait par surcroît à la SERP les disques de Catherine Garret (édité par la grande maison Vogue) et d’Anne Bernet (SERP), magnifiques chanteuses royalistes. La première est légitimiste, la seconde orléaniste, ma foi tout ce qui est national est nôtre (« N’est-ce pas ? comme disait souvent le Président, n’est-ce pas ? »). Il avait lui-même interprété, de manière très joyeuse et enlevée « Vive le roi quand même » (L’Action Française. Voix et chants ». SERP. 1967)**. Mais il rugissait La Marseillaise à gorge déployée chaque fois que l’occasion lui en était offerte. C’était au fond un républicain, un « pataud royco », un œcuméniste du plus grand mouvement amical, social, national et nationaliste, un rassembleur, pas toujours compris, qui comme Georges Pompidou, haïssait le temps où les Français ne s’aimaient pas.

Retour à la Trinité

Jean-Marie disait volontiers que sa commune de naissance était Dieu. La Trinité qui rassemble à la foi le Père, le Fils et le Saint-Esprit dans un grand mystère. « Il y revint comme il était parti / Bon pied, bon œil, personne d’averti /Aux dents, toujours la vive marguerite /

Aux yeux, toujours la flamme qui crépite » », comme fredonnait l’ami Brassens dans une comptine providentiellement intitulée « Jehan l’advenu ».

Quand on pense « Bretagne », on s’imagine le solide et brut granit piqueté de quartz étincelant, les arbres en plume penchés et salés, les côtes déchiquetées où sévissaient quelques cruels naufrageurs du temps de la marine en bois, les genêts, fleurs de misère battues sous le vent mauvais et les coups de torchon, le grain. Qui voit Groix voit sa croix, la houle et les tourments, qui voit Sein voit sa fin, qui voit Ouessant voit son sang… La Trinité, c’est tout différent, on dirait le sud, le temps dure longtemps et la vie s’y écoule assez paisiblement.

C’est un havre, une reculée profonde, doucereuse et florale, un port protégé par une sorte de frontière pontificale, le pont de Kerisper traversant la rivière Le Crac’h et surplombant l’Anse de Kervilor. J’imagine bien qu’en été, les gens et les bobos s’y pressent, s’agglutinent sur les quais et dans les restaurants. Hors saison on est surpris de voir soudainement un rassemblement, une queue dans une rue. Que se passe-t-il ? C’est le retour de la marée, mince j’aime pas le poisson. Tantôt j’ai voulu acheter quelques cartes postales; je suis entré dans l’échoppe. Personne ! Le gâ était parti boire un coup, laissant son commerce ouvert aux quatre vents, sans soucis. C’est encore un pays tranquille de paludiers, d’ostréiculteurs, de pêcheurs et de paysans qui ne négligent pas ce que peut apporter le tourisme à leur commerce, loin s’en faut.

Quand vous viendrez à La Trinité-sur-Mer, vous comprendrez pourquoi en paix, Jean-Marie Le Pen était un doux, un néo-baroque comme écrivait Yvan Blot. Le climat qui y pèse presque physiquement et la curieuse luminosité rappellent la douceur des jardins d’Anjou et l’immense ciel de Loire. C’était un dur à cuire aussi que ce tribun qui n’a jamais triché (dixit le chanteur oublié Pierre Dudan), élevé tout enfant, sans papa, sur un sol de terre battue près des alignements mégalithiques de Carnac, des pierres levées magiques, les menhirs, les dolmens, les roches sacrées de la plus longue Histoire, le soleil de pierre rougissant sur la lande morganatique.

Au nord, c’est Auray le pays de Georges Cadoudal où Du Guesclin dut s’avouer vaincu devant Olivier de Clisson et les Anglais en 1364. Sainte-Anne d’Auray chère à Anne Brassié, son pardon, plus grand rassemblement chrétien de Bretagne et le petit port du Bono, pittoresque bourgade.

Quant à vous qui vous rendrez en pèlerinage discret, élégant, taiseux et pieux, ne demandez pas aux habitants l’adresse de sa maison, cela ne se fait pas, ce ne sont pas des manières. Le monument aux morts porte le nom de Le Pen, c’est déjà bien assez.

Kénavo Jean Marie, tout est bon chez vous, y’a rien à jeter, sur l’Île des Moines il faut tout emporter. Un Kouign-miam-miam peut-être, j’en ai fait un pour vous.

Vous m’écriviez « affectueusement », merci Jean-Marie Je t’aim’. Et ruit Oceano Nox…

Franck Nicolle

* https://www.youtube.com/watch?v=xGX_mRUAAtM

** https://www.youtube.com/watch?v=Vby29AsQ9ps

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