C’est le plus grand et scandaleux paradoxe français. Les prisons n’ont jamais été aussi pleines et la justice française n’a jamais été aussi laxiste.
A priori, cela paraît totalement contradictoire. Les médias de gauche ou du système n’ont de cesse de le claironner sur tous les tons, comme nos hommes politiques d’ailleurs : la justice ne serait pas laxiste, puisque les prisons sont pleines, archi-pleines.
Mais cela n’est qu’apparence et écume. Macron a beau affirmer « il n’y a jamais eu autant de détenus en France », sous-entendu, la justice est sévère, il n’empêche que la criminalité française est en hausse exponentielle et tous les indicateurs le confirment, notamment ceux du ministère de l’intérieur, Cf l’article du Point du 31/01/2023, Délinquance : la quasi-totalité des crimes et délits en hausse en 2022. Alors, comment comprendre cette situation ubuesque ?
Pour les prisons, c’est extrêmement simple, on n’a plus construit de nouvelles places depuis des décennies. Corrélativement, et on le sait bien, de nombreuses peines privatives de liberté ne sont pas exécutées, par laxisme, manque de moyens, retards inconsidérés entre le rendu d’un jugement et son exécution. Les juges sanctionnent (faiblement), mais ensuite l’exécution des peines dépend en premier lieu de la rapidité avec laquelle les décisions de justice vont être concrètement établies par les greffes (on peut attendre plus d’un an avant d’obtenir matériellement un jugement), ensuite les Parquets, totalement submergés, ont la charge de l’exécution, et enfin des Juges d’application des peines et leurs services doivent convoquer les personnes concernées qui bien souvent sont devenues introuvables.
Comme l’a récemment annoncé la Cour des comptes, les places des prisons françaises sont au nombre de 60 000, pour plus de 74 000 détenus. Dans les maisons d’arrêts, où sont notamment incarcérés ceux qui sont enfermés provisoirement, outre ceux qui purgent de courtes peines, le taux de surpopulation atteindrait les 143%.
La cour des comptes distingue plusieurs facteurs, mais omet clairement l’explosion de la délinquance depuis les années 1980. Ayant moi-même commencé ma carrière d’avocat à la toute fin des années 1970, j’ai vécu cette déflagration exponentielle de la délinquance, et parmi les délits qui ont été multipliés par 10, 20 ou 100 : les actes de rébellion et d’outrages aux forces de l’ordre, les refus d’obtempérer, quasiment inexistant il y a 40 ans ; le trafic de drogue sous toutes ses formes ; les cambriolages ; les viols et agressions sexuelles ; les violences physiques, on a jamais reçu ou donné autant de coups de couteaux en France ou autant tiré à la kalachnikov.
Les délits liés au refus de la hiérarchie et de l’autorité sont galopants, et ce à l’image de notre société. Personne n’est à l’abri, pompiers, médecins, infirmières, enseignants, inspecteurs divers et variés, toutes les professions d’autorité (horresco referens), qui par le passé étaient respectées, subissent des hausses vertigineuses d’agressions.
Pas de politique de construction de prisons
Aucun gouvernement n’a mis en place une politique rationnelle et cohérente de constructions de places de prison. Il en faudrait a minima aujourd’hui 20 000 de plus, compte tenu du retard considérable qui a été pris par des politiques inconséquentes. Ne dit-on pas que gouverner c’est prévoir. Construire une prison requiert du temps, or aucune programmation n’a été mise en place.
Mais face à cet échec patent, la justice, contrairement à ce qui est affirmé par la cour des comptes est particulièrement laxiste. Comme toujours, il y a des exceptions mais ces exceptions courageuses cachent la forêt du laissez aller.
Il faut lire la chronique de Judith Waintraub, publié dans le Figaro magazine et que l’on peut retrouver sur les pages web du Figaro ce 6 octobre. Son titre vaut tous les beaux discours : « Laxisme et politisation : la grande dérive de la justice ». Elle prend dans l’actualité des faits divers, certains crimes abominables, ou les accusés ont été condamnés à des peines dérisoires compte tenu des faits commis, et ce au grand dam des victimes, totalement oubliées en l’occurrence. Les victimes sont considérées globalement comme quantités négligeables par la Justice.
Les français qui ne fréquentent pas les prétoires (tant mieux pour eux) ne savent pas que la plupart des prévenus qui comparaissent pour des faits de violences, de trafic de drogue, de viols, de violences sexuelles ont des casiers judicaires long comme des jours sans pain. C’est là le signe de l’échec judiciaire. Un délinquant qui reçoit un bon coup judiciaire sur la tête dès sa première infraction conséquente, mesurera immédiatement le fameux rapport Profits/ Risques que toute personne malhonnête fait et évalue avant de commettre son forfait. Tous les criminologues sérieux vous le confirmeront. Cf Notamment le pédopsychiatre Maurice Berger qui a étudié l’hyper violence des adolescents « leur point commun est l’aspect groupal et le sentiment d’impunité totale ».
Or, la multiplication des sursis, des sursis probatoires, des rappels à la loi, des remises à parents, des heures de travaux d’intérêt général, des divers substituts à l’incarcération, déresponsabilisent le hors la loi, et lui donnent le signal très clair qu’il n’y a que peu de risques, voire aucun risque à recommencer.
Les présidents des tribunaux correctionnels ont l’habitude de poser une question très simple lors de l’interrogatoire du prévenu et j’en ai été témoin des milliers de fois : Avez-vous déjà été condamné ? 9 fois sur 10, pour ne pas dire 10 fois sur 10, la réponse du prévenu est la même : non. Pourtant s’étonne le Président, vous avez un casier judiciaire long comme le bras ? C’est que notre homme n’a jamais fait un jour de prison, il n’a connu que des sursis ou des alternatives judiciaires. Pour lui une condamnation c’est aller en prison, ce qui est frappé au coin du bon sens en vérité.
Si les juges se montraient plus sévères et condamnaient plus fréquemment à de la prison ferme effective, ils rendraient plusieurs services à la société. Une, ils châtieraient comme il se doit ce qui ne serait finalement que justice, la culture de l’excuse étant le paramètre le plus partagé dans notre système judiciaire. Deux, ils empêcheraient la réitération de faits, et trois, ils se rendraient un grand service à eux-mêmes et à la société en favorisant le désencombrement des tribunaux. Mais encore faut-il que les politiques pénales suivent.
Mais lorsque le Syndicat de la magistrature passe son temps à la fête de l’Huma pour taper sur la police, on ne peut espérer rien de bon de notre système judiciaire. Judith Waintraub relate l’histoire emblématique de ce juge parisien qui faisait parfaitement bien son métier, condamnait les délinquants comme ils devaient l’être, validait les rétentions administratives des sans-papiers sous OQTF. Il a subi les assauts conjugués, de véritables cabales d’avocats-militants et de juges rouges. Il a été écarté de ses fonctions de Président de la Chambre des comparutions immédiates, par le courageux Président de son Tribunal, pour occuper d’autres charges. Libération et le Canard enchainé ont été en pointe contre lui, c’est tout dire.
En réalité, la magistrature est prise en otage par le Syndicat éponyme. Les avancements, les notations, sont conditionnés par des commissions où de nombreux membres y figurent, ceci peut expliquer cela. Georges Fenech, ancien magistrat et ancien député LR, dénonce tout cela dans son dernier livre, l’ensauvagement de la France, la responsabilité des juges et des politiques, qui vient d’être publié aux éditions du Rocher.
Car ce laxisme judiciaire est aussi le fruit des politiques, qui depuis des décades, multiplient les textes sur les peines alternatives à la prison et sur les réductions automatiques des peines. Les peines planchers ont été supprimés en 2014, sous François Hollande et sa ministre Madame Taubira. Nicole Belloubet, avait en 2019 aboli les peines de prison inférieures à un mois. Entre un et 6 mois, les peines sont automatiquement aménagées. Idem entre 6 mois et un an si la personnalité du condamné le permet.
Et Éric Dupond-Moretti en a rajouté une couche : Le détenu est automatiquement libéré, trois mois avant que sa peine ne s’achève, s’il n’a pas obtenu par ailleurs des remises de peines ou des libérations conditionnelles. Vous avez dit surpopulation carcérale, je vous réponds, laxisme politico- judicaire.
Michel Festivi