La musique rend compte de l’état de la société plus que tout autre domaine de la culture car elle agit sur le son et que le son est utilisé pour créé des harmonies, spécialement dans les communautés humaines. Suivre l’actualité de la musique va donc nous renseigner sur l’état de la société.
Cette chronique est présentée par Thierry DeCruzy
- Moins d’un mois après son entrée en fonction, le Président Trump est intervenu dans la culture, précisément sur le front musical. et la musique classique est l’objet de ses attentions. A Washington, il a annoncé vouloir faire le ménage dans l’administration du Kennedy Center qui abrite l’Opéra de Washington et le National Symphony Orchestra. Lors de son premier mandat, il n’avait pas apprécié le militantisme démocrate de certains lauréats refusant une traditionnelle invitation à la Maison-Blanche. L’institution est stratégique, le New York Times explique que dans ses dernières semaines de mandat, le Président Joe Biden avait pourvu une douzaine de postes vacants en nommant certains de ses plus proches collaborateurs, notamment son ancienne attachée de presse, Karine Jean-Pierre, et son ancien conseiller, Mike Donilon. Conseillère artistique, la soprano Renée Fleming vient d’annoncer son départ. La grande purge dans la culture a commencé. Donald Trump sait que la musique est un outil majeur d’action sur les masses, un agent d’influence comme ont dit.
- Toujours aux USA lors de la finale du Super Bowl le 9 février dernier à la Nouvelle-Orléans, la reine de la pop Taylor Swift était dans les tribunes pour soutenir son chéri, Travis Kelce, joueur dans l’équipe des Chiefs de Kansas City.
Dans cette finale et pour la 1re fois, le Président des USA était présent. Les Eagles de Philadelphie ont gagné 40-22, une véritable punition. Lors de ses apparitions sur les écrans géants, Trump était applaudi alors que Taylor Swift était huée. Sa dernière tournée planétaire avait pourtant explosé tous les records, mais sans lui permettre de contenir Trump. Le traditionnel concert de la mi-temps était assuré par le rappeur de Los Angeles, Kendrick Lamar. Chanson contre politique, les confrontations ne sont pas si courantes.
- Le Frère Paul-Adrien, dominicain, a mis en ligne son reportage au salon de la sorcellerie en octobre dernier à Paris, le Witch Festival, présenté comme le premier festival parisien dédié à la magie, au féminisme et à la nature. A travers cette vidéo de présentation de ce salon de la sorcellerie à Paris, on remarque l’importance des repères musicaux. Des icônes de la chanson mondialisée sont représentées avec des prières sur des bougies du modèle de celles que l’on retrouve dans les églises. Lady Gaga, Beyoncé, Céline Dion, Britney Spears… Ces chanteuses sont transformées en idoles d’un nouveau culte. Ces nouveaux cultes traduisent un besoin d’incarner un modèle alternatif du sacré, une déconstruction, une destruction des repères religieux européens traditionnels en prétendant revenir à des religiosités antérieures disparues. Ces éléments mis en évidence à travers ce salon, ne sont pas nouveaux. Il n’y a pas de religion sans cérémonial et pas de cérémonial sans musique, donc il faut des chansons et des interprètes. Les musiques actuelles en sont imprégnées, le Hellfest (fête infernale), ce festival français de musique metal en est une illustration. Cet aspect de la musique est abordé dans mon livre Démondialiser la musique paru en 2022 aux éditions de La Nouvelle Librairie. A seulement 16€, c’est un investissement utile.
- La chanteuse britannique Marianne Faithfull est morte le 30 janvier dernier. Elle avait commencé très tôt sa carrière musicale puisqu’elle enregistre As Tears Go By en 1964. Elle venait de croiser la route des Rolling Stones qui lui donnent cette chanson car ils ne voulaient pas l’enregistrer. Née en 1946, Marianne Faithfull est en emblématique de cette période. Un temps compagne de Mick Jagger, elle est initiée à la drogue par les Stones et devient toxicomane. La génération née après la 2e Guerre mondiale va utiliser la musique pour s’affranchir des règles séculaires. C’est la période de la commercialisation du microsillon qui permet la démocratisation de l’enregistrement. Cette évolution technologique est une véritable révolution, dont les conséquences ne sont jamais évaluées. Pour la première fois, elle permet de casser les liens culturels entretenus par la chanson. La chanson étant un outil d’harmonisation communautaire, la nouvelle génération subit cette fracture, car elle ne veut plus « écouter de la musique de vieux ». La jeunesse croit pouvoir accéder à sa propre culture. C’est une fracture civilisationnelle qui est simultanément amplifiée par la nouvelle liturgie imposée par Vatican II. Les nouveaux cantiques éliminent le grégorien, la plus ancienne mémoire musicale de l’Europe, le répertoire qui est à l’origine de la seule écriture musicale de l’histoire de l’humanité. Le changement de société ne se serait pas fait sans les chansons. On peut discuter des goûts, mais en matière de musique enregistré, c’est-à-dire de musique morte, le principe reste le même que ce soit du rock ou du rap, utiliser la musique pour séduire et créer une dépendance psychique. Pour mesurer le terrain parcouru, on peut écouter sa chanson enregistrée en 1964, As Tears Go By :
- Une étude universitaire publiée en 2022 dans le Journal de la Société internationale pour la musique de l’Eglise orthodoxe : Valaam et la tradition chantante des églises russes à Paris, est disponible sur le site academia.edu.
Elle nous apprend le rôle de la paroisse Saint-Serge à Paris dans la sauvegarde et la transmission du chant liturgique orthodoxe pendant la dictature soviétique.
Fondée en 1924, cette église est complétée par un Institut théologique. L’évêque Vladyka Benjamin a repris le répertoire des moines du monastère Valaam en Carélie, dans le nord de la Russie, réputé pour l’interprétation des chants liturgiques, notamment le Chant Znamenny. Le monastère est surnommé l’Athos du nord. Les moines ont aussi recueilli des chansons traditionnelles, transmises par tradition orale. Ainsi la paroisse orthodoxe Saint-Serge à Paris n’a pas seulement contribué à sauvegarder le répertoire liturgique puisque le monastère Valaam a enregistré après la chute du régime soviétique, une collection d’anciennes chansons de soldats remontant aux tsars. Ce programme avait été l’occasion en 2007 d’une collaboration entre Thierry Bouzard et Anatoly Livry pour présenter une sélection de cet ancien et magnifique répertoire militaire, pour la première fois en Europe. Tous les chants sont traduits avec leur présentation historique.
https://www.diffusia.fr/militaire/92-cd-chants-des-soldats-des-tsars-a-prix-choc-3503800510313.html
Parutions.
Sonates de Beethoven. Pierre Réach est un pianiste formé auprès des meilleurs maîtres qui a donné des concerts dans le monde entier en soliste ou avec les plus grands orchestres. Musicien de grands projets, en 1997, il avait lancé le festival Piano-Pic avec un récital au sommet du Pic du Midi et un piano transporté par hélicoptère. A ses élèves, il enseigne que la « porte du changement s’ouvre toujours de l’intérieur ». Depuis 2021, il s’est lancé dans un programme considérable d’enregistrement de l’intégrale des sonates de Beethoven. L’animateur de radio et directeur artistique Olivier Bellamy reconnaît en Pierre Réach « un des grands beethovéniens de notre temps. Il en a la carrure, la culture, l’imagination et le courage ». 3 coffrets de 7 CD ont déjà été réalisés et sont édités par Anima (211201, 221001, 240301).

Erinnerung, Bruckner in St. Florian. Le Sankt Florianer Sängerknaben (Petits chanteurs de Saint-Florian) sont un des plus anciens chœurs d’Europe avec une existence attestée depuis 1071. Il consacre un album au compositeur Anton Bruckner qui fut membre du chœur, organiste titulaire de l’orgue de l’abbaye et dans laquelle il est inhumé. Le programme est ouvert par le Locus iste, considéré comme l’hymne du chœur. Certains titres sont accompagnés par les claviers joués par Bruckner, son piano à queue et l’orgue. Ce souvenir (Erinnerung) est un hommage au « compositeur dévot » d’une grande authenticité. CD, Solo Musica, SM 450.