Un pays déchristianisé réserve chaque jour son lot de surprises. Parfois bonnes. Souvent mauvaises et doublement frappées de la culture de l’oubli et des convictions fausses qui peuvent en résulter. Ainsi, il m’a été donné de constater, même chez certains catholiques, une confusion fâcheuse quand on aborde la question du Temps de l’Avent.
Ici, le terme pâtit fréquemment d’une homonymie conduisant à une croyance erronée. Puisque le Temps de l’Avent se déroule avant la fête de Noël, les personnes peu ou mal instruites du calendrier liturgique s’imaginent que le Temps de l’Avent est ainsi appelé parce qu’il s’écoule avant Noël. Et ces personnes pensent et écrivent « avant », ce qui n’est pas faux dans le temps mais ce qui est toutefois erroné dans l’objet.
Pour préciser les choses, il faut garder en mémoire que la préposition « avant » dérive du latin ante, qui signifie « auparavant », précédé du préfixe ab. Le nom « Avent », en revanche, nous vient du latin adventus qui veut dire « arrivée » ou « avènement ». Le Temps de l’Avent est donc, certes, situé avant Noël, mais il désigne un événement essentiel dans la foi chrétienne : l’arrivée du Messie à travers le mystère de l’Incarnation.
Rapportée au calendrier, l’année liturgique est divisée en trois cycles de durées inégales : le cycle de Noël, le cycle de Pâques et le cycle de la Pentecôte. Le Temps de l’Avent, encore appelé l’Avent, s’inscrit dans le cycle de Noël qu’il inaugure. Il est suivi par Noël et le Temps de Noël, puis par l’Epiphanie et le Temps après l’Epiphanie.
L’Avent signifie aussi l’avènement. C’est le nom que l’Eglise catholique donne aux quatre semaines qui précèdent la fête de Noël. Cette période doit permettre aux chrétiens de préparer leur cœur à la venue du Verbe incarné. Les quatre semaines représentent les années qui précédèrent la venue du Messie. Un chant de Noël, Il est né le divin enfant, évoque ces années symboliques : « Depuis plus de 4000 ans, nous le promettaient les prophètes ». Il évoque aussi l’attente de celui qui doit arriver : « depuis plus de 4000 ans, nous attendions cet heureux temps ». On a compris que chaque semaine symbolise 1000 ans. En réalité, au début du IVe siècle, à Rome, l’année liturgique commençait le jour de la Nativité, le 25 décembre. Mais le Temps de l’Avent émergea peu à peu et, au Xe siècle, il fut placé au début de l’année liturgique. Aujourd’hui, l’Avent commence le dimanche le plus proche de la fête de Saint André, fixée le 30 novembre.
Mais qu’est-ce que le Temps de l’Avent ?
A partir du IVe siècle, il fut d’usage de faire précéder les fêtes religieuses d’un temps de préparation par le jeûne, conférant à cette préparation un caractère pénitentiel. Les premiers temps de l’Avent furent donc marqués par un jeûne de quarante jours, sauf les samedis et les dimanches. En Gaule, ce carême commençait le 11 novembre, jour de la Saint Martin, et il fut d’abord appelé carême de la Saint Martin.
Mais au VIe siècle, l’Eglise de Rome commença à donner une importance particulière aux Quatre-Temps qui tombaient les mercredi, vendredi et samedi après la Sainte Lucie, fêtée le 13 décembre. La raison en est peut-être la volonté de concurrencer la fête païenne des Saturnales célébrées du 17 au 23 décembre. Se posant face aux excès de la fête païenne, l’Eglise institua des jours de jeûne, de prière et de pénitence, et mit en avant les grandes antiennes chantées commençant par l’interjection « O » : O sapientia, O Adonaï, O radix Jesse, O clavis David, O Oriens, O Rex Gentium, O Emmanuel. Pendant le pontificat de Grégoire le Grand (590-604), la préparation de quatre semaines s’imposa. Les dimanches mettaient en valeur des commémorations plus joyeuses, et le caractère pénitentiel s’atténua.
En 754, Pépin le Bref fut couronné roi des Francs par le pape Etienne. Pour marquer l’événement, il ordonna de remplacer tous les livres liturgiques en usage dans l’ancienne Gaule par ceux utilisés par l’Eglise de Rome. L’austérité pénitentielle franque fut ainsi atténuée par les joyeuses célébrations romaines, et l’Avent prit peu à peu le caractère que nous lui connaissons à présent.
Et l’Avent ? Qu’est-ce que c’est ?
L’Eglise catholique distingue trois avènements du Christ, de sorte que l’Avent prépare les fidèles aux trois : la fête de la Nativité de Jésus, la venue du Christ dans le cœur des croyants, et enfin le retour glorieux du Christ-juge le jour de la fin du monde. Un triple avènement donc : historique à Bethléem, spirituel dans la célébration liturgique et eschatologique lors de la Parousie.
A ce titre, l’Avent apparaît comme un temps de désir. La liturgie rappelle les antiques prophéties de David, d’Isaïe ou de Daniel. Les jours qui diminuent et étendent de plus en plus les ténèbres annoncent que la fin du temps approche, mais entretiennent aussi l’espérance dans le retour du Seigneur. Cependant, l’Avent apparaît toujours également comme un temps de pénitence. L’ancienne austérité est rappelée par la couleur violette des ornements, symbole de tristesse et de mortification. L’accompagnement musical est supprimé pendant l’Avent et on ne chante pas le Gloria in excelsis. Mais pour montrer que la joie n’a pas disparu mais qu’elle est simplement devenue discrète et intime, le chant de l’alléluia est maintenu.
Quelques traditions de l’Avent : la couronne, le calendrier et la mangeoire.
Une coutume allemande remontant au XVIe siècle chez les luthériens, mais ensuite adoptée par les catholiques, consistait à allumer des bougies sur une couronne de l’Avent, tant dans les églises que dans les maisons. La couronne de l’Avent peut être de n’importe quelle taille, mais elle doit être confectionnée avec des branches de sapin ou de houx. Elle est posée sur la table ou suspendue au plafond et porte quatre bougies, une pour chaque semaine. Le symbole se trouve dans la flamme de la bougie et dans la lumière qui se dégage. Le premier dimanche, après la bénédiction de la couronne, on dit une prière et on allume une bougie. Ce rituel est ensuite reproduit chaque dimanche. Le symbolisme de la couronne de l’Avent repose sur la lutte entre les ténèbres et la lumière.
Le calendrier de l’Avent, aujourd’hui prétexte à distribution de friandises, était à l’origine destiné à offrir des images en rapport avec le mystère de Noël. Le 24 décembre doit obligatoirement représenter une nativité.
La tradition de la mangeoire est moins connue. Elle consiste à demander aux enfants de mettre dans la mangeoire de la crèche chaque jour un brin de paille, chaque brin de paille représentant une bonne action accomplie dans la journée. Les enfants participent ainsi eux aussi à la préparation de la crèche.
André Murawski







