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Tribune: « Nous dansons sur un volcan »

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“Nous dansons sur un volcan.” L’expression est célèbre, elle émanait d’un obscur politicien libéral de la Restauration qui avait subodoré avant tout le monde les émeutes parisiennes de 1830. « Nous dansons sur un volcan » : l’expression parait spécialement d’actualité, avec ces émeutes assez irrationnelles contre l’allongement de deux années de l’âge de la retraite à taux plein. Cette mesure est dictée tout simplement par la démographie, en particulier au regard des règles de retraite par répartition qui conduisent chaque classe d’âge à financer, non pas sa propre retraite, mais celle de ses aînés. Le pays se déchire donc autour de cette réforme, légalement élaborée, maladroitement ficelée.

Mais cette guéguerre parait singulièrement picrocholine quand on prend un peu de hauteur et qu’on regarde l’état actuel de notre planète. Un véritable axe hostile est en train de se constituer, qui ne regroupe certes, pour l’heure, que quelques pays, la Russie, la Chine et l’Iran, notamment. Mais ces trois pays représentent déjà à eux seuls 20% de la population mondiale, et ils disposent de nombreux alliés, en Afrique, en, extrême Orient, en Amérique latine. Nous ne sommes pas dans un schéma : Russie contre le reste du monde, mais dans une configuration beaucoup plus ouverte, et donc plus dangereuse.

Le mandat d’arrêt de la Cour Pénale Internationale lancé contre Poutine constitue de ce point de vue un test ou plus exactement une ultime provocation, évènement de portée symbolique considérable. Ni Mao (guerres en Corée, Tibet, Cambodge) ni Staline, ni Krouchtchev (Hongrie), ni Brejnev (Tchécoslovaquie, Afghanistan) ne firent l’objet d’une telle mesure.

« Nous dansons sur un volcan » quand on voit la Corée du Nord multiplier les incursions dans les espaces aériens taïwanais ou japonais, et des dizaines d’autres pays chercher à s’aligner progressivement sur l’un ou l’autre camp, tels la Syrie et le Nicaragua, ralliés à Poutine, et quand Chine et Russie signent des partenariats stratégiques antioccidentaux.

Cette convergence géopolitique, cette montée en puissance des dangers, sont éclipsées, – du moins en France -, par le psychodrame de l’âge de la retraite.

Des rapports de force mondialisés très serrés

Voilà qui rappelle fâcheusement juin 36 et les revendications pour les congés payés, trois ans avant une guerre mondiale où périrent 55 millions de personnes, dont une demi-million de Français.

Il n’est pas exclu que nous soyons dans une situation analogue. Les postures guerrières se généralisent dans un contexte géopolitique où les pays qui se déclareront neutres pourraient être bien moins nombreux qu’à l’époque, et les rapports de force mondialisés plus serrés.

Les enjeux humains sont tels qu’on comprend mieux pourquoi les accords de Münich furent plébiscités en leur temps. Et la « bataille des retraites » fera peut-être figure d’évènement dérisoire et quelque peu grotesque, voire indécent , aux yeux des générations à venir, si le pire est au rendez-vous.

Agathon

(2 commentaires)

  1. Excellentes analyse et mise en perspective.
    Un seul oubli : Clinton n’a jamais été poursuivi par une Cour pénale internationale pour son agression contre la Serbie au printemps 1999, ni George W. Bush pour l’invasion de l’Irak au printemps 2003. Opération, qui déstabila tout le Moyen-Orient, “légitimée” par l’arsenal d’armes de destruction massive que Saddam Hussein était censé détenir. Un pur mensonge, comme devait le reconnaître Paul Wolfovitz, numéro deux du ministère US de la Défense, dans le magazine Vanity Fair en mai 2003.

  2. Très juste remarque.
    Celui qui gagne les guerres d’idées est celui qui a la mémoire la plus longue, et il ne faut pas hésiter à répéter un certain nombre de faits avérés, que d’autres s’efforcent de nous faire oublier.
    Agathon

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