J’ai déjà eu l’occasion de l’écrire ici même : j’aime les « polars ». Pour moi c’est un genre littéraire à part entière. Cette littérature populaire a ses maitres et ses classiques, de Simenon à Simonin, en passant par François Brigneau, mon si regretté grand-oncle.
Les Français se passionnent d’ailleurs toujours pour les grandes affaires criminelles : Landru hier, Jubillar aujourd’hui. Sans parler des récits de Christophe Hondelatte, l’après-midi sur Europe 1, à propos de grandes énigmes criminelles. Je connais des personnes considérées (souvent à tort) comme très sérieuses, – des femmes et des hommes politiques, par exemple – qui ne lisent jamais de classiques, jamais d’essais, jamais de romans dits littéraires, mais uniquement des polars. Pourquoi pas ? D’ailleurs la vie, spécialement la vie politique, est-elle autre chose qu’un gigantesque polar ?
Un éditeur vient de m’envoyer A corde et à cri, un polar urbain, qui a pour cadre les milieux du grand patronat, le patronat du CAC40, Dans une autre vie j’ai travaillé en tant que business line manager (glups !) de l’un de ces grands groupes. J’avais la responsabilité de la politique commerciale d’une ligne de produits dans le domaine du luxe et de la montée en puissance du chiffre d’affaires – je ne vous en dirai pas plus – mais les grands patrons avec lesquels j’ai travaillé ne ressemblaient en rien, Dieu soit loué ! à ceux mis en scène dans A corde et à cri. C’était d’infatigables bosseurs, suractifs, généralement bons père (ou mères) de familles, en tout cas pas trop ou pas du tout coureurs, si ce n’est sur les pistes des terrains de sport. Idéalistes, généreux, passionnés. La plupart de ceux que j’ai croisés n’auraient pas fait le bonheur d’un auteur de polars.
Ceux décrits par Philippe Colin-Olivier dans son roman appartiennent à une autre catégorie, celle des obsédés sexuels et des tueurs au sens littéral du terme : « la Grèce, les Bahamas, Ibiza, Punta del Este, les plages australiennes, les soirées à Cape Cod, les bringues à Sausalito, les fiesta aux Seychelles, les prostitués asiatiques, les soirées sur la mer Noire… ». Par chance j’ai donc échappé au destin que semble promettre le roman A corde et à cri aux collaborateurs des grands PDG. Ouf !
Ce polar nous raconte les assassinats en série de patrons du CAC40, qui meurent étranglés à l’aide d’une corde. Qu’est-ce qui lie ces crimes entre eux ?
Y a-t-il une main cachée qui orchestre les agissements du ou des serial killers ? La suite, je ne peux vous la raconter, car c’est précisément le mystère, le suspens, qui font l’attrait de ces romans.
Ce que j’ai préféré, au fond, dans cette histoire un peu alambiquée, ce sont les aphorismes de l’auteur, souvent dignes d’Audiard. J’en ai relevé quelques-uns que je vous livre en vrac, y compris ceux de mauvais goût :
« Tout cadavre est un festin pour la police »
« C’est trop con de mourir quand on a un gros salaire »
« Un coup de cœur suivi d’un coup de queue, ça vaut dix ans de psychanalyse !»
« Il paraissait versé dans l’idée que la servitude est conforme à l’intérêt des masses »
« Z ‘avions tout changé, même la religion ! »
« A partir d’un milliard d’euros, l’assassinat devient un correctif budgétaire »
« Détruire quelques patrons, avoue que c’est pas une atteinte grave à l’environnement »
« La curiosité policière française n’est qu’une pulsion diocésaine au regard de la mondialisation »
« Demande-moi d’aimer la France, je veux bien essayer. Mais l’Etat, basta ! »
« Ah ben ! Vous êtes comme les facteurs, vous ressemblez plus à rien ! »
« Sans doute voyait-il les diplômés de Harvard comme de simples pièces de viande »
Vous saisissez le genre ?
Madeleine Cruz
A corde et à cri, par Philippe Colin-Olivier, Ed. Glyphe, 85 av. Ledru-Rollin 75012-Paris, 2025, 252 p.

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