La résolution sur le Liban votée mercredi par le parlement européen ne passe décidément pas, minée par le treizième point consacré à la question des réfugiés syriens. Pourtant, la totalité des 15 autres points détaillés dans le texte couvre de façon parfaitement éclairée de nombreux aspects de la situation actuelle, du blocage des institutions politiques et judiciaires par le Hezbollah et ses amis, de la menace qu’ils font planer sur la sécurité publique comme lors des évènements de Ain Remmaneh, à l’ explosion au port de Beyrouth en passant par les responsabilités de la classe dirigeante dans l’effondrement économique.
On pourra souligner la contradiction d’un texte qui témoigne globalement d’une bonne compréhension de la situation et son treizième paragraphe qui encourage les réfugiés syriens à rester au Liban, estimant que « les conditions requises pour un retour volontaire et digne des réfugiés ne sont pas présentes » alors même qu’une grande partie du territoire syrien est pacifié et que plus de 50 000 « réfugiés » ont voté pour Bachar el Assad aux dernières présidentielles.
Les Forces libanaises ont immédiatement réagit en publiant un communiqué fustigeant « l’article 13 de la résolution (…) contraire à ce que les Libanais souhaitent et à ce que nous avons demandé à nos amis et partenaires européens concernant le retour des réfugiés », insistant sur le fait que « le Liban ne peut plus supporter ce poids (…) La plupart des régions syriennes sont stables et sécurisées. Le retour volontaire et digne est désormais possible, que ce soit pour les partisans du régime ou les opposants ». Quant au parti Kataëb, il « condamne fortement condamné l’article 13 (…) qui a échoué à mettre en place une feuille de route nécessaire pour leur retour dans leur pays, un point essentiel pour la stabilité du Liban » et souligne que le parti « a exprimé son point de vue vis-à-vis de la présence de plus de 1.5 millions de réfugiés syriens au Liban lors de toutes leurs rencontres internationales, demandant expressément à la communauté internationale d’exercer des pressions sur le régime de Bachar el-Assad pour assurer les conditions sociales et politiques nécessaires pour leur retour ».
Cerise sur le gâteau, les invectives mutuelles de Thierry Mariani et de François Xavier Bellamy via les réseaux sociaux rajoutent une note de confusion à un sujet très sensible pour les libanais, le premier dénonçant une « trahison » du Parti Populaire Européen envers les Libanais avec le vote du texte et précisant que « parmi les élus français, seuls ceux du Rassemblement national ont voté contre cette insulte aux Libanais et à leur avenir », le second l’accusant de « manipulation affligeante » et dénonçant ses liens avec le régime de Damas, « un comble pour lui qui prétend s’insurger contre les atteintes à la souveraineté du Liban portées par cette résolution. Il est quand même sidérant qu’il (M. Mariani) prétende libérer le Liban des ingérences étrangères, lui qui a écrit être l’ami de Bachar el-Assad, auquel il a si souvent rendu visite. » « Qui a occupé si longtemps le Liban et qui empêche le retour des réfugiés syriens, sinon le régime de Damas ? » a-t-il conclu.
Coté medias, Ayman Mhanna, directeur exécutif du centre SKeyes pour la liberté de la presse, a dénoncé une « manipulation de l’information : « Le député français d’extrême droite et pro-Assad, Thierry Mariani, a fait tomber tout le récit de la résolution d’hier dans le piège de la focalisation sur une seule phrase concernant les réfugiés syriens », a-t-il dénoncé sur Twitter. Enfin, le politologue Karim Bitar s’est insurgé contre les déclarations d’un « démagogue qui essaie de capter les votes de quelques aounistes en France en prétendant défendre le Liban contre les réfugiés syriens ». « S’il veut vraiment que les réfugiés syriens quittent le Liban, qu’il commence par demander à son ami Bachar de les reprendre ! »
Et en effet on peut se demander si la virulence de l’attaque de T. Mariani centrée sur un seul des 16 articles de cette résolution -qui n’en est pas moins erroné- ne visait pas à rejeter dans l’ombre les 15 autres qui mettent en lumière les ingérences intolérables et criminelles de l’axe Téhéran-Damas-Hezbollah afin de maintenir le Liban sous sa coupe.
Sophie Akl-Chedid