Le Figaro vient de consacrer une série d’été aux victimes célébres d’accidents de voitures. Le « tableau de chasse » est évidemment impressionnant. De Camus à Nimier en passant par Lady Di ou monsieur Pump, un dictionnaire des victimes de la voiture nécessiterait de nombreux tomes.
Il en serait d’ailleurs de même des victimes des bateaux. D’Albert Londres disparu lors de l’incendie du Georges Philippar aux Widener père et fils qui périrent dans le naufrage du Titanic (grâce à quoi l’université de Harvard possède la plus belle bibliothèque universitaire au monde), les navires de toutes natures furent également de terribles tueurs. Le dessinateur de BD Tilleux et l’illustrateur Follet nous ont même raconté, dans un roman policier aujourd’hui très recherché et dont la cote de l’édition originale atteint parait-il les 2000 euros, qu’il existe des navires qui tuent leurs capitaines et pas uniquement leurs passagers !
Jean-Claude Rolinat, adore constituer des encyclopédies non conformistes. Celle d’aujourd’hui nous présente la triste litanie des victimes de l’avion, moyen de locomotion qu’il n’hésite pas à qualifier de « tueur de célébrités », comme si la machine voulait se venger des humains qui l’asservissent à leur fringale de déplacements. Il est vrai que de Marcel Cerdan au préfet Chiappe, l’avion peut se révéler un terrible tueur et je déconseillerai la lecture du livre de Rolinat aux personnes dans la nécessité de prendre fréquemment ce moyen de transport. Cela pourrait gâcher leur sommeil. A ces derniers je conseillerais plutôt de lire ou de relire Le ciel n’a pas voulu, de Saint-Loup, qui nous raconte des histoires authentiques d’aviateurs qui ont survécu à des accidents incroyables. Ça rassure !
Le cas Doriot
Rolinat n’est pas totalement objectif. Il a glissé dans sa liste des victimes de l’avion les noms de quelques personnalités qui furent certes tuées à cause d’un avion, mais qui n’étaient pas elles-mêmes dans l’avion. C’est par exemple le cas de Jacques Doriot (page 187 de ce tragique appel aux morts). Une mort qui pose d’ailleurs plusieurs questions Doriot fut-il tué par erreur par un avion de la Luftwaffe, à dessein par un avion de la RAF, voire à dessein mais par un avion à la solde du Reich dans le cadre de règlements de comptes entre services ?
Mais on peut aussi se demander si sa mort est due à un avion spécialement performant ou à une voiture spécialement inadaptée. On sait que Doriot devait prendre sa Citroën mais que, du fait d’une panne, il emprunta une Mercedes à gazogène. Trop lente ? Trop facilement repérable par un pilote de la RAF ? Totalement non sécurisée malgré la personnalité de son passager ? Dans ces hypothèses, la faute n’en reviendrait pas à l’avion, mais à la voiture. Peut-être Rolinat, dans un tome deux consacré à « la voiture, ce mystérieux tueur de célébrités », pourra-t-il développer ces théories ?
A la vérité le travail de notre spécialiste des transports aériens pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses, car les drames de l’air sont plus difficiles à expliquer que ceux des autres moyens de transport. D’abord parce qu’il n’y a généralement pas de survivants, donc pas de témoins directs. Ensuite parce que le sabotage des avions est une pratique terroriste assez courante, et que les débris éparpillés au sol ou dans l’océan ne facilitent pas les recherches d’explications.
Mais malgré les petites boites noires la part de mystères n’en est que plus forte, plus excitante, jusqu’à ces théories de science-fiction (pour l’heure) selon lesquelles la machine aurait pu parfois prendre le pas sur les humains, Intelligence Artificielle oblige.
Madeleine Cruz
L’avion ce mystérieux tueur de célébrités, par Jean-Claude Rolinat, Editions Maïa, juin 2025.
Le navire qui tue ses capitaines, par Tilleux (et Follet pour la réédition), Ed. Le sphinx, 1943 ;
Le ciel n’a pas voulu, par Saint-Loup, Presses de la Cité, 1979.
