Jean-Yves Le Gallou vient de faire paraître un livre passionnant, Mémoires identitaires, 1968-2025, les dessous du Grand Basculement, aux éditions Via Romana.
Comment évoqueriez-vous ce « monde d’avant » le basculement de 1968 tel que vous l’avez connu ?
Le monde d’avant, c’est celui des Trente Glorieuses (1945-1973). Une période d’urbanisation, de généralisation du confort et de folie de la consommation. Mais une période où le monde ancien fait d’efforts, de sélection, de mérite, de respect des valeurs traditionnelles a encore cours. Le basculement va arriver, côté religieux avec Vatican II en 1965, côté politique avec mai 1968. Une forme de « révolution orange » qui importe en France les fantasmes californiens de Berkeley.
Vous montrez qu’un seul et unique thème, manifestement, place au ban du monde politique personnalités et mouvements qui osent l’évoquer, d’Enoch Powell à Ordre Nouveau ou Jean-Marie Le Pen…
Beaucoup pensent que la diabolisation du FN est dû aux propos controversés de Jean-Marie Le Pen sur la Seconde Guerre mondiale : c’est totalement faux. Certes ces propos ont été instrumentalisés au service de la diabolisation mais ils ne l’ont pas initiée. J’ai rejoint le FN en 1985 bien avant l’affaire dite du « détail » et pourtant j’ai eu alors le sentiment de sauter dans le chaudron de la diabolisation. Parce que Jean-Marie Le Pen avait abordé la question de l’immigration. Tout comme l’écrivain Jean Raspail qui vit la porte de l’Académie Française se fermer à cause de son prophétique roman Le Camp des Saints. Tout comme Enoch Powell, le prophète diabolisé, à qui la route de Downing street, le Matignon britannique, fut barrée par son discours du Birmingham. Discours du 20 avril 1968 (!) où il décrivait les dangers de l’immigration musulmane. Je n’oublie pas non plus les « bons conseils » de Raymond Marcellin, l’ancien ministre de l’Intérieur, à poigne, de Pompidou, admonestant paternellement ainsi les cadres du Club de l’Horloge en 1975 : « l’immigration, surtout n’en parlez pas ! ». Un bon conseil que je m’honore de ne pas avoir suivi !
Quelles impressions gardez-vous de votre passage dans la haute administration ?
Élève à Sciences Po plusieurs voies s’offraient alors à moi : la finance dans une banque (pas fun à l’époque), du marketing pour Procter and Gamble (pas très noble) ou la voie royale de l’ENA. D’autant plus motivante que j’avais le goût du service public et que j’assimilais (un peu naïvement sans doute…) le service de l’Etat à l’intérêt général. Mais dans service il y a aussi obéissance, et dans obéissance il y a souvent conformisme et soumission. J’en ai fait très vite l’expérience : à la fin des années 1970 j’effectuai une mission d’inspection sur la ville de Chanteloup les Vignes qui cumulait les difficultés. Dans l’analyse du réel que la mission avait effectué le fait que 70 nationalités y vivaient m’était apparu comme un élément important. En tant que « junior » je tenais la plume. Mais à chaque relecture, mon texte était élimé et pasteurisé par les « séniors ». Et, au final, dans la note au ministre il ne restait plus grand chose… Vous connaissez la formule de Péguy : « Il est difficile de dire ce que l’on voit et surtout il est encore plus difficile de voir ce que l’on voit ». Depuis 50 ans les hauts fonctionnaires ont fait carrière en ne disant pas ce qu’ils voyaient et encore mieux en refusant de voir ce qu’ils voyaient. Pas de vague !
Vous êtes le fondateur de Polemia : de quoi s’agit-il ?
Polemia a été créé en 2002, sur une idée de Grégoire Tingaud, comme premier Think Tank sur Internet. Nous avons alors innové par la méthode mais aussi sur le fond. Nous avons innové dans la critique des médias, avec la dénonciation de la tyrannie médiatique, l’invention du concept de réinformation et la cérémonie des Bobards d’Or. Nous sommes toujours créateurs de concepts innovants. Notamment lors de notre dernier forum de la dissidence consacré aux dépenses publiques nuisibles (et pas seulement inutiles ou superfétatoires comme le croient bien des contribuables).
Quelles raisons d’espérer en un renouveau de notre pays ?
Il y a une prise de conscience chez les jeunes générations – rugbymen ou étudiants – de la question centrale de leur identité comme du risque pour eux et leurs enfants de devenir minoritaires dans leur propre pays. L’alternative est la suivante : remigration ou communautarisation. Cette prise de conscience doit s’accompagner d’une formation : à l’Institut de formation politique (IFP), à Academia Christiana ou à l’Institut Iliade, par exemple. Un homme (ou une femme) formé en vaut 10 ! Jeunes européens, faites Légion !
Propos recueillis par Anne Le Pape
• Jean-Yves Le Gallou, Mémoires identitaires, 1968-2025, les dessous du Grand Basculement, éditions Via Romana.

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