Bédésup

Brèves Bédésup

Dans le milieu de la BD alors très colonisé par « l’esprit de mai 68 », style « Charlie », le bibliothécaire marseillais Jean-Claude Faur, avec sa revue « Bédésup », était plutôt isolé dans sa riposte. Il nous a hélas quitté en 1996, mais c’est pour lui rendre hommage que nous avons repris, en accord avec l’éditeur Philippe Randa, cet intitulé « Bédésup », pour parler, dans les pages du Nouveau Présent, de l’actualité bédéphilique

Rolinat le globe-trotter de la BD : Jean-Claude Rolinat a le diable au corps. Celui qui fut un militant exceptionnel de la cause patriotique (cf ses mémoires politiques : 17 ans dans les tranchées du Front National) a été et reste un grand voyageur, et un fin connaisseur de notre planète. Il a donc, toute sa vie, mené de front un combat pour l’enracinement – comme Jean Raspail, par exemple, autre enraciné majeur – tout en parcourant la planète, dont il est devenu un très fin connaisseur. L’amour de son pays n’a bien entendu jamais empêché Rolinat de donner libre cours à sa passion pour les explorations, une quête des découvertes d’autres civilisations et d’autres modes de vie.

Jean-Claude Rolinat, auteur prolifique, nous a donné toute une bordée de livres consacrés au Canada et aux Etats-Unis, à l’Amérique latine, à l’Afrique, au Proche-Orient, au Portugal, à la Hongrie, à Chypre et j’en passe. Jetez donc un coup d’œil sur la liste des ouvrages de Rolinat, dans wikipedia ou à la fin de son dernier livre. Diable d’homme à double visage !

Rolinat a une spécialité : l’étude des plus petits Etats de la planète, et des Etats disparus. Les philatélistes que vous êtes peut-être en savent aussi quelque chose : le classement des chères petites vignettes dentelées (ou non) dans les albums appropriés est un vrai casse-tête, pour certains continents dont l’Europe, et à certaines périodes.

Son dernier livre nous conduit beaucoup moins loin, surtout du côté de la France et de la Belgique (un peu aussi de l’Italie) puisqu’il s’agit pour lui de nous faire découvrir des pays imaginaires, ceux qu’ont inventé les dessinateurs de BD, qui sont, pour la plupart d’entre eux, français, belges, parfois aussi – et de plus en plus souvent – italiens.

Ce livre-là ne rejoindra pas forcément, dans votre bibliothèque, les étagères où s’entassent les guides du « Petit fûté » (que je conseille, plutôt que les gauchisants « Guides du routard ») ou les ouvrages d’explorateurs affiliés par exemple à la Guide Européenne du Raid.

C’est bel et bien au rayon des ouvrages sur la BD qu’il aura plutôt sa place. Pour des raisons que le préfacier expose, les bandes dessinées, qui visaient à l’origine le seul public des enfants et des adolescents, s’abstenait de publier des récits mettant en cause des régimes politiques, ou exprimant des préférences politiques. Aussi, pour raconter une aventure se passant dans un pays communiste, évoquait-on l’Esturie (« La Patrouille des castors », de J.M. Charlier et Mitacq), ou pour se moquer de dictatures sud-américaines, visitait-on la Palombie en compagnie de Spirou (dessiné par Franquin) .

Jean-Claude Rolinat a procédé à un énorme travail de recherche pour répertorier ces pays imaginaires, trouver leurs « modèles en vrai », nous expliquer pourquoi, par exemple, la Syldavie du Sceptre d’Ottokar doit être située dans les Balkans, San Théodoros de L’oreille cassée, ou le Managua des « Buck Danny quelque part en Amérique centrale », et le Bamago, des mêmes héros, au Mali ou au Congo ex-belge.

Bien entendu cet ouvrage érudit intéressera surtout le petit monde des bédéphiles. Mais c’est un monde qui est bien plus large qu’on pourrait le croire, en particulier depuis que la bande dessinée pour adultes a connu une explosion, avec des héros emblématiques comme Corto Maltese, Lady S ou Largo Winch, par exemple.

Guide touristique et géopolitique des pays imaginaires de la bande dessinée, par Jean-Claude Rolinat, 298 p. Ed. Dualpha, 2023,35€

Gourdon (1925-2011) : ce grand artiste encore un peu méconnu.

Vous ne connaissez pas Gourdon ? C’est un illustrateur extrêmement prolifique, en particulier dans les années 1950 à 1970. On ne connaissait guère de lui que sa signature, en bas de couvertures de livres « grand public » qui paraissaient au Fleuve noir.

Il était par exemple infiniment moins connu que son frère Aslan (1930-2014), spécialisé pour sa part dans le dessin érotique pour des revues comme Lui. C’est à celui-ci que l’on doit aussi une Mireille Mathieu et une Brigitte Bardot en Marianne, ou encore des illustrations de livres pour enfants (bibliothèque rose et bibliothèque verte. Eh oui !).

Michel Gourdon, pour sa part, réalisait, dans la discrétion, des dessins où l’on voyait de jolies femmes, certes, mais aussi des hommes à la stature viriles, dans des situations mettant en valeur leur héroïsme. On voyait aussi beaucoup de voitures, d’armes, ou encore des paysages et des personnages censés inspirer la peur.

Depuis peu on découvre l’œuvre immense et très populaire de Gourdon. Les dessins originaux de Gourdon restent encore accessibles aux collectionneurs, mais on sent bien que l’œuvre de cet artiste va devenir incontournable quand il s’agira de rappeler les « trente glorieuses », tant il est lié aux souvenirs de cette période.

L’association, des amis de Michel Gourdon, de création récente (2011) a beaucoup contribué à cette redécouverte, ou plus exactement à cette révélation que ces dessins qui nous fascinaient, en couverture de romans « de gare » sont des œuvres d’art, dignes de nos murs et de figures dans des collections d’art moderne, à la différence de bien des croûtes régulièrement encensées. Bravo à l’efficace équipe de cette association.

Les cartons de Michel Gourdon, Association des amis de Michel Gourdon, asso.gourdon@gmail.com,

Miège ou l’instinct de liberté : Miège est dessinateur de presse. Il n’est pas le plus connu d’entre eux car il ne dessine pas pour les gros médias mainstream. Sans doute est-il jugé trop politiquement incorrect, pour l’heure.

D’autre part le dessin de presse n’a plus guère bonne presse, si ce n’est dans quelques journaux proclamés « satiriques » et positionnés très à gauche, comme Le Canard enchaîné ou Charlie, qui peuvent à ce titre se permettre toutes les dégueulasseries (mais avec toutefois l’atroce censure des islamistes, du moins pour Charlie).

L’humour de Miège est tout en finesse, en légèreté. Il donne l’impression, à la différence d’un Konk ou d’un Ignace, qui se ressemblent par leur géniale férocité, que tout ce qu’il nous raconte des folies et des turpitudes de notre siècle, prête à sourire. Miège a inventé « le dessin de presse qui fait du bien », comme l’explique le préfacier de son dernier ouvrage, intitulé En traits libres. L’art contemporain, le mondialisme, l’immigration, la délinquance, l’islamisme, le féminisme, les médias-poubelles, tout y passe. Mais ces dessins (le livre en reproduit plus de deux cents) ne sont pas de ceux qui nous mettent en colère ou qui nous font désespérer de l’humanité, ils nous font simplement sourire, et on se dit, en les découvrant (ou en les redécouvrant) : mais que ces soi-disant « artistes », ces mondialistes, ces immigrationnistes, ces islamistes, ccs racailles, ces féministes, ces pseudo-journalistes, sont bêtes et sont ridicules ! Oui cela fait du bien, dans un monde et à un moment où l’on a peu d’occasions de se réjouir, de s’endormir serein et de se lever de bonne humeur.

En traits libres, par Miège, Dualpha, 206 p., Ed. Dualpha, 2023, 25€

Agathon

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