Iran

La confrontation Iran versus Israël pourrait reprendre à court terme 

Entretien avec Jean-Michel Vernochet qui vient de publier aux éditions Déterna, dans la collection « Vérités pour l’Histoire » Comprendre la destruction de l’Iran.

(Propos recueillis par Fabrice Dutilleul)

« Pensons aux BRICS [Brésil/Russie/Inde/Chine/Afrique du Sud/Iran/Égypte] dont le poids démographique, économique et technologique est impressionnant au regard d’un Occident à n’en pas douter sur le déclin, infecté qu’il est par l’idéologie woke, un messianisme mortifère et dernier avatar de la sanglante utopie communiste »

Le titre de votre livre laisserait entendre que la destruction de l’Iran serait en cours ou, en quelque sorte, inéluctable…

En vérité, j’ignore si l’Iran sera détruit, c’est-à-dire si son régime – une théocratie parlementaire – sera renversé et si, à partir de là, ce grand et ancien pays, riche autant de ressources naturelles [gaz/pétrole] que de richesses humaines, reviendra, sera réintégré dans le marché mondial selon les vœux et les normes d’un Occident… Qui était hier encore sûr de lui et dominateur, mais qui aujourd’hui commence à être en proie au doute [un endettement colossal] et dont l’unilatéralisme prédateur doit faire face à un monde en mutation devenu ouvertement multipolaire.

Pensons au BRICS [Brésil/Russie/Inde/Chine/Afrique du Sud/Iran/Égypte] dont le poids démographique, économique et technologique est impressionnant au regard d’un Occident à n’en pas douter sur le déclin, infecté qu’il est par l’idéologie woke, un messianisme mortifère et dernier avatar de la sanglante utopie communiste.

Ceux que nous avions tendance à classer naguère – avec beaucoup de condescendance – dans la catégorie « Tiers-Monde » se sont effectivement réveillés. Voyez le chemin parcouru en quatre décennies par la Chine populaire convertie aux avantages du libéralisme économique, et le nôtre, en sens inverse : désindustrialisation dévastatrice, submersion migratoire, la mortalité excédant aujourd’hui le nombre de naissances et ce, malgré les ventres féconds des populations importées ; des institutions en panne, un Parlement [sénat et chambre des députés] rendu inutile en raison de la dictature des magistrats, en particulier ceux du Conseil d’État, qui réécrivent perpétuellement et a posteriori les lois après les avoir passées au crible de leur idéologie cosmopolitistes.

En tout cas la guerre des « Douze jours » a montré que la République islamique se défend et a su apporter un démenti cinglant aux ambitions israéliennes dont à cette occasion les faiblesses sont apparues au grand jour. Gageons que désormais, l’Iran fournisseur à hauteur de 17 % des hydrocarbures nécessaires à la Chine, est devenu un pion géopolitique trop important pour être facilement déplacé ou annulé sur le Grand échiquier global tel que dessiné en 1997 par le stratège de l’hégémonie américaine Zbigniew Brezinski.

Croyez-vous que la confrontation Iran versus Israël pourrait reprendre à court terme ?

Certainement. Si un peuple a donné des preuves de son obstination au cours des vingt-cinq siècles précédents, c’est bien le peuple hébreu qui n’en démord jamais. Depuis vingt-cinq ans, l’Iran est directement dans sa ligne de mire. Et l’opération du 13 juin 2025 Lion debout, murement réfléchie et préparée, était censée estomaquer ou pour le moins, fortement déstabiliser les instances dirigeantes du pays – frappes extensives et éliminations ciblées d’une quarantaine de haut dignitaires politiques et militaires ou scientifiques – et même parvenir à la chute du régime. Il n’en a rien été. Et la réponse iranienne a été à ce point vigoureuse, les défenses aériennes d’Israël ayant été rapidement dépassées et les arsenaux [israélo-américains] se vidant à vitesse grand-V, que seule l’intervention non prévue de Washington a finalement mis fin aux hostilités. Mais les choses n’en resteront pas là, c’est certain…

L’un des atouts majeurs du peuple juif, outre son goût inné de la vengeance, est sa persévérance, et plus encore son immarcescible [inoxydable] volonté de puissance qui lui a permis de conquérir des positions prééminentes au sein des oligarchies mondialistes et atlanto-européistes. Au milieu des années 50, Ben Gourion, Premier ministre du tout nouvel État, avait défini des cercles concentriques destinés à garantir la sécurité d’Israël… Une stratégie qui se poursuit depuis lors, allant de l’actuel désarmement du Hezbollah au Liban à la discrète mainmise sur le Sud Soudan – où Tel-Aviv se propose le cas échéant de déporter un million de Gazaouis – en passant par la démolition de l’Irak en 2003… L’Iran est bien entendu inclus dans cette vision et organisation géopolitique. Mais bien entendu ceci n’est qu’un aspect parmi beaucoup d’autres de la vindicte israélienne à l’égard de l’Iran, qui tient sa place et joue son rôle dans la grande rivalité stratégique Est/Ouest, Eurasie contre Atlantisme…

Donc pour ne pas clore ma réponse, oui les choses n’en resteront pas là, mais pourraient prendre une nouvelle tournure. La « destruction de l’Iran », en tout cas sa neutralisation géopolitique et sa réintégration dans le marché mondial de l’énergie sous la houlette anglo-saxonne, pourrait suivre des voies plus subtiles et aussi plus efficaces que des bombardements massifs et l’assassinat ciblé de ses élites.

Vous sous-entendez que le système dispose d’autres moyens que la force brutale pour mettre fin au pouvoir théocratique en Iran ? De quoi s’agit-il exactement ?

Vous n’êtes pas sans ignorer que le 8 août dernier, à Washington, le président Trump a réuni le président de l’Azerbaïdjan, Ilham Aliev, et le Premier ministre arménien, Nikol Pachinian, pour la signature d’un accord devant mettre fin à quarante ans de conflit frontalier. Pour ce faire, l’Arménie devra modifier sa Constitution afin de renoncer définitivement à sa province du Haut-Karabakh, perdue en septembre 2023 à l’issue d’une guerre éclair où les drones de combat israéliens et turcs [les fameux Bayraktarégalement utilisé par les forces ukrainiennes] ont fait merveille au service de Bakou et du grand frère d’Ankara.

Les termes de l’accord discuté dans la capitale américaine prévoient notamment la mise en place d’un corridor – dit de Zanguezour – afin de relier l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan en traversant la province arménienne du Syunik, c’est-à-dire en suivant exactement le tracé la frontière entre l’Arménie et l’Iran ! Ce qui évidemment, si l’on n’est pas complétement aveugle, représente une menace stratégique pour l’Iran… Long de 43 km, ce couloir permettrait de réduire la distance entre la Turquie et l’Azerbaïdjan de 343 km, par rapport à la liaison actuelle via la Géorgie et de gagner un jour sur le transport de fret entre l’Europe et la Chine. Un corridor qui pourrait, rapidement tripler son volume [jusqu’à 11 millions de tonnes de transit] et accroître ainsi de 30% les échanges entre la Chine et l’Union européenne.

Téhéran est bien entendu vent debout contre ce projet, jugeant que ce couloir pourrait constituer une porte d’entrée directe pour Israël et l’Otan dans le Caucase où l’Azerbaïdjan poursuit la consolidation de ses capacités militaires grâce à Tel-Aviv et Ankara. Il modifie en outre l’équilibre géostratégique de la région au profit de la Turquie et au détriment de l’Iran dont les provinces du Nord, Azéries, quoique loyales sont néanmoins travaillées en permanence par des agents étrangers.

Bref, le maintien de la frontière terrestre avec l’Arménie est un enjeu vital pour l’Iran et la voir disparaître serait l’un des moyens utilisables pour l’asphyxier économiquement. En mot, perdre l’accès et le voisinage directs avec l’Arménie signifierait pour Téhéran l’affaiblissement de son influence dans le Caucase et le renforcement de l’axe Ankara-Bakou. Corridor qu’il faut évidemment regarder comme l’un des éléments d’un dispositif plus vaste visant à encercler l’Iran, la Russie et la Chine… Or si « Avec le corridor de Zanguezour, l’Iran est encerclé », nous avons-là un prélude à sa dissolution, et donc à sa disparition en tant que nation libre et sa lente digestion dans le grand chaudron du Nouvel Ordre Mondial ultra-libéral-libertaire.

Comprendre la destruction de l’Iran, Jean-Michel Vernochet, éditions Déterna, 152 pages, 21 €. Pour commander ce livre, cliquez ici.

Les médias indépendants ont besoin de vous, faites un don !

dons

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *