En matière de thermalisme, le commissaire Maigret et Jean-Gilles Malliarakis préféraient Vichy. Le premier pour se soigner et le second pour boire son eau préférée tandis qu’un professeur iconoclaste dont le nom répand encore la terreur résidait le reste de son âge dans l’ex- capitale de l’Etat Français qui avait pour devise « Travail, Famille, Patrie. » Formule que Raymond Barre avait reprise à son compte au point d’en rajouter en s’écriant en 1985 : « Vive le travail, vive la famille, vive la Patrie, mais dans une France libre ! » Sacré Raymond… Il avait dû par trop chopiner avec l’ami Bruno Gollnisch dans quelque bouchon de Lyon…
André Raimbourg (alias Bourvil), Jackye Sardou (alias la femme de Ferdinand, née Jacqueline Labbé) et Geneviève Suzanne Marie-Thérèse Mulmann (alias Madame de Fontenay), mais aussi le shah de Perse ou la reine Isabelle II d’Espagne préféraient les eaux de Contrexéville, cité voisine, où repose depuis 1920 la grande-duchesse Wladimir de Russie, dans une charmante petite chapelle orthodoxe, au bord du Vair pas toujours tranquille et parfois débordant… Si vous voulez tout savoir, sans être abonné à Jours de France, elle était la petite-nièce de l’empereur Guillaume Ier et de la tsarine Alexandra Fiodorovna et une cousine germaine de l’empereur Guillaume II (à qui l’Alsace et la Moselle doivent leur droit local dont elles sont si jalouses, à juste titre). Le plus jeune de ses demi-frères, Henri, épousa la reine Wilhelmine des Pays-Bas, ses nièces Alexandrine et Cécile de Mecklembourg-Schwerin épousèrent respectivement le roi de Danemark et le Kronprinz de Prusse, héritier du trône impérial allemand. Comme chantait Fernandel : Oh-la-la ! Quelle famille !
L’eau ferrugineuse.
C’est à Contrexéville que mon pays Bourvil eut l’idée de son sketch sur l’eau ferrugineuse. Il en bouvait, disait-il dans le parc gentiment arboré et agréablement pentu qui longe une ligne de chemin de fer insuffisamment usitée. Dans le jardin, des pancartes en caractères cyrilliques nous expliquent les essences, les simples, les arbres et les arbustes plantés là. C’est un lieu où coulent comme le ru, le souvenir indéfectible et discret de l’amitié franco-russe et persique, qui va d’Ispahan jusqu’au fleuve Amour, en passant par la Lorraine.
Dans son Camp des Saints publié en 1973, le visionnaire Jean Raspail, après Céline et le beau Léon, expliquait déjà que la France était cuite, recuite et ratacuite. Il pensait cependant que quelques lieux pussent être préservés, un peu plus long de temps des conséquence du changement de peuple du à l’immigration massive (ou sauvage comme écrivait François Duprat, l’homme qui a inventé le Front National.*), désormais voulue, décidée par le capital, la fortune anonyme et vagabonde et dont Georges Soros est un des maître d’œuvre, un « Idéal-type » (s’il faut parler comme Max Weber), mais aussi un sale type avec une trogne toute pourrie, reflet visible et repoussant de son âme maudite.
L’ambassadeur du roi d’Araucanie et de Patagonie songeait qu’il existerait sur quelques parcelles de France, des îlots singuliers où l’on vivrait encore, à peu près comme nos pères et où l’église garderait toujours sa place au milieu du village comme on dit en Alsace, mais aussi dans les cantons suisses et en Belgiques voisines. C’est le cas du bourg rural de Vittel, en tout cas pour l’instant. La grande force et l’avenir de la cité, reposent à mon sens sur la verdure, la rusticité, la résilience, la modestie, le renoncement simple et doux à la modernité si nuisible.
Voici les nuits fraîches au plein cœur de l’été, la tranquillité, l’humilité (la popularité de la petite ville est récente et doit tout à Louis Bouloumié qui y acheta une fontaine en 1854 et la fit fructifier) afin d’inverser la courbe démographique locale en déclin tout en se gardant bien d’inciter le nouveau et prolifique lumpenprolétariat des cités à venir s’y installer et même de s’y frotter… De toutes façons, les sports pratiqués au village sans prétention (équitation, tennis, tir à l’arc, golf, natation…) ne séduisent point les « chances pour la France », population et concept que nous devons à Bernard Stasi de bien triste mémoire.
On est bien à Vittel !
Dans l’idée des re-dynamisation des centre-villes et centre-bourgs, il faudrait sans doute savoir profiter et être heureux de ce que l’on possède. C’est-à-dire le calme, le ron-ron délicieux et parfois l’ennuie bienfaisant. Et le faire savoir, sans trop en faire. Je parle d’autant mieux de ce projet que j’avais anticipé il y a bien vingt ans, dans mon premier mémoire en sociologie rurale et urbaine, l’essor de la future zone d’activité commerciale de Contrexéville à partir de l’ancienne base aérienne militaire (B. A. 902.). C’est fait ! ma doué moi aussi je suis un visionnaire ! un speculator, comme saint Nicolas de Myre, saint patron de la Lorraine, de la sainte Russie, des écoliers, des avocats et des bateliers…
Comme il est agréable de se promener dans le parc d’honorable étendue (650 ha), où jaillissent différentes sources aux vertus dissemblables et curatives (Grande Source, Hépar) ! Voici des fleurs, des fruits, des herbes et des branches et des insectes à l’abri. Des milans dans le ciel cherchent l’ascendant tandis que nous prenons le frais sous la galerie. Des quatuors d’anciens jouent aux cartes en silence. Des adolescents sveltes à la chevelure luxuriante, coiffés façon coupe 42, s’essayent au jeu d’échec. Le temps suspend son vol. Plus loin, sur le chemin qui mène à l’hippodrome, une fratrie de canetons et leur maman se cachent sous un porche à notre venue tandis que des golfeurs d’opérette tentent de frapper leur balle sur le practice. Le champ de courses est aujourd’hui tranquille, pas de trot, de galop, de saut d’obstacles, ni d’exhibition de chevaux lourds, de trait, magnifiques par leur corpulence et cette force tranquille. Il faut voir ça un autre jour ! Et même faire le voyage. D’autres préfèrent le tennis, le tir à-l’arc, le ball-trap… Debleu ! c’est ça qu’on entend, ces coups de fusil ! Dans la roseraie, des pétanqueux sur le gravier, mesurent le point tandis que les terrains de boule lyonnaise sont désormais abandonnés.
Chacun s’y retrouve !
Tout le monde, des gamins intrépides, des têtes chenues menant tricycle tel mon ancien médecin traitant et voisin le docteur Bauer qui habitait dans la maison du vittellois Darry Cawl, des curistes, des G. M. (gentils membres du Club Med) baguenaudent, se disent élégamment bonjour et commèrent. Madame promène son chien sur les remparts du Grand Hôtel, Candice Patou, l’actrice et femme de feu Robert Hossein discute avec Mme Henry mon ancienne voisine (marchande de chaussures) et Mme Barrois mère, notable boulangère… Filons doux ! J’y ai rencontré naguère Raymond Poulidor, Popeck, Marthe Villalonga, Jean-Pierre Mocky qui voulait réaliser des scènes dans mon restaurant, à condition que je sois cantinière à titre gracieux pardi ! Robert Hossein bien sûr, converti au catholicisme et dont la foi demeure. Sa tombe est ici, dans le cimetière de Vittel. J’allume ma pipe, le parc est privé et je ne suis pas sûr que la gendarmerie ou la police municipale y ait autorité pour réprimer le vice tabagique que je partage avec Camille Galic !
Le maire est enthousiaste, encore jeune et beau comme un sou neuf, il s’appelle Franck, ce qui est toujours de bonne augure. S’il n’est pas de notre paroisse, il lui tient à cœur de conserver et de manifester le patrimoine séculaire. Les luminaires dans le parc ont été restaurés à l’ancienne, les idées modernes et l’art comptant pour rien n’ont pas l’heure de le séduire. Des bornes explicatives ont été installées un peu partout devant chaque bâtiment un tant soit peu intéressant, comme celui du pavillon Heudebert ou la petite chapelle Saint-Louis à l’entrée du parc.
Saint Louis, comme saint Georges, guide-nous sur la route claire et belle !
Cette maison de Dieu, Domus dei, comme il est écrit sur la façade. Bien que privée, sa porte est toujours ouverte, on peut s’y recueillir et prendre soin d’apprendre ou de se souvenir de l’histoire de ce roi de France, illustre entre tous, en s’intéressant aux vitraux (saint Louis et les pauvres, saint Louis rendant justice, saint Louis se croise…). Les rois ont fait la France, elle se défait sans roi, ce chant de l’Action Française résonne comme une sentence aujourd’hui.
Pour remplir sa boutanche à la source avant de s’en aller, ne manquez pas de vous rendre dans le vieux Vittel où sont érigées deux églises de part et d’autre du Petit Vair, Saint-Privat et Saint-Rémy (Vittel avait deux justices et deux paroisses, petit ban et grand ban). Ces noms sont restés. Le cadre bâtis est authentique et pittoresque mais les maisons de Dieu demeurent fermées au public. Il nous reste la pierre. Sur cette pierre…
Franck Nicolle.
*Francois Duprat. L’homme qui inventa le Front National. Denoël. 2012.
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