Pétain

Pétain et les deux minutes de la haine

La messe prévue et dite le 15 novembre dans l’église Saint-Jean-Baptiste de Verdun, pour le repos de l’âme de Philippe Pétain, a été un révélateur de l’état de décomposition, chez-nous, du sens commun (« common decency ») si cher à George Orwell. En effet, la classe politico-médiatique s’est abîmée dans une hystérie perverse contre laquelle l’auteur de 1984 nous avait pourtant mis en garde. Seul, semble-t-il, le petit Parti de la France s’est comporté dignement comme l’eût fait feu Jean-Marie Le Pen.

Le RN, par la petite voix de ce fétu parlementaire qu’est Jean-Philippe Tanguy, s’est déshonoré, en meute qui plus est, en participant aux « Deux Minutes de la Haine » prophétisées par Orwell :

A la seconde minute, la Haine tourna au délire (…) L’horrible, dans ces Deux Minutes de la Haine était, non qu’on fût obligé d’y jouer un rôle, mais que l’on ne pouvait , au contraire éviter de s’y joindre. Au bout de trente secondes, toute feinte, toute dérobade devenait inutile. Un hideuse extase, faite de frayeur et de rancune … semblait se répandre dans l’assistance comme un courant électrique et transformer chacun, même contre sa volonté, en un fou vociférant et grimaçant.i

Passons sur le cas de ce Tanguy-là et laissons le à son évanescence, mais voyons parmi la multitude politico-médiatique envoûtée dans cette « hideuse extase », quelqu’un de plus substantiel. Tenez, Luc Ferry, dont l’intelligence et la haute culture ne font aucun doute, s’est répandu à ce sujet sur les chaînes télévisées d’information, ce dimanche 16 novembre. Là, ce professeur de philosophie, la mise en pli en bataille, avait perdu alors tout sens commun, osant dans ses éructations dire que, devant le scandale, l’évêque qui avait autorisé cette messe aurait dû téléphoner au curé pour faire annuler la cérémonie. Pourtant le professeur bigoudis sait parfaitement qu’une messe et ses intentions de prière ne relèvent ni de l’État et de ses institutions, ni même de la vie sociale profane de ce bas monde. Une messe, comme il le sait fort bien, est la réitération mystique du sacrifice du Christ pour la rédemption des hommes, de tous les hommes, même de Philippe Pétain et subsidiairement de Luc Ferry lui-même. De plus, si le ci-devant Maréchal était supposé plus pécheur que ses détracteurs, le repos de son âme justifierait plutôt davantage de prières et de messes que le porte parole du Rassemblement national ou le saint Luc-des-plateaux-télés !

Dans mon petit village de l’Oise, et comme dans tous nos villes et villages, il est un monument aux morts. Vingt-cinq noms d’hommes tués au combat y figurent pour la guerre de 14-18 ; aucun n’y figure pour le Seconde guerre mondiale. Enfin, si… ceux de deux garçons de vingt ans tués, non au combat mais mitraillés en 1942 par un avion allié en maraude (straffing, c’est-à-dire mitraillages aléatoires, pratique des aviations anglo-saxonnes, mais ni des aviations allemandes ou soviétiques). Et pourquoi donc ces bilans comparés si déséquilibrés ? Évidemment grâce à l’armistice de 1940, voulue en désespoir de cause, par Pétain… Certes, notre municipalité a érigé un monument distinct à la gloire obligée de la Résistance, un monument aux non-morts, dans une localité où l’Occupation n’a entraînée pour quiconque ni déportation, ni fusillade…

Quant au président du tribunal administratif de Nancy, qui a suspendu l’arrêté d’interdiction de la messe litigieuse prononcé par le maire de la cité royale historique, il m’a rappelé le meilleur de ce droit prétorien qu’est notre droit administratif. Droit original français forgé en 1873 (arrêt Blanco), pour s’affranchir des juridictions judiciaires (civiles), droit spécifique qui était si admirable quand les magistrats de l’ordre administratif s’efforçaient d’être impartiaux, en ménageant l’intérêt général tout en défendant les libertés publiques. Comme naguère ou jadis, avant l’évanouissement du sens commun. Mais il y a encore un juge à Nancy.

Eric Delcroix

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