Le 8 octobre 2023, le Hezbollah déclarait la guerre unilatéralement à Israël en soutien à Gaza. En 14 mois, la milice chiite a perdu son secrétaire général, des dizaines de ses commandants et des centaines de ses combattants, voire des milliers selon les chiffres de l’armée israélienne alors que le Hezbollah a cessé de communiquer sur ses pertes depuis la mi-octobre, sans compter la destruction de ses infrastructures et d’une grande partie de son arsenal militaire ainsi que des dégâts estimés à plusieurs milliards de dollars dans ses fiefs au Sud, dans la Bekaa et la banlieue de Beyrouth.
Aujourd’hui, Israël poursuit ses attaques ciblées au Liban sud contre des éléments du Hezbollah qui semblent profiter du retour massif des déplacés pour tenter de reconstituer des unités combattantes en violation des termes de l’accord de trêve sur l’application stricte de la résolution 1701 de l’ONU entré en vigueur le 27 novembre entre l’État hébreu et le Hezbollah. L’armée israélienne a indiqué « qu’au cours des dernières heures », elle avait observé « l’arrivée de personnes suspectes, se déplaçant dans des véhicules dans plusieurs régions du Sud » et justifié ses attaques en dénonçant ces mouvements de miliciens comme étant « une activité terroriste dans un site du Hezbollah qui contient des missiles de moyenne portée ». Pour sa part, selon la chaîne israélienne 13, Benjamin Netanyahu a organisé un débat de sécurité sur « la poursuite de la guerre sur plusieurs fronts » et déclaré avoir parlé « de cessez-le-feu, pas de fin de la guerre. Si les lignes rouges de l’accord sont franchies, nous entrerons dans une guerre à grande échelle », des propos confirmés le ministre israélien de la Défense Israël Katz qui a promis qu’Israël « réagira durement » à toute violation de l’accord de cessez-le-feu. Le général libanais à la retraire et stratège militaire reconnu, Khalil Helou, a décrypté la situation en avançant que « le ciblage de ces intrus n’est pas véritablement une violation de l’accord, surtout qu’il y a eu des mises en garde en amont. L’armée libanaise a fait de même, en sommant les habitants de ne pas s’approcher des zones où sont encore déployés les soldats israéliens. » Par ailleurs il a souligné que la partie la plus importante de l’accord stipule que son application, avec en particulier la clause concernant le désarmement de la milice chiite et l’interdiction de toute force armée non étatique sur l’ensemble du territoire libanais, est placée sous une très haute supervision israélo-américaine: un général US préside le comité chargé de contrôler le respect du dispositif global de l’accord du 27 novembre (qui inclut le désarmement du Hezbollah bien au-delà du sud du Litani) et qu’ Israël a obtenu le droit, sur base du document annexe conclu avec les États-Unis, d’intervenir militairement en cas de violation par la formation pro-iranienne des dispositions prévues dans l’accord, ce qui réduit considérablement la marge de manœuvre du Hezbollah, lui rendant quasiment impossible d’esquiver ses engagements, comme ce fut le cas en 2006. À l’époque, le parti chiite avait réussi à vider la résolution onusienne 1701 de son contenu et à rétablir progressivement son déploiement militaire à la frontière avec Israël avec l’aide de la Syrie. Par ailleurs, le docteur Fouad Abou Nader, haute figure de la résistance chrétienne et ancien patron des Forces Libanaises, a affirmé dans une interview retransmise par la chaine de télévision libanaise LBCI avoir des informations confirmées selon lesquels l’ayatollah Larijani , lors de sa dernière visite à Beyrouth, aurait vivement engagé le Hezbollah à abandonner toute initiative militaire au Sud Liban pour se concentrer sur le renforcement de sa position sur l’échiquier interne libanais, arguant que dans le cas contraire « le Hezbollah pourrait perdre sur les deux fronts ». Cet état de fait n’a pas empêché le nouveau secrétaire général du Hezbollah, cheikh Naïm Kassem, d’affirmer sans ciller, à usage psychologique de ses supporters, que durant ces deux mois de conflit généralisé avec Israël, le parti pro-iranien a remporté une victoire « plus grande » que celle de 2006 (!), passant sous silence qu’outre le désastre militaire et humain subit par la milice pro-iranienne, elle a échoué dans la réalisation du double objectif fixé au départ par Hassan Nasrallah le 8 octobre 2023 en réactivant le font du Sud, à savoir réduire la pression militaire sur le Hamas et maintenir « l’unité de front » entre le Sud et Gaza.
Dans la foulée, l’offensive massive des forces de l’opposition syrienne de ces derniers jours confirme les informations issues de multiples sources militaires et diplomatiques qui font état d’une décision internationale d’éradiquer la tutelle iranienne sur la région. En cas, probable, de morcellement de la Syrie, le régime des mollahs aura les plus grandes difficultés à entreprendre l’acheminent d’armes et de munitions à destination du Hezbollah. On peut également s’attendre à des opérations similaires à venir en Irak et au Yémen contre les proxys pro-iraniens, pavant la voie à une déstabilisation de fond du système Khamenei au Moyen Orient, le Joker restant Vladimir Poutine qui négocie sûrement déjà le maintien de sa zone d’influence russe entre Damas, Tartous et Lattaquié où il entretient une importante base militaire navale et terrestre.
Charbel Bou Haddad