En près de 75 ans d’existence, l’hebdomadaire Rivarol a subi moult poursuites (et cela continue, puisque son actuel directeur Jérôme Bourbon annonce six affaires à venir) et donc usé beaucoup d’avocats. De mon temps, de fin 1962 à fin 2010, deux périodes furent particulièrement difficiles — et ruineuses.
D’abord les deux présidences gaulliennes, sous lesquels pleuvaient les procès pour « offense à l’honneur et à la considération du chef de l’État », entre autres qualifié de « démiurge », ce qui était plutôt flatteur, mais l’intéressé n’en jugea pas ainsi. Ensuite à partir de 1972, quand les associations autoproclamées antiracistes et habilitées à se porter parties civiles tels le MRAP communiste, la Ligue des Droits de l’Homme maçonnique et la LICRA talmudique en attendant SOS-Racisme s’avisèrent qu’inspirées par Simone Veil, alors influente conseillère du ministre centriste René Pleven, les lois du même nom interdisant toute discrimination raciale ou religieuse pouvaient leur rapporter très gros en dommages et intérêts. Tout en faisant vivre grassement pléthore d’avocats, généralement d’une médiocrité absolue. Et la situation devint intenable avec la loi Fabius-Gayssot adoptée en juillet 1990 dans le fracas de la vraie-fausse profanation du cimetière juif de Carpentras scandaleusement attribuée au Front national et punissant d’amendes colossales et de prison (jusqu’à trois ans) toute contestation de crimes contre l’humanité, autrement dit, toute relecture de l’histoire officielle de la Seconde Guerre Mondiale. Aux LICRA, MRAP et LDH se joignirent des lors une kyrielle d’associations de résistants, de déportées, voire de Fils et Filles de déportés (Klarsfeld).
D’une génération d’avocats, l’autre…
Sous le règne gaulliste, nos avocats historiques avaient été Jean-Louis Tixier-Vignancour et François Cathala. Sous la persécution « humaniste » leur succédèrent Éric Delcroix, Georges-Paul Wagner puis François Wagner qui, face aux grands anciens, ne déméritèrent pas, bien au contraire, même s’ils se heurtèrent eux aussi à une magistrature obéissant beaucoup moins au droit qu’à la doxa, laquelle exigeait le châtiment des mal-pensants.
De son père Georges-Paul, François Wagner avait hérité sa superbe voix de baryton basse, que démentaient l’air juvénile et la sveltesse qu’il conserva jusqu’à sa mort brutale. Mais, plus important, il avait hérité aussi une immense culture, une parfaite rectitude morale et l’amour passionné de Madame la France, comme de la liberté d’expression qu’il défendait en toutes circonstances, à la barre comme dans des conférences. Quand il plaidait, cet homme si courtois pouvait se montrer féroce et les avocats des parties civiles comme les substituts redoutaient son ironie comme sa science du droit.
Écœuré par la dérive gauchiste des magistrats et le « théâtre de Satan » que devenaient les arènes judiciaires à mesure que le Code pénal reculait devant la moraline, Eric Delcroix prit sa retraite par anticipation en 2008 (et, fait rarissime, l’honorariat lui fut refusé par ses pairs). François Wagner avait tenu bon. Mais à quel prix pour sa santé ? Il a succombé le 2 mai à une crise cardiaque, âgé de 71 ans à peine. Il manquera cruellement à tous ceux qui l’ont connu, et donc apprécié, mais aussi à notre famille d’esprit qui a perdu une précieuse vigie.
Camille Galic (directeur de Rivarol de 1983 à 2010)
NB : Les funérailles de François Wagner auront lieu le mardi 13 mai à 15h30 en l’église de Saint-Germain-en-Laye.