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Sauver un lieu de mémoire important : entretien avec l’abbé Grégoire Celier

La fin de l’année voit arriver le temps où l’on s’interroge pour faire ses dons. L’abbé Grégoire Celier, prieur de Notre-Dame de Consolation (FSSPX), nous indique une direction que l’on peut emprunter de façon sûre.

Monsieur l’abbé, vous êtes bien connu des lecteurs de Présent comme écrivain et journaliste. Mais aujourd’hui, vous venez nous parler d’un grand projet pour la chapelle Notre-Dame de Consolation, au 23 rue Jean Goujon à Paris, dont vous êtes le prieur depuis dix ans. Quelle est l’origine de cette chapelle Notre-Dame de Consolation ?

— Pour comprendre ce qu’est cette chapelle, il faut rappeler un drame inscrit dans l’histoire de France et de Paris : l’incendie du Bazar de la Charité. Tout le monde a plus ou moins entendu parler de cet événement. Le Bazar de la Charité était une grande manifestation de bienfaisance qui se déroulait durant un mois complet. Les œuvres de charité existantes louaient un stand pour des durées variées, parfais une semaine, quinze jours, tout le mois éventuellement, et elles proposaient à la vente des objets divers, fruits de dons ou du travail de bénévoles, afin de récolter des fonds pour secourir tous les malheurs et soulager toutes les détresses.

En cette année 1897, le Bazar de la Charité s’était établi sur un espace non bâti qui longeait la récente rue Jean Goujon. Pour accueillir les stands, un chapiteau avait été dressé, et sous cet abri avait été reconstituée, avec du bois, du carton, du tissu, du papier, la rue d’un village médiéval (les échoppes abritant les stands).

Nous étions au premier jour, 4 mai 1897, les hommes étaient encore à leur travail, les dames avec leurs enfants finissaient de mettre en place les stands. Le Nonce venait de bénir la manifestation et de repartir. Mille deux cents personnes environ se trouvaient là.

L’une des attractions de cette année-là était une invention toute récente des frères Lumière, le cinématographe. Une première séance avait été organisée dans une salle obscure, éclairée seulement par la lampe du projecteur, non pas électrique, mais encore à l’éther enflammé. A la suite d’une fausse manœuvre, un feu se déclare et, dans cet environnement propice, se propage avec une vitesse stupéfiante, prenant au piège les personnes présentes. Beaucoup pourront néanmoins s’enfuir, même avec des brûlures, mais cent vingt-cinq personnes environ sont bloquées sans issue et meurent en moins de quinze minutes, avant même l’arrivée des pompiers, qui pourtant sont venus très vite (en voiture à cheval, évidemment).

Cette catastrophe fit beaucoup d’impression à l’époque, par sa soudaineté, sa violence, son ampleur, et aussi par le fait que beaucoup des personnes ayant péri appartenaient à la meilleure société. Parmi elles, Sophie-Charlotte de Bavière, sœur de l’impératrice d’Autriche Sissi, et épouse du duc d’Alençon, de la famille d’Orléans. Face à ce drame et à cette émotion, le gouvernement français décréta un deuil national.

Mais quel rapport avec la chapelle Notre-Dame de Consolation ?

— Dans les semaines qui suivent cette catastrophe, le terrain où s’est déroulé l’incendie est acheté par les familles des victimes, et il est décidé d’y construire, au 23 de la rue Jean Goujon, une chapelle en souvenir de ces victimes, où l’on prierait pour le repos de leurs âmes. La chapelle Notre-Dame de Consolation est ainsi le Mémorial de l’incendie du Bazar de la Charité.

Grâce à une souscription nationale, fut bâtie une chapelle néo-classique qui se prolonge à l’arrière par un couvent formant cloître, dont le premier étage, au même niveau que la chapelle proprement dite, est constitué d’un chemin de croix dont chacune des quatorze stations comporte un cénotaphe évoquant une ou plusieurs victimes.

De grands artistes, des techniciens très compétents furent embauchés pour réaliser cette construction remarquable : l’architecte, Albert Guilbert ; le sculpteur, Louis-Auguste Hiolin ; le maître verrier, Henri Carot ; le peintre, Albert Maignan. De très beaux matériaux ont été utilisés, notamment des colonnes de marbre « grand antique », ainsi que de majestueux fûts de marbre vert-jaune. En même temps, ce bâtiment est d’une grande modernité technique, avec l’usage du bois et de l’acier pour les charpentes de la coupole, ainsi que d’un matériau relativement récent à l’époque, pour les fondations : le béton. Albert Guilbert sera d’ailleurs récompensé, avec raison, par la Médaille d’or de l’Exposition universelle de 1900, qui saluera ainsi la qualité d’ensemble de cette belle réalisation.

La chapelle a été confiée durant cinquante ans aux sœurs Auxiliatrices de la Prière pour les âmes du Purgatoire, puis durant soixante ans aux Scalabrinistes, des missionnaires italiens. Depuis 2013, et pour cinquante ans, elle est confiée à la Fraternité Saint-Pie X, qui a la charge d’en assurer la rénovation.

Est-il urgent d’intervenir pour entreprendre des travaux de sauvegarde ?

— La chapelle Notre-Dame de Consolation a toujours été occupée et convenablement entretenue. Cependant, en plus de cent vingt ans, elle a forcément souffert de la longueur du temps et des intempéries. L’intérieur a été sali par un demi-siècle de chauffage à air pulsé au charbon, ainsi que par la pollution parisienne. Quant aux deux coupoles en plomb qui se dressent au-dessus d’elle, même si certaines réparations ont été effectuées au fil des années, elles n’ont encore jamais été rénovées entièrement. Une telle toiture, même de haute qualité, même en plomb, ne peut, après un tel laps de temps, assurer pleinement l’étanchéité pour préserver les décors intérieurs des infiltrations d’eau, qui s’avèrent toujours plus graves.

C’est pourquoi il est nécessaire et urgent de procéder au remplacement intégral de cette toiture, de façon à lui redonner son état d’origine, et à lui permettre ainsi d’affronter le siècle à venir.

Tel est le programme de travaux que nous lançons aujourd’hui, pour le financement duquel nous sollicitons le soutien financier des amis de la foi, des amis de la liturgie, des amis de la beauté et, n’hésitons pas à aller très au large, des amis tout courts.

Les magnifiques feuilles de plomb sculptées sur la coupole, que l’on ne peut voir que du ciel, seront-elles sauvées ?

— La grande coupole qui surmonte la nef possède effectivement quatre « méridiens » qui comportent de très belles sculptures en plomb repoussé, sculptures représentant la sainte Face du Christ sur le suaire, ainsi que les instruments de la Passion.

Grâce aux études historiques et stratigraphiques auxquelles nous avons procédé, nous avons pu démontrer à la direction des Monuments historiques que ces méridiens, à l’origine, étaient dorés. Puisque nous voulons redonner à la chapelle sa splendeur originelle pour le siècle à venir, nous allons faire procéder à la redorure de ces méridiens.

Ainsi, notre coupole se verra de loin et brillera dans le « Paris des ténèbres », comme un appel du Ciel à toutes les âmes qui cherchent la vraie lumière.

Comment peut-on vous aider ?

— Nous avons conclu un partenariat avec la Fondation du Patrimoine, et lancé grâce à elle une collecte publique destinée à nous aider à financer ce nécessaire, mais évidemment coûteux chantier de restauration. C’est la Fondation du Patrimoine qui centralise les dons, et les reversera au fur et à mesure que le chantier avancera. Le grand avantage, c’est la défiscalisation : grâce à la Fondation du Patrimoine, les donateurs peuvent recevoir un reçu fiscal entraînant un remboursement d’impôt, qu’il s’agisse de l’impôt sur le revenu, de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI). Tout cela est bien expliqué sur le site internet consacré à notre projet de restauration, dont l’intitulé est le suivant : « https://restaurons-ndconsolation.fr/ », ainsi que sur le site de collecte de la Fondation du Patrimoine : « https://www.fondation-patrimoine.org/les-projets/notre-dame-de-consolation ».

Je remercie à l’avance tous ceux qui pourront nous aider dans cet enthousiasmant projet de restauration d’une magnifique chapelle au cœur de Paris, afin qu’elle reste pour le siècle à venir un lieu de prière et de mémoire.

Propos recueillis par Anne Le Pape

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