En théorie il ne fait pas bon se situer à la droite des macronistes ou des LR. Ces partis, ces associations, ces personnalités, exclus d’office de « l’arc républicain », sont constamment qualifiés d’extrémistes de droite par les médias et le reste de la classe politique, y compris ceux qui représentent plusieurs millions de Français.
Ciottistes, zemmouriens et RN ont néanmoins des élus et un accès aux grand médias, voire des sondages flatteurs. Mais pensons aussi aux autres, situés à droite des grands partis. Et d’abord comment les appeler ? Les médias mainstream les baptisent souvent de noms peu avenants et ridiculement inadaptés à la réalité. « Néofascistes », « nazis », « pétainistes », « ultras ». Ce sont les termes dont ils sont souvent affublés. Adoptons ce dernier qualificatif d’ « ultras », moins péjoratif que les autres, à tout prendre.
Les « ultras » ne sont pas à la fête : agressés physiquement par l’extrême gauche, caricaturés par la gauche et les médias mainstream, poursuivis et harcelés par le macronisme, ignorés ou reniés par le RN, ils n’offrent plus guère de rapports avec ce que ce courant (cette « mouvance », comme écrit par exemple Réfléchir & Agir) a pu représenter dans le passé, du temps du GUD, du GAJ, d’Ordre nouveau, d’Occident ou du FNJ.
Cet ostracisme, cette impossibilité (ou plutôt cette interdiction) de toute expression publique, de toute passerelle entre « ultras » et droite nationale, reproduit le schéma identique qui interdit la moindre porosité, la moindre capillarité, le moindre côtoiement, même, entre droite nationale et droite dite « républicaine », Cet ostracisme est préjudiciable aux « « ultras, bien entendu, composés d’un public jeune et militant, à qui il est donc interdit d’évoluer à la façon des Madelin, Longuet, Devedjian, Gérard Gachet, Anne Méaux etc. dans les années 1970, qui bénéficiaient d’une relative protection de la part des grands frères de la droite plus modérée. Dieu soit loué, les jeunes « ultras » n’ont pas dérivé pour autant vers l’action violente.
L’Alvarium
Ces « ultras », au-delà de l’engagement militant, sont aussi des passeurs d’idées, des « influenceurs », pour un public correspondant à leur génération. D’où l’intérêt, par exemple, de l’entretien avec Jean-Eudes Gannat publié par la revue Réfléchir et Agir (hiver 2025). En 2018, ce jeune militant de tendance royaliste catholique lance à Angers une communauté nationaliste appelée L’Alvarium, un peu sur le modèle du Casapound italien : une école de formation militante, et une école de formation intellectuelle. Gannat rappelle les combats menés contre les émeutiers pro-Nahel, et les pressions de Darmanin pour entraver le développement de l’Alvarium, jusqu’à sa dissolution. Pourtant on sait aujourd’hui -cela a été jugé de façon définitive – que le « petit ange » Nahel n’en était pas un. La justice a tranché ce point à l’issue de très longues procédures, ne retenant pas de fautes du côté de la police.
En revanche les émeutes qui vont suivre (juin-juillet 2023) donneront lieu à plus de mille destructions ou dégradations de bâtiments, et six mille incendies de voitures. Sept cents policiers furent blessés pendant ces émeutes.
Dans cet entretien, à la question : « quels livres conseilleriez-vous à un jeune militant », Gannat répond : Bardèche (Sparte et les sudistes), Pasolini (Ecrits corsaires), tout Maurras, et aussi les Evangiles … « et les livres de Jean Madiran ». Pas mal, non ?
Qui peut soutenir, après lecture de cet entretien, que de tels « ultras » feraient plus de tort que de bien aux causes qui les motivent ?
Des ouvrages qui décoiffent
Autre univers « ultra » : celui qu’anime l’intellectuel Alain Soral, ancien communiste couramment qualifié aujourd’hui d « idéologue d’extrême droite franco-suisse ». Sa maison d’édition Kontre Kulture publie pratiquement à jets continus des ouvrages qui décoiffent, et qui défrisent même, parfois. La liste en est hétéroclite, de Bernanos à Hitler en passant par le chanoine Crampon et les contes de Perrault ! J’ai sur ma table de chevet les sept dernières publications de cette maison qui propose désormais prés de deux cents titres. J’y reviendrai forcément pour vous en reparler. Mais en parcourant cette liste, je me dis qu’il n’existe sans doute aucun éditeur dont je pourrais dire que 100% de sa production correspond à mes opinions ou au moins à mes propres centres d’intérêt. Péguy avait une formule à ce propos, que la revue (« ultra » ?) Lectures françaises ressort, chaque fois que des lecteurs rouspètent suite à telle ou telle prise de position.
Je me dis aussi que la liberté, en particulier la liberté d’opinion, d’expression, de presse, est une bien belle chose, particulièrement menacée, pourtant, en ces temps de wokisme, menacée qui plus est par ceux-là mêmes qui nous assènent à longueur de journée des leçons de moraline et de libéralisme sociétal.
Protégeons CNews, bien entendu, protégeons l’Illiade dont les banques ferment les comptes, protégeons la liberté des opposants à l’avortement (qui seront dans la rue ces jours-ci), mais protégeons aussi la liberté d’expression de nos « ultras ».
Madeleine Cruz
Réfléchir et Agir n°84 Hiver 2025, BP 90825 31008 Toulouse cedex 6.
Cuture pour tous. Kontre Kulture, 7B rue du Chapeau rouge 21000 Dijon.
Lectures françaises n°811 Novembre 2024
Synthèse nationale BP 80135 22301 Lannion.