Le Hezbollah veut impliquer les villages chrétiens dans sa guerre. Ce mardi saint, un énième incident a éclaté lorsque plusieurs miliciens du Hezbollah ont tenté d’installer une rampe de lancement de missile au cœur du village chrétien de Rmeich, à quelques centaines de mètres de la frontière avec la Galilée.
Le curé de la paroisse, le Père Nagib Al Amil a témoigné devant les médias locaux : « Vers 9h du matin, des habitants ont été alertés par le mouvement étrange de deux voitures civiles banalisées circulant dans leur quartier, en particulier près d’une école du village. Une personne s’est approchée de l’un des véhicules et a réalisé que des gens plaçaient une plateforme de missiles Kornet (un type de missile antichar) dans cette zone. » Cet habitant du quartier s’est alors interposé, rejoint par d’autres voisins. Dans une tentative d’intimidation les miliciens ont alors tiré en l’air tandis que les paroissiens sonnaient le tocsin aux cloches de l’église pour ameuter la population. Cette version des faits a été confirmée par le maire du village dans une déclaration accordée au site local d’information Elnashra : «Une bagarre s’est produite lorsqu’un groupe de miliciens a voulu lancer des missiles en direction d’Israël depuis l’intérieur d’un quartier résidentiel où ils ont été interceptés par l’un des habitants », précisant que les combattants du Hezbollah ont fini par tirer les missiles depuis une forêt de pins située à la périphérie du village, non loin des habitations.
A l’instar d’autres personnalités politiques et religieuses chrétiennes, le secrétaire général du Bloc national Michel Helou a exprimé sa « solidarité avec les habitants de Rmeich et de tous les villages que le Hezbollah utilise comme bases de lancement de missiles pour une guerre que personne ne souhaite au Liban ». Un habitant du quartier a vivement dénoncé l’incurie de l’Etat en dénonçant à l’agence de presse al-Markaziya : « leurs paroles ne servent à rien, ce qu’il faut, c’est que les services de sécurité et l’armée agissent car la région est exposée et nos vies sont en jeu. » Le Hezbollah a nié les faits dans un communiqué transmis à l’ANI (Agence Nationale d’information), dénonçant « les informations fausses et infondées qui ont circulé dans les médias sur la tentative des moudjahidines de la Résistance islamique de lancer des missiles sur l’ennemi sioniste depuis l’intérieur de la ville de Rmeich, à proximité de son école, ou de ses environs » ajoutant que « les partis qui ont insisté pour répandre ces fausses rumeurs et ont pris position sur ces accusations sont des partis calomnieux qui incitent au conflit interlibanais et sont à la solde de l’ennemi et de ses objectifs, qu’ils le sachent ou non », mettant en garde contre « leurs efforts malveillants et de leurs objectifs haineux ».
Des accrochages entre les habitants de Rmeich et le parti chiite ont déjà eu lieu par le passé comme en 2022 ou le Patriarche lui-même est intervenu pour obliger la milice à démanteler ses infrastructures installées manu militari, sous la couverture de son ONG promouvant l’écologie Verts Sans Frontières (!), sur des biens fonciers appartenant à plusieurs familles chrétiennes de la région, les Al-Amil, les Al-Alam et Al-Hajj. Selon les habitants, « ils sont entrés sur les terrains agricoles privés avec des bulldozers, arrachant les arbres fruitiers, creusant des trous et des tunnels dans nos bois de pins, et tout cela sous le nez de l’armée libanaise supposée appliquer et faire respecter la Résolution 1701 de l’ONU depuis 2006 (désarmement et démantèlement des milices au sud Liban, conjointement avec la FINUL). Le curé de Rmeich, la plus grande paroisse maronite du diocèse de Tyr, avait déjà témoigné : « Lors de cette mainmise sur des biens privés de la commune, je me suis rendu avec les officiels locaux et toute une délégation représentant les familles concernées auprès des responsables de cette opération pour demander la fin des violations de propriétés. Nous avons été insultés et menacés, nos demandes rejetées. » Et le père Nagib Al Amil d’ajouter : « C’est inacceptable, nous comptons sur l’intervention des services de sécurité pour régler ces violations de nos droits, mais nous savons, à la lumière de l’impotence de l’Etat libanais, que ces derniers n’affronteront jamais cet Etat dans l’Etat ».
Comme aujourd’hui, le bureau d’information du Hezbollah avait minimisé l’incident: « Ce qui s’est passé est une broutille sans importance qui a été rapidement résolue. » Oui, après l’intervention virulente des groupes souverainistes et du Patriarche Maronite en personne…
Sophie Akl-Chedid