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Tribune : Mieux valait que le RN ne gagne pas cette fois-ci…

La victoire n’était pas loin, mais la conjonction des insuffisances du parti avec la recomposition du « front républicain », auront eu raison des ambitions déraisonnables pour l’heure, du Rassemblement National. Le RN – ex-Front National, et qui le reste pour ses ennemis -, à force de se dédiaboliser, a perdu de sa saveur. Son état-major, où siègent beaucoup de Messieurs pas tout à fait comme les autres, joue la prudence, notamment en matière sociétale, qui frôle le renoncement. (Par exemple, pourquoi avoir voté la « constitutionnalisation » de la loi Veil, alors que cette dernière ne risque aucunement d’être abrogée ?). A-t-il gagné en retour un certificat « d’honorabilité » ? La catastrophique campagne de deuxième tour confirme qu’il n’en est rien, et que ce mouvement reste ad vitam aeternam  marqué du « sceau de la bête », à savoir son fondateur Jean-Marie le Pen, pourtant brutalement évincé par son héritière.

La conduite irréprochable de son groupe parlementaire, la maîtrise d’un Chenu comme Vice-président de l’Assemblée nationale, n’ont rien apporté, au grand dam et à juste titre, de ses supporters. Pire, alors que le groupe RN a presque doublé ses effectifs, aucun poste ne lui a été attribué, tant au bureau, que dans les commissions, véritable déni de démocratie. Les députés Rassemblement National ont-ils manqué d’habileté à la manœuvre, ou ont-ils été les « dindons de la farce »  d’une comédie déjà jouée d’avance en coulisses?

Le RN n’est pas encore mûr

Pourquoi est-il préférable que les électeurs n’aient pas – pas encore -, donné les clés du pouvoir au RN, en dépit d’un score canon, le hissant en tête de toutes les formations politiques, quoiqu’en disent les laudateurs du néo « Front de Gôôôôche » ?  (Le signataire de ces lignes, en se pinçant le nez et en se bottant le derrière, a voté pour le RN au second tour).
Le programme, sur certains sujets, était flou, ses candidats, dans de nombreux cas, étaient peu recommandables ou politiquement mal formés, certain(e)s sombrant dans le ridicule. Beaucoup étaient d’illustres inconnus n’affichant même pas leur « museau » sur les panneaux électoraux. Dans ma circonscription, c’est un jeune assistant parlementaire de 28 ans qui a battu une notabilité locale sortant pourtant de l’écurie provinoise de Christian Jacob. Un mouton estampillé « RN » aurait tout aussi bien gagné !

Des prises de guerre sans lendemains ?

Le RN, à part quelques belles prises de guerre – notamment l’ancien ministre UMP Mariani, l’ancien directeur de l’agence FRONTEX ou un très médiatique commissaire de police -, n’a pas, pas encore, le personnel politique pour occuper tous les postes ministériels, et peupler les cabinets correspondants. Sans relais dans leurs administrations, les ministres et autres secrétaires d’État sont inopérants. Sans compter les nombreux « Comités Théodule » dont la République est friande, qu’il faudrait contrôler…Ses élus ne sont pas tous à niveau, à part une belle brochette de « vedettes » aguerries – toujours les mêmes -, qui ont colonisé, parfois, les plateaux de télévision. En cas d’accession de justesse du RN au pouvoir, si la police et l’armée n’auraient certainement pas bougé, était-on certain du loyalisme d’autres grands corps de l’État ? Les préfets comme le corps diplomatique, auraient-ils respecté le score des urnes et le choix des électeurs ? Sans parler de l’excitation des banlieues et de l’agitation des professionnels de la contestation, au premier rang desquels je classe les syndicalistes appointés…

La politique du pardon n’est pas dans les gènes de la Direction

La direction du RN s’est abstenue de pratiquer « l’Aman », le pardon des chefs de guerre musulmans, qui aurait conduit, probablement, nombre d’anciens militants restés « l’arme au pied » à rempiler et à faire profiter les jeunes pousses de leur expérience et de leurs capacités de militants . La mise sur orbite du très médiatique Jordan Bardella, son président, pour conquérir la primature, si elle a donné une potentielle incarnation de la fonction, a été aussi contre-productive en raison de l’âge de l’impétrant : 28 ans. À 28 ans, que connaît-on de la vie professionnelle ou familiale, quand on a trempé depuis le plus jeune âge dans le seul bain du Front National, puis du Rassemblement du même tabac ?

Professionnaliser la machine, arrêter de la faire percevoir comme une « PME familiale »

Il faut, pour gagner, que ce parti se professionnalise, qu’il s’ouvre à de nouveaux talents – les ouvriers de la 25 ème heure ne manqueront pas -, et qu’il batte le rappel de celles et ceux qui pourraient revenir au bercail, en dépit des années qui sont passées. Il y aurait aussi une nécessité d’arrêter les purges, et de ne pas offrir de promotion aux copains des petits copains, en éjectant un militant de qualité enraciné. Trop de parachutages tuent l’image du parlementaire, lequel doit, une fois élu, verrouiller sa circonscription, labourer le terrain, ouvrir une permanence – les indemnités sont faites pour cela -, et être à l’écoute de ses électeurs. S’il se contente d’aller au palais Bourbon lors des sessions, il ne retrouvera pas son siège à l’échéance suivante.

Une patronne à la hauteur de la mission ?

Et la patronne doit encore approfondir tous les dossiers pour être à la hauteur de la charge qu’elle brigue déjà depuis tant de lustres. Le charisme ne fait pas tout. La fonction de chef de l’État ne s’improvise pas, à l’image d’un Macron qui, en dépit des rodomontades et des « moi je », n’a pas été un habile avocat des intérêts français, mais le zélé serviteur de la sphère capitalo-mondialiste dont il est issu. François Mitterrand, un Talleyrand contemporain, ex-Vichysto/résistant, surnommé à juste titre « Le Florentin », un orfèvre en la matière, ne disait-il pas que « la politique c’est un métier » ? À méditer.


Jean-Claude ROLINAT

Auteur, notamment, de « 17 ans dans les tranchées du Front National », Dualpha éditeur.

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