Liban

La guerre des nerfs

C’est un drôle de jeu qui se déroule au Sud Liban depuis l’offensive de Tsahal sur le Hamas au cœur de la bande de Gaza. D’un commun accord, les deux « ennemis mortels », à savoir le Hezbollah et le « grand Satan sioniste » se sont lancés dans un curieux ballet. En soutien à son allié palestinien, le Hezbollah se contente d’envoyer quelques roquettes sur des secteurs quasiment vides de la zone frontalière israélienne auxquelles Tsahal répond en visant essentiellement des champs de tabac, des oliveraies et quelques positions de la « résistance ».

Et si dimanche, les attaques du Hezb se sont faites plus virulentes, suite à la mise en grande difficulté du Hamas à Gaza, les choses sont rentrées dans l’ordre après une discrète intervention américaine via l’envoyé de Biden pour le Liban, Amos Hochstein. Le parti chiite semble certain du fait qu’Israël ne cherche pas à déclencher une guerre de grande ampleur et il calibre ses frappes sans réellement craindre une riposte de poids, le but étant de justifier son inaction aux yeux de ses militants biberonnés au culte du martyre et aux vœux de « destruction totale de l’entité sioniste ». A ce petit jeu, le fer de lance de l’axe de la résistance joue sa crédibilité et les commentaires ironiques fleurissent à chaque intervention vengeresse des hauts placés du Hezbollah devant la presse, d’autant plus que le Hezbollah a déjà perdu au moins 74 combattants pour cinq soldats israéliens. Dans ce contexte, la petite phrase du commandant de la force aérospatiale des gardiens de la révolution Amir Ali Hajizadeh rapportée lundi soir par l’agence de presse officielle iranienne (IRNA), n’est pas sans soulever quelques questions : « La guerre s’est étendue (…), le Liban y participe (…) et plus personne ne peut désormais contrôler la situation. » Ces déclarations du général Amir Ali Hajizadeh s’inscrivent-elles dans le cadre de la guerre psychologique contre Israël ? Ou dénotent-elles une volonté de pousser à l’embrasement régional ? Dans une interview à l’Orient-le Jour, le politologue Karim Bitar a expliqué que « ce n’est probablement pas l’intention immédiate de l’Iran qui profite politiquement de la situation actuelle en s’imposant comme un arbitre incontournable dans une région qui se dirigeait à grands pas vers une normalisation avec Israël » et que « ces déclarations s’inscrivent plus dans le cadre de la guerre psychologique en cours. En déclarant la guerre au nom du Liban, l’Iran rappelle à ses adversaires que c’est lui qui détient les clés, et qu’il peut facilement ouvrir le fameux « second front » au nord de l’État hébreu ». Le jeu (dangereux) iranien est simple : semer le doute chez les politiques, la peur chez les populations.

D’un côté, l’Iran a pris ses distances avec l’opération Déluge d’El Aqsa menée, selon lui,  par le Hamas, tout en ne cachant pas son soutien au mouvement palestinien, à l’instar du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah qui a répété ces dernières semaines que la République islamique « ne décide pas à la place des mouvements de résistance, mais les soutient financièrement, militairement et diplomatiquement ». De l’autre, Téhéran veille à maintenir une pression modérée mais constante sur Israël et les US en activant tour à tour ses groupes terroristes en Irak, au Yémen et au Liban. Si les succès de Tsahal à Gaza continuent à s’enchaîner, on peut également s’attendre à des actions terroristes en Occident et en Amérique du Sud. D’après un analyste proche du Hezbollah, Kassem Kassir, « Les propos du général iranien ne font que refléter la réalité : nous sommes d’ores et déjà au cœur de la bataille. En cas de non-aboutissement à un cessez-le-feu ou à un arrêt des hostilités à Gaza, toutes les possibilités sont envisageables. »

En espérant que le moment venu, les mollahs prendront la peine de prévenir les autorités libanaises de ce qui se passe sur le territoire national …

Sophie Akl-Chedid

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