Cette petite cité établie aux bords des rives de la vivifiante Moselle doit son nom aux arbres qui l’étreignent depuis toujours… Sous nos pas, la Gaule ! Avec 138 essences d’arbres, la forêt française métropolitaine compte près de 75% des variétés présentes en Europe. Ici les charmes sont rois… Ce sont de beaux arbres trapus, aux feuilles dentelées vert tendre, aux troncs sculptés, cannelés et tors, aux houppiers denses.
Une histoire très agitée
A l’abri de cette forêt, au XIème siècle, les comtes de Toul construisirent un château-fort, protégé par une enceinte fortifiée, afin de se prémunir des raids hongrois. Quand Maurice Barrès nous dit que la Lorraine (Lotharingie, Lothringen, fief de Lothaire, petit-fils de Charlemagne, depuis le partage du Traité de Verdun) est l’une des terres les plus usées de France, il fait référence aux guerres de jadis dont sa cité natale de Charmes a maintes fois fait les frais dans l’effroi le plus terrible. Durant tout le XIVème siècle la ville est dévastée par la peste, la famine, le brigandage. En 1475, la ville est prise par le duc de Bourgogne Charles le Téméraire qui la pille, l’incendie entièrement avec ses défenseurs et habitants. En 1486, la ville renaît de ses cendres. René II de Lorraine régnant accorde une foire annuelle pour la favoriser et fait édifier l’église Saint-Nicolas qui se trouve toujours et comme de juste au centre de la cité (un proverbe d’Alsace voisine dit qu’il faut savoir garder l’église au milieu du village). Au XVIème siècle survient de nouveau la peste. Au XVIIème siècle, c’est la guerre de Trente ans, sujet d’un roman fort intéressant de Hermann Löns intitulé Der Wehrwolf (Le loup garou)
Qui se souvient du Traité de Charmes ? Le 18 septembre 1633, Richelieu, accompagné de François Leclerc du Tremblay, du cardinal de La Valette et du nonce du pape, arrive à Charmes escorté par quatre cents chevaux. Le 19 septembre fut consacré aux difficiles négociations, et le 20 le traité fut signé à la Maison des Loups. Pauvre ville réincendiée, belote et rebelote en 1635, par la troupe bourguignonne. S’ensuivirent le démantèlement des fortifications puis les pillages, les épidémies et la misère jusqu’à la fin du siècle en attendant la paix et le rattachement de la Lorraine à la France en 1766 après la mort de Stanislas Leszczynski, ci-devant roi de Pologne comme son nom l’indique et beau père de nostre roi Louis XV. En 1870, Charmes est occupée par les Prussiens jusqu’en 1873.
Aujourd’hui, on constate avec tristesse, dix de der ! que nos colonisateurs, soi-disant « alliés », ont avec leurs forteresses volantes et leurs bombes incendiaires bel et bien complètement anéanti Charmes, Xertigny et Epinal le 11 mai 1944. Le cadre bâti, reconstruit sans goût en 1947 est désormais sans charme; comme au Havre ou à Royan qui ont subi les mêmes foudres vengeresses des aviateurs de l’Oncle Sam.
Les cyclistes, les amateurs de camping-car et de bateaux sans permis se réjouiront d’un séjour, d’une excursion aimable tout de même dans la ville qui a vu naître et ou repose le chantre du nationalisme intégral, enraciné, inexorable. La maison du Maître est à vendre à la découpe, si ça intéresse quelqu’un. 22 rue Claude Barrès. C’est visiblement l’agence Century 21 qui s’occupe des transactions. Le dernier domicile connu de l’académicien est situé dans le cimetière communal, monumental et attachant. C’est une tombe bicéphale où reposent bien des gens de sa famille. Le cantonnier très aimable et causant saura vous guider sur cette sépulture rafraîchie, toute blanche, dont la croix principale et centrale a été abattue. Un acte de malveillance, comme les cimetières chrétiens en sont si souvent le théâtre ?
L’acteur François Cadet qui interprétait l’inspecteur Lucas dans les feuilletons « Maigret » du temps de Jean Richard repose aussi dans ce jardin de terre et de tombes de Charmes.
Franck Nicolle