Depuis de longues semaines, les libanais comme les israéliens sont pris dans un brouillard de guerre électronique. En effet, dans le but de perturber les systèmes de guidage de drones et autres missiles ennemis, l’armée israélienne brouille certaines fréquences du système mondial de localisation (GPS).
Ainsi, dès les premiers jours du conflit, les automobilistes utilisant des applications telles que Google Maps voyaient souvent leur position s’afficher de manière complètement aléatoire, les utilisateurs de Tel Aviv se voyant indiquer Le Caire, tandis que ceux de Haïfa étaient localisés à Beyrouth. Très rapidement, l’armée israélienne a admis qu’elle avait interrompu le GPS « de manière proactive pour divers besoins opérationnels » mettant en garde les usagers contre « des effets divers et temporaires sur les applications de géolocalisation ». Le système GPS fonctionne en recevant des signaux de plusieurs satellites en orbite autour de la Terre qu’il utilise pour calculer une position précise, mais le signal émis s’affaiblit au fur et à mesure qu’il se rapproche du sol ce qui le rend facile à brouiller avec des signaux plus puissants. Ce brouillage affecte également les systèmes de navigation de l’aéroport de Beyrouth.
Dans un communiqué publié par le ministère libanais des affaires étrangères, le Liban va incessamment « déposer une plainte urgente auprès du Conseil de sécurité des Nations unies contre Israël qui perturbe les systèmes de navigation et la sécurité de l’aviation civile dans l’espace aérien de l’aéroport de Beyrouth », dénonçant « la politique délibérée de l’Etat hébreux consistant à brouiller les systèmes de navigation aérienne et terrestre et à perturber délibérément les dispositifs de réception et de transmission des signaux ». Abed al-Kataya, responsable du programme médias de SMEX, une organisation de défense des droits numériques à Beyrouth, a confirmé ces accusations en confiant à L’Orient-le Jour que « l’interférence avec le GPS met en danger le trafic maritime et aérien civil et commercial, provoquant potentiellement des pannes de navigation. » Il a précisé que ce type de brouillage électronique constitue aussi une violation des accords de l’Union internationale des télécommunications dont Israël est signataire, soulignant que cette pratique peut empêcher « la transmission ou la diffusion de signaux de détresse, d’urgence, de sécurité ou d’identification ».
Petit clin d’œil amusant soulevé dans le Times of Israël , « les GPS, brouillés pour la guerre, font faire de drôles de rencontres aux Israéliens et aux Libanais habitués aux applications de rencontres, en particulier Tinder et Bumble. Il semblerait que les utilisateurs reçoivent un nombre grandissant de suggestions de profils correspondants de part et d’autre de la frontière.
Au Liban, de nombreux jeunes beyrouthins ont déclaré au quotidien émirati The National avoir reçu via ces applications des propositions de rencontres avec des Israéliens, un phénomène en nette augmentation depuis le 7 octobre 2023. Selon un article de L’Orient-Le Jour du mois de février, les profils israéliens représentaient déjà 60 à 62 % de ceux qui s’affichaient pour les utilisateurs libanais de l’application Tinder. La situation, pour amusante qu’elle soit à première vue n’est pas sans conséquences graves pour les libanais concernés car la loi leur interdit formellement d’avoir quelque contact que ce soit avec des Israéliens sous peine d’être accusés de collaboration avec l’ennemi et même de haute trahison, les deux pays étant techniquement en état de guerre depuis des décennies, les accords de cesser le feu de 2006 n’étant officiellement qu’une trêve à durée indéterminée.
Sophie Akl-Chedid