Iran

Les élections iraniennes ou la poudre aux yeux

Dans un contexte de fort mécontentement populaire face à la répression systématiquement exercée contre les opposants au régime théocratique des mollahs, mais aussi à la dégradation de la situation économique amplifiée par les sanctions internationales, le candidat réformateur Massoud Pezeshkian, fort de 53,6 % des voix pour un taux de participation frôlant les 50% des inscrits, a remporté, le samedi 6 juillet, le second tour de l’élection présidentielle iranienne face à l’ultraconservateur Saïd Jalili.

Chirurgien de profession et ancien ministre de la Santé, le docteur Pezeshkian se présente volontiers comme la « voix des sans-voix » et a promis d’œuvrer pour améliorer les conditions de vie des plus défavorisés. Il avait d’ailleurs dénoncé le recours à la force par la police des mœurs pour faire appliquer l’obligation stricte du port du voile islamique faite aux femmes : « Nous nous opposons à tout comportement violent et inhumain (…) notamment envers nos sœurs et nos filles, et nous ne permettrons pas que de tels actes se produisent » avait-il notamment déclaré dans une allusion à la mort de Mahsa Amini, étudiante de 22 ans, pour une mèche de cheveu qui dépassait du voile de la honte, sans probablement réaliser que cette formulation évoque plutôt une recommandation pour la protection des animaux… Sur le plan international, au moment où la République islamique actionne plus que jamais ses proxys (Hezbollah, Houthis, Djihad islamique, Hamas etc…) dans tout le Moyen Orient pour faire pression sur Israël, l’Occident et les pays du Golfe dans le cadre de la guerre de Gaza, il appelle de son coté à des « relations constructives » avec Washington et les pays européens, afin de « sortir l’Iran de son isolement ». Il a également promis de négocier directement avec les Etats-Unis pour la relance des pourparlers sur le nucléaire iranien, au point mort depuis le retrait américain en 2018, afin d’obtenir une levée des sanctions économiques qui pèsent sur l’Iran.

A la lumière de ces déclarations, il est permis de penser que le Guide Suprême de la Révolution, l’Ayatollah Khamenei, a favorisé la mise en place sur l’avant-scène politique iranienne d’un candidat dit « modéré » afin d’éviter, d’une part une confrontation politique frontale avec les États-Unis dans la perspective d’un possible retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, et d’autre part d’étouffer la contestation populaire focalisée sur les libertés individuelles et sur la crise socio-économique. Des figures historiques de l’opposition ne s’y sont pas trompées, à l’instar du Prince Reza Pahlavi qui a vivement appelé au boycott des élections et demandé aux iraniens de se tenir aux cotés «  des familles des martyrs tombés depuis 2017 jusqu’au soulèvement « Mahsa Amini » pour ne pas servir de paravent à un système mafieux qui soutient des terroristes et des criminels à Gaza, au Liban, en Syrie, en Irak et au Yémen, entrainant la région et le monde dans la guerre et le chaos ».

Et en effet, tout indique que l’avènement de ce « libéral » n’est autre que de la poudre aux yeux. Selon la Constitution des mollahs, les grandes décisions d’ordre stratégique et la ligne de conduite de la République islamique sont du seul et unique ressort du Guide suprême, le président et son gouvernement se contentant de gérer les affaires de l’État en se conformant strictement aux desideratas de l’Ayatollah Khamenei dont l’autorité, en sa qualité de descendant du Prophète, est d’origine divine et donc incontestable. De plus, toute candidature aux élections présidentielles doit recevoir en amont l’aval du Conseil des Gardiens de la Constitution, entièrement dévoué au Guide, ainsi que le soutien implicite des Gardiens de la Révolution. Enfin, le nouveau président devra composer avec une Assemblée nationale formée d’une grande majorité de députés ultraconservateurs qui limiteront considérablement sa marge de manœuvre.

Conscient du rôle qui lui a été assigné, le nouveau président iranien, lors de sa toute première allocution publique, s’est empressé de clamer son dévouement absolu à la République islamique et à ses lois. Quelques jours plus tard, c’est au secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qu’il a réitéré son soutien inconditionnel : « le soutien à la résistance est enraciné dans les politiques fondamentales de la République islamique d’Iran et, à l’image de l’imam défunt et des directives du guide de la révolution, ce soutien se poursuivra avec force. La République islamique d’Iran a toujours soutenu la résistance des peuples de la région contre l’entité sioniste illégitime ».

De toute évidence, ce n’est pas ce « bon » père de famille qui influera sur la politique régionale intrinsèquement terroriste menée par Téhéran depuis des décennies ni qui rendra au peuple et aux femmes iraniennes leur dignité. Il n’en a ni les moyens, ni l’intention.

Sophie Akl-Chedid

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