Le numéro d’été de la revue littéraire non-conforme Livr’arbitres vient de paraître avec un sommaire très riche comme à son habitude. Si les « écrivains et la mer » sont à l’honneur, le lecteur trouvera également dans ce numéro, outre l’actualité éditoriale passée au crible, plusieurs entretiens et des dossiers dont l’un est consacré à Pierre Loti.
PIERRE LOTI et L’APPEL DU LARGE
Julien Viaud naquit à Rochefort près de l’Océan et, dès son enfance ayant appris que plusieurs de ses ancêtres avaient été navigateurs, il voulut devenir matelot et obtint de sa famille qu’on l’envoie à Paris au Lycée Henri IV pour préparer son entrée à l’Ecole Navale. Au bout de quelque temps il fut admis au Vaisseau-ecole en rade de Brest. Après un voyage d’étude au long des côtes de France il embarqua sur le bateau de guerre Jan-Bart. Il a alors dix neuf ans, le grade d’aspirant, et il va naviguer sans relâche sur toutes les mers et les océans près des pays dont il a toujours rêvé… Japon, Océanie, Tonkin, Arabie… Et quand il débarque à Tahiti, en visitant l’île, il rencontre les servantes de la reine Pomaré qui lui donnèrent comme surnom l’appellation d’une fleur du pays, le loti, qu’il va adopter comme pseudonyme. Tout en satisfaisant son goût pour a mer et sa propension à visiter tous les plus beaux pays du monde, lorsqu’il revient en France et séjourne à Lorient à 27 ans, renaît en lui sa passion pour l’écriture dont il était déjà possédé à son plus jeune âge. Il va alors publier un petit chef d’oeuvre : le roman Aziyade, terrible tragédie où un officier de marine anglais appelé Loti vit un amour passionné et difficile avec une jeune turque vivant au harem, et qui en mourra. Ce roman a eu un tel retentissement qu’il y a une trentaine d’années me trouvant en visite touristique à Istanbul, dans une auberge où un turc qui parlait un français parfait avait voulu bavarder avec moi, ce dernier me montra un cimetière assez voisin de l’auberge etm’avait suggéré d’y aller pour voir la tombe d’Aziyadé.
Heureux de sa réussite littéraire, Loti, à partir de 1880 ne va plus cesser d’écrire. Il a trente ans et peut publier Le mariage de Loti. Le succès encore considérable du livre lance complètement sa carrière d’écrivain. Il va alors publier sept nouveaux romans dont deux sont des chefs d’oeuvre, Madame Chrysanthème, ouvrage exotique qui met en valeur le Japon, et Ramuntcho qui valorise le pays basque. Entre temps Loti est élu à l’Académie Française qui le préfère à Zola. L’année suivante, en 1899 , il est promu capitaine de frégate dans la marine et quelques mois plus tard son escadre part en extrême orient à cause des troubles en Chine. Il continue néanmoins à écrire et à publier avec succès des ouvrages de caractère plus politique – par exemple en 1913 La Turquie agonisante– et en 1910, il doit prendre sa retraite. Il reprend néanmoins du service pendant toute la première guerre mondiale de 1914 à 1918, puis termine sa vie en solitaire dans sa maison à Hendaye où il mourut en 1923.
Toute sa vie et cette carrière pleine d’aventures permettent de discerner chez Pierre Loti la fascination de l’espace des mers et des pays lointains et la conscience douloureuse de l’action dévorante du temps qu’il n’a pas pu stabiliser dans ses créations littéraires.
Louis Baladier
Livr’arbitres, chez Patrick Wagner, 36 bis, rue Balard 75015 Paris