La littérature étant la fidèle image de la vie, il en est des livres comme des divers moments que nous traversons : livres-mémoires, livres-voyages, livres-méditations… Le dernier recueil de Richard de Sèze s’apparente quant à lui à un livre-friandise. Entendons-nous bien : il entre ainsi dans la famille de ceux de Jacques Perret ou de Vialatte (excusez du peu !)
La saveur du style n’empêche pas, que dis-je ? permet l’expression d’une pensée qui n’a rien de futile ; si sa lecture en est beaucoup moins ardue, l’ouvrage s’avère tout aussi riche qu’un manuel de science politique. Un exemple ? Découvrez la page sur les berlues et sentez-en la forte saveur.
L’auteur, d’emblée, annonce la couleur : il évite le piège de plus en plus courant de la négation du clivage droite / gauche imposée, pour des raisons diverses et variées, par tant de chefs de partis. Au contraire, il en relève fièrement le gant et montre comment déceler ce qui est bon – donc de droite – par rapport à ce qui est vicié – donc… de gauche ! – sans aucun état d’âme. Le but ? Nous faire redécouvrir le réel (qui est de droite), à travers « le goût des choses » et celui des mots, que l’auteur savoure et caresse de la plume – « murmurations », « cornucopiasque », « hodiernal »… On y trouve des comparaisons audacieusement parlantes, comme celle appliquée à l’agonie infligée par le piège à glu pour les souris, les vouant à « une mort de plus en plus certaine mais lente et douloureuse, comme un étudiant de Science-Po inscrit par erreur à un module sur “la race, l’égalité, la discrimination et la discrimination positive” sent son intelligence fuir neurone après neurone sans pouvoir réagir aux tracts rédigés en écriture inclusive réclamant l’éviction d’un professeur islamophobe ». On y apprend que les traditions stockent la civilisation, comme la confiture de mûres – qui sont de droite – le souvenir de l’été. En une recherche toute maurrassienne il s’agit bien, en effet, de la grande affaire de la civilisation : l’évoquer, en esquisser avec délicatesse les contours, en retrouver les traces, les racines et les fruits. On apprend ainsi à propos du brushing qu’elle consiste à « lentement et méticuleusement accompagner la nature ». Un de ses traits réside dans la définition du « génie de droite », celui qui « parle à tous, enchantant l’ignorant comme l’amateur et s’enchantant lui-même d’une variation qui ne paraît pas contredire ce qui le précède ».
Qui, mieux que Richard de Sèze, est apte à nous montrer les qualités intrinsèques de la grelinette, manifestement chère à son cœur ? Ou celles de la frite, « un coin enfoncé dans le dogme de l’Egalité » ? La main fluorescente d’un gecko géant de Madagascar entraîne le lecteur aux confins de la théologie. Un léger doute lui-même n’est pas absent, preuve de sérieux s’il en est : « Les murmurations doivent être de droite. » Et certains éléments demeurent inclassables, comme les « têtes coupées ». Enfin l’on souhaite, en refermant ce merveilleux petit volume, le tarabiscotage des règlements bureaucratiques, contrairement à ce vers quoi un premier mouvement pourrait nous porter.
Résumons-nous : ce nouveau volume de l’encyclopédie sèzienne du Grand Chosier est à savourer avec bonheur et gourmandise. Et puis, pour tout vous avouer, je suis assez contente car si, par un hasard improbable, je m’étais posé la question, j’en ai la confirmation : je suis bien une belle-mère de droite.
Anne Le Pape
• Richard de Sèze, Les Belles-mères sont-elles de droite ? La Nouvelle Librairie.
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