OQTF

L’OQTF, c’est mal barré

Après l’abominable affaire Lola, il ne s’agirait surtout pas d’envisager une quelconque « récupération politique », car, on l’a compris grâce aux belles consciences de gauche, cela serait tout à fait inacceptable voire, évidemment, nauséabond. Parlons donc plutôt de justice et d’efficacité administrative.

Le grand public a en effet (re)découvert à cette triste occasion les méandres de l’administration française grâce à la question des « obligations de quitter le territoire français », à l’acronyme désormais bien connu, les OQTF.

Les membres du gouvernement, eux-mêmes, ont considéré qu’il faudrait peut-être s’y intéresser de plus près, envoyant leur porte-parole rappeler que l’objectif est désormais d’exécuter 100 % des OQTF. « Nous voulons atteindre cet objectif total », a affirmé Olivier Véran.

Ce que l’on appelle le bon sens paysan donne évidemment raison à cet engagement. On aurait collectivement et individuellement tendance à penser qu’un individu frappé d’une obligation de quitter le territoire français s’exécuterait au risque d’une sanction de l’État, plus élevée et lourde encore. L’obligation n’est, par nature, pas une possibilité.

C’est d’ailleurs ce que rappelle le Code de l’entrée et de séjour des étrangers et du droit d’asile, en ces termes : « L’étranger exécute la décision d’éloignement dont il fait l’objet, sans délai, ou lorsqu’il bénéficie d’un délai de départ volontaire pour satisfaire à une décision portant obligation de quitter le territoire français avant l’expiration de ce délai. »

Alors, on comprend par l’intervention d’Olivier Véran que si l’objectif est d’atteindre 100 %, c’est qu’il demeure des failles dans l’exécution de ces décisions. Or, il convient d’analyser avec lucidité et honnêteté les raisons pour lesquelles les OQTF ne sont pas exécutées.

Rappelons que si l’étranger fait l’objet d’une telle décision, c’est en raison, soit de l’absence de justification d’un titre de séjour, soit parce que son comportement personnel, du point de vue de l’ordre public ou de la sécurité publique, représente une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l’encontre d’un intérêt fondamental de la société, ou enfin que son séjour est constitutif d’un abus de droit.

On peut constater que toutes ces notions que l’on vient d’évoquer sont empreintes d’une forte subjectivité et d’une vraie casuistique. En effet, comment définir après précision ce qu’est « l’intérêt fondamental de la société », ou encore « une menace suffisamment grave » ? Ces questions font nécessairement l’objet de jurisprudences fluctuantes et laissent libre cours à la sensibilité de certains magistrats.

Ajoutons qu’il existe des exceptions qui interdisent au juge de prononcer une OQTF et ce dans bien des cas. Sans être exhaustif, on peut citer par exemple, le mineur de moins de dix-huit ans. Ainsi, sans document d’identité permettant d’établir l’âge d’une personne, une OQTF ne pourra pas être rendue. Nous pouvons également évoquer « l’étranger titulaire d’une rente d’accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % ». Dès lors, une personne bénéficiant d’une telle rente mais ayant un comportement personnel représentant une menace grave à l’intérêt fondamental de la société ne pourra pas faire l’objet d’une OQTF. Enfin, évoquons le cas de l’étranger qui pourra justifier par tous moyens résider habituellement en France depuis qu’il a atteint au plus l’âge de 13 ans. Par tous moyens signifie qu’il pourrait par exemple (et on l’a vu) justifier de sa résidence habituelle en France grâce à une ancienne OQTF plus ancienne et non exécutée.

Passées ces difficultés, si l’OQTF est prononcée, encore faut-il que la décision puisse être exécutée. Comme nombre de règles juridiques actuelles, tout semble fait pour que l’on n’y comprenne pas grand-chose. On sait que les décisions peuvent faire l’objet de recours devant le tribunal administratif à la fois sur le fond mais également sur la question du pays de retour.

L’étranger pourra bénéficier d’un traducteur, de l’aide juridictionnelle et également du soutien de nombreuses associations partisanes. Il disposera souvent d’un délai pour exécuter cette OQTF. Durant ledit délai, on pourra lui imposer de résider en centre de rétention mais il pourra également être tout simplement assigné à résidence. Par conséquent, dans ce dernier cas de figure, l’étranger échappera facilement au contrôle des autorités administratives.

Enfin, le parcours de l’exécution de l’OQTF s’achèvera sur des problématiques strictement politiques et notamment la volonté d’imposer le retour de leurs ressortissants à des pays qui n’en veulent pas et dont les liens sont distendus avec l’État français.

Par conséquent, affirmer dans ces conditions la volonté d’atteindre 100 % de l’exécution des OQTF, en sachant que c’est parfaitement illusoire, relève une nouvelle fois de la tartuferie politique et de la pure démagogie. Les esprits les plus taquins ne pourraient-ils pas, d’ailleurs, affirmer qu’il s’agit là d’une forme de « récupération politique » ? •

Me Yves Arthémile

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