Soral

Les lectures de Madeline Cruz : Contre-Culture

« Contre-Culture » n’est pas une émission de France Culture ou un blog intello-bobo. C’est une maison d’édition dirigée par l’essayiste Alain Soral, l’homme par qui le scandale arrive.

A une époque où « choquer le bourgeois », comme on disait en 1968, combattre toutes les traditions, les usages, les « conservatismes », est fort bien vu, Soral constitue en effet une exception : il est à peu près le seul intellectuel à qui on nie le droit de choquer, de combattre les us et coutumes de la pensée. Mais il faut dire aussi que cet ancien communiste, aujourd’hui traîné dans la boue – alors qu’en principe un ancien communiste, un ancien maoïste, un ancien trotskiste est toujours bien vu –, menacé d’arrestation, pousse très loin le non-conformisme. Il sortirait un livre pour nous démontrer que la terre est plate qu’on ne s’en étonnerait pas.

Et sans doute les adhérents et suiveurs (très nombreux, en fait) d’Egalité & Réconciliation, son organisation, soutiendraient aussitôt une telle proposition.

Mais la liberté d’opinion est une chose trop sacrée pour la débiter en tranches. D’interdiction de quenelles à la Dieudonné en censure de la croix celtique, en passant par les poursuites de manifestants pour avoir crié « on est chez nous ! », on finit par ne plus savoir ce qui est interdit ou autorisé. Nous en sommes arrivés à un stade où il serait souhaitable de publier un « code de la route des pensées », avec photos des gestes, des symboles, des styles architecturaux ou vestimentaires interdits, et une nouvelle « liste Otto » des écrits censurés.

En quelques années Contre Culture (qui est habituellement écrit avec un K pour une raison sans doute expliquée quelque part mais que je n’ai pas eu l’occasion de découvrir) a publié quelque deux cents ouvrages : des rééditions de livres introuvables, signés Bernard Lazare, Karl Marx, Proudhon, Bakounine, Jean-Jacques Rousseau, Schopenhauer, La Fontaine, Guénon ou Homère, mais aussi Bainville, Maurras, Bernanos, Léon Bloy, Bardèche, Brasillach, Orwell etc. C’est dire l’éclectisme de ses publications.

Il y a néanmoins, semble-t-il, une orientation disons « antisioniste », pour parler comme les amis de Mélenchon, à certains de ces ouvrages. Mais l’amateur de textes rares et tabous y trouvera du même coup son compte, puisque ces ouvrages-là ne sont pas écrits en arabe.

Editer une anthologie des discours d’Adolf Hitler fait sans doute partie d’une stratégie de la provocation portée à son maximum, compte tenu de la règle du reductio ad hitlerum. La publication est précédée d’un avertissement semblable à celui que l’on ajoute aux rééditions de Mein Kampf. Peut-être s’agit-il uniquement de contourner la censure, car le texte en question n’apporte rien aux thèmes évoqués dans ces discours, qui sont d’ailleurs tous d’avant-guerre.

Un « danger » pour le lecteur ?

La plupart de ces 21 discours, prononcés entre 1932 et 1939, soit bien avant les persécutions antisémites de masse, traitent des questions de politique allemande ou de la géopolitique de l’époque, donnant le point de vue national-socialiste bien entendu. Hitler était un puissant orateur, mais lire ces discours ne restitue pas cet aspect-là. Mieux vaut probablement les écouter sur les vieilles bandes d’actualité que nous proposent assez régulièrement la télévision, et qui sont sans doute précieusement conservées à l’INA.

L’ouvrage intéressera les historiens, les passionnés (et ils sont très nombreux) de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Mais est-il susceptible de constituer un « danger » pour le lecteur ? Je ne le crois pas. Les textes sont en effet très datés, absolument pas transposables à l’époque actuelle.

Certes une information a circulé il y a peu que dans « les quartiers », après le 7 octobre, des jeunes gens, issus de l’immigration, et pas du GUD, avaient mis la photo d’Hitler sur leurs écrans d’ordinateurs. Mais avouez que le sujet n’a guère été repris ni développé. Le courageux Darmanin n’a pas lancé ses limiers pour tenter de retrouver et lourdement condamner les très nombreux coupables de ces apologies de crimes contre l’Humanité. On n’a pas entendu la Ligue des Droits de l’Homme et autres officines habituellement promptes à chasser le nazisme.

Plus intéressant que Lénine ou Pol Pot

La publication de ce recueil est aussi curieuse (mais plus intéressante, tout de même) qu’un recueil des discours de Lénine, de Staline, de Pol Pot ou ceux des Azerbaidjanais sur l’Arménie, du Hamas sur les juifs. Par ailleurs il ne fera pas un malheur dans la rares librairies qui accepteront de le vendre. Mais il peut intéresser les historiens, comme déjà évoqué.

Au-delà de cet aspect, la liberté de publier doit toujours être la plus large possible, et la censure limitée à des publications susceptibles de vraiment porter atteinte aux bonnes mœurs ou de troubler l’ordre public. Censurer est un acte grave. Comme dissoudre des associations, d’ailleurs. Une arme de l’Etat à utiliser parcimonieusement. Au XXe siècle, Nazis, staliniens, polpotistes, en ont usé et abusé, on a vu la suite dans les pays qu’ils ont dirigé… Avis aux adeptes de l’islamisme et du wokisme, et autres totalitarismes, en passant.

Madeleine Cruz

Anthologie des discours, par Hitler Adolf, 2024, Kontre Kulture, 7B rue du chapeau rouge, 21000 Dijon. https://kontrekulture.com/

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