chevaux

Ces chevaux qui ne sont pas des bêtes

L’Intelligence des chevaux au travail (1) est un petit livre qui devrait être lu par tous ceux qui pensent que le cheval n’est pas un animal intelligent, opinion que l’on rencontre encore, malheureusement même chez des cavaliers. Ils y trouveront moult indices du contraire.

Les cinq chapitres, écrits par six auteurs différents (pardon, « autrices », ces dames semblent beaucoup y tenir!), sont d’inégale valeur et l’on regrettera dans l’ensemble un ton trop universitaire, confinant par moment à la pédanterie. Mais passons outre et ne boudons pas notre plaisir.

Sur la base du premier chapitre, le meilleur à nos yeux, le livre place l’intelligence du cheval sous le signe de la métis, cette intelligence pratique, voire rusée, que les Grecs attribuaient à Athéna par opposition au logos qui suppose une capacité d’abstraction généralement déniée au monde animal.

Les grands maîtres écuyers, abondamment cités dans le second chapitre, ont tous reconnu au cheval une extraordinaire mémoire, une gentillesse naturelle et ce désir de bien faire sans lequel il n’est pas d’apprentissage possible. Ensuite, c’est grâce au travail bien mené que l’intelligence du cheval peut être exploitée et développée. Animal particulièrement réceptif et doué pour l’interaction, avec ses congénères et facilement avec l’homme qui s’en donne la peine, il est apte à progresser.

Au-delà du simple dressage – capacité d’apprendre, donc d’avoir compris la demande et mémorisé la réponse –, le cheval est par ailleurs capable d’initiatives, plus ou moins selon les individus, comme dans toute espèce. N’oublions pas que nous avons affaire à une proie dont le réflexe phylogénétique face à l’inconnu est la fuite. Mais, une fois que le cheval a dominé ses peurs (grâce à l’homme, bien sûr, pour cet animal domestiqué) il est parfaitement capable de réflexion. Dans un climat de confiance, face à une situation nouvelle, on le verra prendre des initiatives et sortir de la pure répétition de la leçon apprise.

Beaucoup d’exemples sont cités dans le livre, que nous laissons découvrir aux lecteurs. J’en ajouterai un que tous ceux qui ont approché les chevaux connaissent. Dans toute écurie, il y a toujours un individu plus malin que les autres, capable de déjouer tous les systèmes de fermetures inventés par les humains et que l’on retrouve le matin dans le pré ou dans la graineterie, de préférence avec un ou deux copains délivrés avec la même habileté. Ni loquet ni mousqueton ne lui résiste ! De même, cet Hélios de notre connaissance, encore superbe à 29 ans avec sa robe lustrée et son regard pétillant, excelle à défaire les nœuds de longe les plus savants et c’est un spectacle très couru de le voir tirer avec précaution sur une boucle, si elle résiste en essayer une autre avec ce qu’il faut bien appeler une méthode. Tout à l’inverse d’Alexandre (méthode du nœud gordien), il emploie bel et bien la techné d’Athéna, la déesse intelligente qui, voici quelque trois mille ans lui a mis le mors dans la bouche.

Monique Delcroix

  1. Ed. Quae (www.quae.com), mars 2023. 120 pages, 19,50 €.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *