Chaque été, je change mes habitudes de lecture. J’emporte avec moi les romans policiers reçus en service de presse pendant l’année écoulée, et je me fais une orgie de ces romans, qui n’appartiennent certes pas à la grande littérature, mais à la littérature populaire, qui a d’ailleurs elle aussi ses lettres de noblesse.
Cette habitude de débarquer dans mon cher sud-ouest avec une pile de « polars », et de rompre ainsi radicalement avec mes lectures du reste de l’année, essais savants, ouvrages historiques etc., je la dois sans doute à ma grand-mère. Quand nous la retrouvions, pour les deux mois d’été, dans notre maison de famille, elle se plongeait elle aussi dans des lectures inhabituelles, en l’occurrence Alexandre Dumas. Les œuvres complètes de cet écrivain, dans une édition de 1880, protégées par une demi-reliure en cuir de veau rouge, patinées par le temps, ornaient la bibliothèque du grand salon, parfaitement alignées.
Ma grand-mère adorait spécialement Les trois mousquetaires
Je lui disais :
- Tu l’as lu l’année dernière, tu ne veux pas en choisir un autre ? Tiens, Le vicomte de Bragelonne. Ça a l’air bien aussi, et il a la même couverture rouge.
- Les trois mousquetaires, je l’ai lu l’année dernière et bien d’autres fois. Cela exaspère ton grand-père de me voir lire ce qu’il appelle des « fantaisies ». Cette exaspération, c’est déjà pour moi un premier motif de satisfaction. Mais par ailleurs il se trouve que c’est mon livre préféré. Pourquoi m’en priverais-je ? Et d’une année sur l’autre je m’y replonge avec délectation. Il faut juste que j’attende une année pour le relire, afin d’être certaine d’en avoir oublié l’essentiel.
C’est vrai : pourquoi s’en priver ? Pour ma part j’ai donc pris cette habitude de me gaver de « polars », au bord de la piscine. En principe je ne les lis qu’une fois, et je refuse toute autre proposition de lecture, plus sérieuse ou plus littéraire…jusqu’à l’année suivante.
Echouer ensemble au bac pour rester ensemble
Le « polar » dont je viens d’achever la lecture s’intitule Cinq points cardinaux.
Son auteur, Jean-Michel Conrad, est un ancien inspecteur de la PJ, la Police Judiciaire. Il y a deux ou trois ans j’avais lu de lui Le hussard et le dragon, paru aux éditons Le Lys noir, et j’avais bien aimé. Alors pourquoi pas celui-ci, reçu avec une chouette dédicace ?
Il raconte l’histoire de cinq jeunes gens, quatre garçons et une fille, élèves du lycée militaire d’Autun. Ces cinq là forment une petite bande d’amis, si soudés, et si heureux de cette amitié, qu’ils décident d’échouer ensemble au bac, pour redoubler ensemble. Avouez que c’est déjà une entrée en matière originale.
Vingt ans aprés
On retrouve ensuite nos cinq héros vingt ans plus tard, mêlés contre leur gré à une sale affaire politico-cocaïneuse, où les salopards ressemblent comme deux gouttes d’eau à certains députés LFI. Le scénario est assez complexe, un peu comme la vengeance du comte de Monte-Cristo. Ce qui ne fait qu’accentuer le plaisir du lecteur. Et la vengeance est aux petits oignons.
Mais il leur faut affronter à la fois les dealers de Grenoble, et le député Mathieu Panet, chef de file de l’ERPES, acronyme de « Engagement Révolutionnaire Populaire Ecologiste et Socialiste ». Sans compter la police, à la recherche de coupables .
Ne vous laissez pas décourager par les premières pages, qui campent peut-être un peu longuement les cinq héros de l’histoire. Mais le plaisir vient vite, avec un duel à l’épée assez sanglant, qui semble tout droit sorti d’un livre de Bernard Lugan et qui va être la source d’une confrontation grand format entre ces cinq amis et les autres : trafiquants Kosovar. et activistes d’extrême gauche.
L’auteur a également truffé son histoire de références à des personnages que vous reconnaitrez, comme cette journaliste de CNEWS aux boucles d’oreilles spectaculaires. Quant à la fin, elle est franchement jubilatoire, façon Règlements de comptes à OK Corral. Mais bien évidemment je ne peux pas vous en dire plus.
Madeleine Cruz
Cinq points cardinaux, par Jean-Michel Conrad, Ed. Godefroy de Bouillon, 2025

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