Quo non ascendet ? En dix jours, la pétition lancée sur le site de l’Assemblée nationale par Éléonore Pattery, une étudiante paraît-il apolitique, contre la loi Duplomb réautorisant l’usage par les agriculteurs de l’étamipride a réuni 1,6 million de signataires, dont le nombre ne cesse d’augmenter. Ce qui chamboule toute la classe politique.

Généralement, le pouvoir d’achat, la criminalité et les retraites sont cités en tête des préoccupations des Français. Mais on peut penser que vient au contraire en premier la santé à voir la mobilisation massive provoquée par le retour d’un pesticide qui, accusé de nuire aux insectes pollinisateurs, de s’accumuler dans les sols et les nappes phréatiques, et donc de présenter des risques pour l’espèce humaine, semble avoir frappé de sidération nos compatriotes. Comme il l’avaient été en 2019-2020 lors de la « pandémie » du Covid qui leur fit avaler tout crues les mesures les plus liberticides, lesquelles devaient aussi se révéler fatales sur les plans économique et civilisationnel puisque l’interminable confinement par exemple bouleversa le monde de l’entreprise et du commerce mais aussi la société.

Que l’étamipride soit un poison comme tous les autres nicotinoïdes (et comme nombre de produits parapharmaceutiques parfaitement tolérés par l’Agence nationale de Santé) est une évidence et son retrait définitif aurait été concevable si la France était une île vivant en autarcie. Mais elle était au contraire le seul des vingt-sept États de l’Union européenne à l’avoir interdit et le Maroc comme la Turquie dont la production agricole si concurrentielle pour notre propre filière envahit nos marchés en font eux aussi grand usage, notamment pour la production des noisettes indispensables à la fabrication du très populaire Nutella et de ses ersatz. Les Français sont-ils prêts à proscrire ces friandises de leurs garde-mangers ?

Favorisé par les médias presque unanimes, le formidable succès de la « mobilisation citoyenne » à laquelle on assiste aujourd’hui est en tout cas d’abord un succès pour la gauche écolo — celle de Sandrine Rousseau qui, elle l’a répété, « n’en a rien à péter de la rentabilité des agriculteurs ». En perte de vitesse depuis plusieurs années, les Verts sont désormais remis en selle et La France Insoumise triomphe cependant que vacillent, voire s’écharpent (voir l’accrochage entre Aurore Berger et Agnès Pannier-Runacher) les ministres du gouvernement Bayrou, et que bafouillent les Républicains comme le Rassemblement national.

Mlle Pattery a bien réussi son coup. On lui prédit une belle carrière dans les allées (avec ou sans pesticides) du Pouvoir.

Claude Lorne