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Un régime à la dérive

La danse macabre se poursuit. Après plus de trois semaines de tergiversations, Sébastien Lecornu avait finalisé dimanche soir la composition de son gouvernement. Un exécutif que nous pressentions très éphémère (1), véritable radeau de la Méduse voué au naufrage. Mais, à la stupéfaction générale, il annonça dès lundi matin sa démission, avant que le chef de l’État ne lui demande, quelques heures plus tard, de surseoir à cette décision pour mener d’« ultimes négociations » en vue d’une « plateforme d’action pour la stabilité du pays ».

Le temps presse, car la Constitution exige que le projet de budget soit déposé à l’Assemblée nationale au plus tard le premier mardi d’octobre, soit le 7 octobre, après validation par le Conseil d’État et le Conseil des ministres. Le même jour, le Premier ministre était censé prononcer sa déclaration de politique générale. Rien de tout cela n’a été fait. Ces échéances, connues de longue date, rendent incompréhensible la valse-hésitation qui a précédé les récents coups de théâtre, sinon par l’insupportable légèreté des princes qui prétendent nous gouverner.

Le cactus Le Maire

Alors que l’absence de « rupture » avec les gouvernements précédents laissait présager une motion de censure du Rassemblement national, de La France insoumise, ou des deux, avec le soutien attendu des autres formations de gauche, c’est finalement des Républicains, et plus précisément de leur président Bruno Retailleau, qu’est venue l’estocade. À peine la composition du gouvernement dévoilée, le ministre d’État et de l’Intérieur a dénoncé la présence en son sein du « parjure » Bruno Le Maire, promu ministre d’État et des Armées – une nomination que le Premier ministre lui avait dissimulée. Ce mensonge par omission, jugé impardonnable, justifiant un vote de censure.

Par ce coup d’éclat, Retailleau cherchait-il à écarter un rival potentiel pour la présidentielle de 2027 ou à se démarquer de celui qui, grand argentier de Macron pendant sept ans, a contribué à alourdir la dette publique de « mille milliards d’euros » ? Nul ne le sait. Tout comme on ignore si la démission rapide de Le Maire suffira à apaiser la colère des Républicains, dont l’ex-nouveau ministre des Armées fut une figure emblématique à l’époque de l’UMP. Il en brigua même la présidence en 2012 et 2014, en vain, avant de rejoindre la Macronie en 2017, espérant y trouver une herbe plus verte et une reconnaissance à la hauteur de ses ambitions.

On ne peut que se réjouir de voir ce multidiplômé, imbu de lui-même bien que fausse valeur absolue, une fois de plus mis en échec. Mais à quel prix pour la France ? Le monde entier se gausse, à juste titre, de cette tragi-comédie, tandis que le CAC 40 chute, entraînant les banques hexagonales dans sa dégringolade. La peur de l’avenir tarit les investissements, paralyse la consommation des ménages, freine l’activité des entreprises et alimente le chômage. Cette spirale affaiblit une économie déjà grevée, même très marginalement, par les indemnités et avantages versés depuis septembre 2024 aux ministres et ministricules des gouvernements successifs d’Attal, Barnier, Bayrou et désormais Lecornu, souvent sans sinécure à retrouver dans la fonction publique. Une bagatelle d’au moins un million d’euros, incluant les indemnités de chômage des membres de leurs cabinets, souvent pléthoriques.

Qu’attendre d’une VIe République ?

Quel sera le prochain acte de ce spectacle affligeant ? La nomination à Matignon d’un Bernard Cazeneuve ou, pis encore, d’un Gabriel Glucksmann qui nous entraînerait à bride abattue dans une guerre ouverte avec la Russie ? La formation d’un gouvernement en majorité de gauche qui abolirait la réforme des retraites, qu’Elisabeth Borne fit adopter à coups de 49-3, ce dont elle se repent aujourd’hui amèrement ?

Tout à la préparation de la grandiose panthéonisation le 9 octobre de l’humaniste-sic Robert Badinter auquel le site Polémia a consacré une série d’articles accablants, le chef de l’État écarte pour l’heure toute dissolution de l’Assemblée (coût estimé : 180 millions d’euros pour de nouvelles législatives, qui du reste ne résoudraient rien) ou idée de démission, conseillée par son ancien Premier ministre Edouard Philippe et réclamée selon des sondages concordants par 70% des Français — dont 83% voient dans l’Élyséen le vrai responsable de la crise.

Née sous l’égide d’un mégalomane, De Gaulle, la Ve République pourrait bien s’achever sous le règne d’un autre, Macron. Mais gardons-nous de toute illusion : dans le marasme économique, moral et politique où se débat notre pays, quelles institutions pourraient le sauver ? Quel homme – ou quelle femme – providentiel(le) saurait redresser la barre ? Mais, comme le disait Guillaume d’Orange, bien avant Pierre de Coubertin : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre »…

 Camille Galic

(1)  https://nouveaupresent.fr/2025/10/06/la-republique-facon-macron-plus-que-jamais-femme-sans-tete/

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