Nalvany

Des fleurs pour Navalny, pas de pleurs pour Casati

« Il n’y a pas de consensus aujourd’hui pour envoyer de manière officielle, assumée et endossée des troupes au sol. Mais en dynamique, rien ne doit être exclu. Nous ferons tout ce qu’il faut pour que la Russie ne puisse pas gagner cette guerre », affirmait Emmanuel Macron à l’issue de la conférence internationale de soutien à l’Ukraine organisée le 26 février à l’Élysée. L’auteur de cette injustifiable déclaration (de guerre) voulait-il prendre de la hauteur après l’humiliation subie deux jours plus tôt au Salon de l’Agriculture ?

Parlait-il sous l’influence de « certaines substances psychotropes » comme le suppose Pascale Bordes, député RN du Gard, qui l’a accusé de « vouloir nous entraîner dans la guerre » ? Comédien raté, a-t-il cédé au cabotinage puéril qui fait tout son charme en jouant (par procuration) au miles gloriosus ? Se faisait-il le « petit télégraphiste » de Jo Biden pour tester nos partenaires européens de l’OTAN, qui ont d’ailleurs rejeté son appel aux armes ? La mort le 16 février d’Alexeï Navalny l’avait-elle bouleversé et partageait-il la conviction de ceux qui, tel l’autre belliciste Raphaël Glücksmann, tête de liste commune du PS et du groupuscule Place Publique aux élections européennes, clament que l’opposant russe, « le courage fait homme », a été « empoisonné, déporté puis tué par Poutine et ses sbires » le 16 février dans pénitencier sibérien proche de l’Arctique où il croupissait ?

Alexeï, Robert et Thomas : deux poids deux mesures

Il est probable au contraire qu’à trois semaines de la présidentielle russe et alors que, de l’aveu même de l’équipe de Navalny, des tractations étaient en cours pour sa libération de celui-ci et son échange contre un espion russe détenu en Allemagne, Vladimir Poutine se serait bien passé de la mort de ce très médiatique dissident condamné à dix-neuf ans de prison pour « extrémisme » — mais aussi pour certains délits financiers, aux dépens du laboratoire français Yves Rocher entre autres — et de l’émoi que ce décès ne manquerait pas de provoquer à l’étranger ainsi qu’en Russie. Un émoi évidemment exacerbé par la guerre en Ukraine mais aussi alimenté par les réflexes soviétoïdes du Kremlin qui, après avoir refusé à la mère du défunt de voir le cadavre de son fils, avait excipé de « quatorze jours d’autopsie au moins » avant de rendre le corps. Ce délai a finalement été écourté : la dépouille de Navalny a été remise à sa génitrice le 24 février et son inhumation a eu lieu le 1er mars à Borissovo, une banlieue de Moscou, après des funérailles — très brèves, mais marquées par la présence de Pierre Lévy, notre ambassadeur en Russie qu’encadraient ses collègues états-unien et britannique ainsi que Roland Galhrague, ambassadeur de l’Union européenne — dans l’église orthodoxe du même lieu. Autour du sanctuaire se pressaient fleurs à la main, malgré les avertissements du pouvoir, près de quinze mille personnes, dont quarante-cinq ont été arrêtées.

D’où l’indignation renouvelée d’Emmanuel Macron qui, sur X, tweeta aussitôt : « Il en fallait du courage pour aller rendre hommage à Alexeï Navalny. Des milliers de Russes n’en ont pas manqué. Son héritage est là. Mémoire éternelle. »

On se pince : s’agit-il du même président qui, le 10 février dernier, via son ministre de l’Intérieur, faisait cerner par la Brav-M (Brigade de répression de l’action violente motorisée !) la tombe de Robert Brasillach au cimetière de Charonne et interpeller les 39 individus, forcément « extrémistes », venus saluer dans sa dernière demeure le poète assassiné le 6 février 1945 ? S’agit-il du même président qui, le 25 novembre dernier à Romans-sur-Isère, via le même Darmanin, avait fait donner la charge contre les « extrémistes » réclamant justice pour leur ami Thomas, 16 ans, poignardé à mort lors d’une fête de village à Crépol par une racaille maghrébine venue avec sa bande « planter du Blanc » ? Si la presque totalité des pèlerins de Charonne furent rapidement libérés, il n’en avait pas été de même pour les manifestants de Romans (dont la mairesse LR, Marie-Hélène Thoraval, prit la défense, ce qui lui a valu d’être, dans l’indifférence générale, menacée de décapitation par des islamistes), dix-sept d’entre eux étant placés en garde à vue pour « violences ».

Un autre crime du gaullisme

Mais, si scandaleux qu’il soit, l’apitoiement sélectif de nos élites-sic en général et de Macron en particulier ne constitue pas une première.

Après la fin de l’Algérie française, nos médias sanglotaient sur le sort des Tupamaros et des Black Panthers, victimes de la répression les premiers en Uruguay et les seconds aux Etats-Unis. En revanche, bien peu nombreux furent les journaux qui s’indignèrent à l’époque de la mort — en détention, comme Navalny — de quatre prisonniers OAS. Deux Français d’Algérie, Jean-Luc Biberson et Charly Daudet, ce dernier bizarrement retrouvé électrocuté dans sa cellule, et deux officiers, les commandants Henri Niaux et Robert Casati. Le premier qui avait participé à la tentativement d’enlèvement de De Gaulle au Petit-Clamart en mars 1962, fut présenté comme « suicidé » alors qu’il avait très vraisemblablement trépassé sous la torture mais toute autopsie fut refusée à sa famille. Quant au second, figure légendaire de la Légion, « homme de fer et de feu » selon son ami l’éditeur Roland Laudenbach qui lui rendit un vibrant hommage, et arrêté à 42 ans en parfaite santé, il agonisa du 19 février au 2 mars 1963 à Fresnes où il était en préventive depuis treize mois, sans être soigné autrement que pour « une mauvaise grippe ». Et quand, le voyant à la dernière extrémité, le médecin-chef de la prison se prononça enfin pour une hospitalisation en urgence, c’est la préfecture de police de Paris qui ne répondit pas à la demande d’ambulance sous escorte (1). « Le pouvoir l’a tué », c’était la conviction de ceux qui, très nombreux, suivirent ses obsèques à St-Ferdinand des Ternes.

Le préfet de Paris qui, sans doute respectueux des ordres, avait laissé mourir Casati comme un chien n’était autre que Maurice Papon. Qui, devenu ministre entre temps, devait bien être jugé et condamné à dix ans de réclusion criminelle. Mais en 1998, et pour complicité de crimes contre l’humanité consécutifs à l’organisation de la déportation des Juifs de la région bordelaise vers le camp de Drancy d’où ils étaient ensuite acheminés vers Auschwitz. Secrétaire général de la préfecture de Gironde entre 1942 et 1944, ce parfait fonctionnaire avait exécuté les ordres, comme il devait le faire vingt ans plus tard à l’encontre de Robert Casati. Mais ce crime-là ne lui fut jamais reproché (bien au contraire puisque Papon siégea sans discontinuer à l’Assemblée de 1968 à 1978 avant que Giscard ne lui offre le ministère du Budget). Il s’inscrivait dans le « sens de l’histoire ». A l’inverse, quelles que soient les causes de la mort de Navalny, mauvais traitements administrés par les matons ou des codétenus jaloux, ou plus sûrement manque de soins, le culte de celui qui fut un ultra-nationaliste russe n’est, paradoxalement, pas près de s’éteindre dans les milieux où, pourtant, tout ce qui est identitaire est haïssable. Sur la plateforme Change dépendant de l’Open Society du nabab George Sörös, une pétition appelle actuellement à la mobilisation en faveur des près de 700 prisonniers politiques en RussieCombien y a-t-il de prisonniers d’opinion dans notre pays (qui a fini par obtenir de l’Ecosse longtemps réticente l’extradition de l’historien révisionniste Vincent Reynouard), sans que nul ne s’en soucie ?

Camille Galic

  1. Voir le site http://deltas-collines.org

(4 commentaires)

  1. Excellent article au sujet du commandant Casati, que je ne connaissais pas et dont il faut honorer la mémoire.
    Par ailleurs, il y a un autre cas dans l’actualité en la personne de Julian Assange…

  2. quand on est nul à ce point pour parler de Nalvany sans même dérouler le scénario qui s’est jouer par cette mafia, on laisse de Gaulle tranquille…
    Défendre l’OAS en accusant de Gaulle… faut être sacrément pourri !! et laissez la guerre d’Algérie à ceux qui connaissent l’histoire et pas à ceux qui écoutent BFM…

  3. En raison de son français très approximatif, je n’ai rien compris à la lettre de “Dany”, et ignore donc toujours ce qu’il reproche au très intéressant article de C. Galic, qui est décidément notre mémoire. En revanche, je voudrais apporter une précision à cet article : les jeunes qui manifestaient à la mémoire de Thomas suriné par une racaille n’ont pas seulement fait l’objet de poursuites. Six d’entre eux, âgés de 18 à 25 ans et dont le casier judiciaire était pourtant vierge, ont été condamnés à des peines de 6 à 10 mois de prison ferme. alors que des récidivistes exotiques sont libres comme l’air.

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