Manouchian

Après l’IVG, le stalinisme au Panthéon

Partie du musée de l’Immigration, la rumeur devenait de plus en plus insistante. L’Élysée a choisi de la confirmer ce 18 juin, date anniversaire officielle de l’appel lancé de Londres en 1940 par Charles de Gaulle, afin de lui donner plus d’éclat et d’insister dans la symbolique : portant selon Emmanuel Macron, « une part de notre grandeur car il incarne les valeurs universelles de liberté, égalité, fraternité au nom desquelles il a défendu la République » , l’apatride et communiste arménien Missak Manouchian va, ainsi que sa veuve Mélinée, recevoir les honneurs d’une inhumation au Panthéon où les Français pourront lui exprimer leur gratitude.

De quoi, et pour quoi ? Militant du PCF depuis 1925, Manouchian attendit 1943, donc bien après la rupture du pacte germano-soviétique, pour entrer en résistance. Avec ses camarades de l’« Affiche rouge », il combattit certes les Allemands mais pas à la loyale, comme les combattants du Vercors, mais au contraire en multipliant les attentats — ce qui provoqua par ricochet l’exécution de dizaines d’otages — avant d’être lui-même fusillé le 21 février 1944.

On comprend que Paris, qui déshabille l’armée française pour équiper l’Ukraine mais, par crainte d’irriter Ankara, ne lève pas le petit doigt pour aider les Arméniens de l’Artsakh (Haut-Karabakh) menacés d’élimination par l’Azerbaïdjan que soutient la Turquie, veuille faire un geste envers les Arméniens de France. Mais Manouchian n’était pas seulement un stalinien fervent, bien plus dévoué aux intérêts de l’URSS qu’à ceux de sa terre d’exil. C’était un chef terroriste, un modèle pour tous les desperados. Est-il judicieux de l’exalter alors que la France reste une cible privilégiée du terrorisme?

L’avertissement de la DGSI

Ce n’est pas Mme Irma qui l’affirme mais, en date du 25 mai dernier, le site officiel de la Direction Générale de la Sécurité Intérieure. Dans sa communication sur « L’état de la menace terroriste en France », dont « le risque, qui s’était atténué ces dernières années, pourrait ressurgir à la faveur de certaines évolutions régionales », la DGSI rappelle que si depuis 2012, 71 attentats ont été déjoués, « les attentats terroristes ont causé la mort de 271 personnes et fait près de 1200 blessés ». Elle insiste aussi sur le fait que, « commises dans un contexte de forte mobilisation de la mouvance islamiste radicale, les attaques de l’automne 2020 ont constitué une séquence terroriste inédite. Elles illustrent l’émergence d’une menace incarnée par des individus non nécessairement affiliés à une organisation terroriste et d’autant plus complexes à identifier avant leur passage à l’acte ».

Avant de devenir soldat d’Allah, peut-être en rédemption de ses péchés — ivrognerie, toxicomanie et prostitution homosexuelle —, le Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, conducteur du semi-remorque « fou » à bord duquel, le 14 juillet 2016, il fit 86 morts et près de 500 blessés sur la promenade des Anglais à Nice où le traditionnel feu d’artifice avait attitré une grande foule (1), ne s’était ainsi jamais signalé par son zèle islamiste. Or, combien y a-t-il dans la nature de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel susceptibles d’être encouragés par la glorification de Manouchian ?

En 2018, année pendant laquelle on recensa 224 300 interruptions volontaires de grossesse en France, Emmanuel Macron avait déjà choisi de panthéoniser Simone Veil, « mère » de l’IVG. Le moins qu’on puisse dire est qu’il choisit curieusement ses « grands hommes » (ou femmes) auxquels la Patrie doit être reconnaissante.

Camille Galic

  1. Le site « Promenade des Anges », association reconnue d’intérêt général car ayant pour « missions principales l’aide et le soutien aux victimes de ce 14 juillet, l’hommage et la mémoire », omet pudiquement d’indiquer le nom du tueur de masse, se contentant de parler d’« un homme domicilié à Nice ». C’est prendre quelques libertés avec la mémoire, justement, et pousser loin le pardon des offenses.

(2 commentaires)

  1. A propos de la scandaleuse panthéonisation du terroriste stalinien Manouchian, Camille Galic évoque l’attentat de Nice, pour lequel l’instruction se poursuit quant aux conditions de sécurité insuffisantes. Ce pourquoi le maire de Nice Estrosi, son prédécesseur Philippe Pradal, l’ex-préfet Adolphe Colrat et son directeur de cabinet François-Xavier Lauch ont été placés sous le statut de témoin assisté. Seront-ils un jour mis en examen pour homicides et blessures involontaires, voire pour mise en danger délibérée de la vie d’autrui comme le demandent les avocats de certaines victimes ? Entendue fin janvier par un juge d’instruction, Magali, la policière de la Brigade spécialisée de terrain qui avait tiré sur le terroriste tunisien, a répété que « le dispositif de sécurité était bien sûr trop léger ».
    Il se trouve que, le 14 juillet, 2016, présent à la garden-party d’Estrosi au musée Masséna, j’avais été frappé par le nombre de policiers municipaux également invités, plusieurs dizaines. Auraient-ils été plus utiles ailleurs, derrière les écrans de télésurveillance par exemple ? C’est la question que je me pose depuis cet attentat qui a fait 86 morts et dont j’aurais pu être mêlé si je n’étais pas parti dès 21 heures… pour prendre sur la Promenade le dernier bus de la ligne 10 et bien assister au feu d’artifice, mais de Carras.

  2. Dans cet article, il est dit que Macron offre les honneurs du Panthéon à Manouchian pour faire oublier qu’il “ne lève pas le petit doigt pour aider les Arméniens de l’Artsakh” menacés de génocide par l’Azerbaïdjan musulman aux ordres de la Turquie. Rien n’est plus vrai. On vient d’apprendre que, depuis le 15 juin, l’Azerbaïdjan interdit totalement les convois humanitaires, y compris ceux de la Croix-Rouge, qui étaient les seuls liens du Haut-Karabakh et de ses 120 000 habitants, privés de tout depuis le blocus mis en place en décembre par le régime Aliev, avec le monde civilisé. De plus, les 18, 21 et 22 juin, les forces azéries violant impunément le cessez-le-feu ont utilisé l’artillerie contre les forces arméniennes à Martouni et à Martakert, faisant de nombreux blessés.
    Face à l’indifférence générale devant la catastrophe en cours, que pèse le dérisoire symbole Manouchian ?

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