Colmar

Tables d’hôtes : Colmar, un lieu où souffle l’esprit… des Noëls et des neiges d’antan

Le marché de noël de Colmar est celui de « l’anti-Nantes », un rendez-vous pas woke pour un sou noir, mais au contraire fidèle à la ferveur de l’Avent et au souffle de la Nativité qui anime, remplit les cœurs chrétiens et des Français toujours ! Trop bourgeois cependant, trop cosmopolite, trop touristique et trop marchand pour être qualifié, politiquement parlant de réactionnaire, et pourtant!

D’années en années, la cité (qui est une sorte de ville, non pas à la campagne, n’en déplaise à Henri Monnier, mais gentiment cernée de vignobles réputés et de terres maraîchères) embellit et hélas se gentrifie par ce corollaire, à tel point qu’il devient difficile d’y trouver son logis, même pour une seule nuit surtout en cette période, sans dépenser une blinde. Mais Colmar, c’est trop mignon ! Ce n’est pas une image d’Epinal mais de l’ami Hansi (illustrateur talentueux naïf comme son style et natif de ce village plaisant).

Antoine Blondin trouvait toujours les mots les plus justes et les plus pathétiques, considérant la capitale haut-rhinoise comme un décor pour un conte de Dickens : « La ville de Colmar le dresse spontanément le soir de Noël. Le brasier douillet d’une auberge, une chaleur pailletée aux vitres des maisons, des cantiques filtrés derrières les volets clos… » Rien n’a changé vraiment. Hier encore, j’avais vingt ans quand je m’y suis rendu pour la première nuit et où j’ai dormi, au centre de la vieille ville, dans un appartement sans meubles ni sommier, quand un rebord de fenêtre nous servait de cellier, naturellement réfrigéré, éloignant le parfum du munster de nos pièces de vie… Après Suzanne (Bardèche), Francky et le taudis, en somme. Dix, vingt années de jeunesse… Et j’y suis revenu… Il est dix heures pétantes, heure militaire c’est à dire alsacienne, la police empêche les véhicules de pénétrer dans la commune du sculpteur Bartholdi (New-York lui doit sa statue de la Liberté), qui sera piétonnière jusqu’à 19 heures sonnantes (et trébuchantes). Le mieux est de se garer un peu avant le centre-ville, gratuitement ! Soit au sud-ouest (près de la gare, quartier résidentiel du Diaconat), soit au nord-est, rue du Ladhof, près du stade ou rue Gustave Umbdenstock (qu’est-ce que c’est, qu’est-ce qu’il a, c’est qui celui-là ?).Vous vous rendrez à pied ensuite rue Vauban et Grand’ rue. Tout est illuminé en grand. Les haut-parleurs dissimulés diffusent « Jésus, que ma joie demeure » de Jean-Sébastien Bach. Les kiosques s’ouvrent. On trouve son compte de kouglof, de pain d’épice, de joie et de vin blanc (sauf de muscat, fatalitas !), de pâté-croûte dans l’après-petit matin glacé. Les gens de tous les pays, Japonais, Italiens, Espagnols et même Français déambulent en petits groupes sous la surveillance de leur guide touristique, reconnaissable au drapeau qu’il agite avec autorité, quand il s’agit de rassembler son troupeau.

Chacun s’est habillé de sa tenue de fête et d’hiver, pilou-pilou, bottines fourrées, cols roulés blancs et velours verts ou roses. Tout semble spécial et même couleur spécia, moumoute, duvet, douceur et courtoisie, rêveuse bourgeoisie… Luxe, calme, volupté et même chrétienté (solidarité). Pas de lascars ni de racailles à l’horizon… Les CRS coiffés de leur calots réglementaires patrouillent ici ou là, des militaires harnachés comme des mulets portent sur leur béret noir un croissant qui me rappelle le premier régiment de tirailleurs (pourtant Colmar est la patrie du quinze-deux ! 152ème régiment d’infanterie, des Diables rouges). Près du parking Lacare, il y a toujours ce char M4-Sherman qui date de la bataille de la poche de Colmar. Sur le châssis, ces mots sont peints : « France d’abord » que ne renierait pas notre Jean-Marie national (c’était à peu près le slogan utilisé avec bonheur pour les élections européennes retentissantes de 1984). Les cloches de la collégiale Saint-Martin ponctuent le temps qui passe par des sons lourds, profonds et mélodieux pour s’ébranler à midi. Tout autour, tous les chalets sont ornés d’écus représentant des images pieuses, de Marie, des saints et des anges, ce sont des copies des oeuvres exposées au musée Unterlinden, ancien couvent chargé d’histoire et de silence en son cloître. Il y a quelques jolis manèges pour les enfants et l’on entend entre autres chants sacrés ou profane : « Minuit chrétien », avouez que de nos jours, c’est incongru ! La nuit tombe vite… les illuminations les plus éclatantes et les plus mobiles magnifient la vieille cité. Tout à coups, au détour d’une rue escarpée et torse, on distingue une rumeur, des applaudissements, les clochettes et le chant des enfants. Ce sont les « Pinsons du vignoble », quel âge ont-ils 6, 8 ans ? Ils sont assis bien sagement dans des barques à fond plat flottant sur le canal de dérivation de la Lauch. Ils sont accompagnés par un saint Nicolas, chef d’orchestre portant fièrement sa mitre. Ils agitent leurs sceptres décorés d’une étoile ou font tinter les clochettes en chantant : « Dans la forêt les animaux, auront tous un petit cadeau ». C’est si émouvant, sincère, innocent et tendre que j’en reste encore pantois et bouche bée !

A quelques pas derrière, square de la Montagne Verte, tourne la grande roue qui scintille de mille feux (ce qui est loin de satisfaire les riverains qui voient passer les nacelles juste devant leurs fenêtres). A 19 heures pile les échoppes ferment. Règlement, règlement ! Les commerçants s’y plient de bonne grâce et sont même contents de prendre enfin quelque repos. C’est l’heure de l’apéritif et presque aucun bar pour prendre un verre (Colmar n’est pas une ville à bistrots, ce dont la jeunesse se plaint, mais la cité y gagne en calme), jetons notre dévolu chez Les Incorruptibles où l’on dégustera un Chivas pas donné, au son de musiques de merengue et de batchata insolites. De toute façon, tous les restaurants sont pris d’assaut et l’on fait la queue ici et là. Que faire, où trouver grâce ? Rendons-nous place des Unterliden, chez Pfeffel ! Les plats sont traditionnels, le vin de Colmar (domaine Schoffit) toujours excellent autant que l’accueil familial (j’ai constaté qu’on y travaillait de père en fils) avant de pratiquer une promenade digestive et de retrouver sa chambre d’hôtel, la candeur de son adolescence et entrer, une nouvelle foi encore dans l’espérance, ce trésor.

Notes :

Les produits vendus sur les stands sont de grande qualité, le cahier des charges devant être probablement très sélectif. Les gourmets et les gourmands ne sauront où donner de la « gueule », kouglof, chocolats, pain d’épice, vins du pays, foies gras, magrets, charcuteries, fromages, douceurs dans les alcôves éphémères bien sûr, mais aussi au marché hebdomadaire ou sous le marché couvert en plein centre-village (pains, oeufs, fruits et légumes provenant des nombreux maraîchers du coin).

Achtung ! Les chambres d’hôtel louées un soir à 88 € peuvent être vendue plus de 300 € la semaine suivante… Peut-être est-il raisonnable de s’éloigner un peu, au bord du fleuve et outre-Rhein à Breisach (qui se prononce « braillezartt » en allemand) mais que les Alsaciens appellent Vieux-Brisach (prononcez alors : « fieu prisak »). Ce village vaut le détour et c’est moué qui vous le dit ! Et l’hostellerie allemande est vraiment, littéralement exemplaire et très économique. Coté français vous pourrez cheminer dans Neuf-Brisach, ville fortifiée, dessinée par Vauban, au format octogonal dont le plan fut validé par nostre bon roué Louis XIV.

Bonnes adresses :

https://www.hotelstadtbreisach.de/fr

https://www.brasseriechezhansi.fr

Franck Nicolle

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