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Patrick Drahi dans de sales draps

Le milliardaire de gauche Patrick Drahi est dans la tourmente : Altice, son groupe, est surendetté à hauteur de soixante milliards de dollars ; et depuis le 13 juillet, il est en outre accusé de corruption et de fraude fiscale, pour des montants portant sur plusieurs centaines de millions d’euros.

Drahi est l’une des plus grosses fortunes françaises, En 2023, celle-ci est estimée à plus de 10 milliards d’euros, plutôt en baisse sur ces sept dernières années, d’ailleurs. Dans le classement annuel de la revue Challenges, il figure néanmoins à la 22e place des fortunes françaises, dans des eaux comparables à celles de Vincent Bolloré. Comme Bolloré, il a trusté et truste toujours, lui aussi, les médias (BFMTV, RMC etc.). Mais il n’a pas droit, lui, aux tirs à boulets rouges de la ministre de la Culture, de la majorité des médias, d’une partie de la classe politique. Il s’est récemment désengagé, moyennant plusieurs dizaines de millions d’euros, du quotidien d’extrême gauche Libération, quotidien qu’il avait sauvé de la faillite à la demande pressante du président de la République d’alors, François Hollande, et il a vendu L’Express. Mais son pôle Altice Media en fait toujours un acteur majeur de la communication.

Patrick Drahi a donc le cœur à gauche. Ce qui est pour le moins paradoxal. Il est très introduit dans les hautes sphères politiques, médiatiques et patronales, ce qui est un autre problème, quand on a comme lui la double nationalité française et israélienne. Voilà pour la face sombre du personnage.

Il y a aussi, bien entendu, une face positive. Ce pied-noir d’Algérie est décrit comme quelqu’un de sympathique, d’approche facile, par son entourage et ceux qui sont amenés à travailler avec lui. C’est un homme qui donne confiance et qui fait confiance. C’est une qualité… quand cette confiance est bien placée…Toutes les photos le présentent d’ailleurs comme un personnage avenant.

Par ailleurs -élément non négligeable pour les défenseurs des chrétiens d’Orient que nous sommes-, son épouse est d’origine copte syrienne.

Une dette de 60 milliards de dollars

Comment un fils de professeur de mathématiques a-t-il pu se constituer une telle fortune en relativement peu de temps (il a 59 ans) ? En empruntant pour racheter des entreprises en difficulté, en réussissant à les redresser, et à les intégrer dans un ensemble toujours plus vaste, ce qui permet de faire jouer les synergies et donc d’alléger les frais de gestion. Rien d’illégal dans tout ceci.

Toutefois, ces derniers temps, le groupe avait de plus en plus de mal à rembourser ses emprunts, qui se chiffrent à la bagatelle de 60 milliards de dollars. La hausse actuelle des taux d’intérêt contribuait à ces difficultés.

C’est donc à un moment particulièrement délicat de la vie de son groupe, le moment où il s’agit de renégocier avec les banques l’échelonnement des remboursements, que surgit cette affaire de fraude et de corruption, qui concerne pour l’heure les filiales portugaises. Son adjoint, Armando Pereira, vient de passer quelques semaines en prison. Pour l’heure il est assigné à résidence avec bracelet électronique. Une dizaine de cadres du groupe sont également sur la sellette, dont le patron des achats.

Prenant la parole lundi devant les investisseurs, à l’occasion de la présentation des résultats du groupe, Drahi a bien entendu évoqué longuement cette affaire : « je me sens trahi » a-t-il dit. « Si les suspicions du fisc se révèlent vraies, cela voudrait dire qu’un petit groupe d’individus a caché ses actions et profité de certaines de nos acquisitions au détriment d’Altice et de ma réputation ».

Un réseau de type mafieux

Si l’enquête en cours devait aboutir au constat que Drahi savait, ce serait un tremblement de terre dont le groupe – au moins dans sa forme actuelle – ne se relèverait pas.

Mais même s’il est définitivement mis hors de cause, les conséquences sont d’ores et déjà catastrophiques. Onze délits ont été répertoriés. Pereira aurait construit un véritable réseau de type mafieux, détournant des sommes colossales, avec la complicité de fournisseurs et de cadres du groupe. Or Pereira travaille avec Drahi depuis la fondation d’Altice, ce n’est pas un cadre recruté récemment. Qui plus est, il était le conseiller de la direction exécutive d’Altice France (11 milliards de chiffre d’affaires, 40000 salariés). Si comme on peut le supposer les accusations contre Pereira sont confirmées, c’est tout le système de gouvernance du groupe qui est mis en cause, c’est la confiance des banques à l’égard des managers d’Altice, et de Drahi lui-même, qui est gravement compromise. Renégocier les dettes d’Altice dans ces conditions risque d’être très sportif.

Conséquences désastreuses pour la réputation de l’entreprise

Toutes les sociétés d’une taille comparable à Altice peuvent certes être confrontées un jour ou l’autre à des malversations de ce type, des « délinquances en col blanc ». Mais, sans parler des audits des commissaires aux comptes, toutes les sociétés de cette taille ont des outils de contrôle, d’audit, et même souvent de véritables cellules d’investigation, pour identifier le plus rapidement possible les anomalies, les incohérences, régler discrètement le problème, les conséquences de telles fraudes -outre le préjudice financier direct -, étant désastreuses pour la réputation de l’entreprise. Des formations à l’intégrité professionnelle sont dispensées Des crash tests sont régulièrement opérés pour vérifier l’efficacité du dispositif.

Drahi donnait sa confiance facilement ? C’est le moins que l’on puisse dire. Mais du coup il a perdu celle des banques et des investisseurs. A la clé, un total de 75000 emplois. Il y a certains jours où être un patron de gauche n’est pas simple.

Agathon

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