Pour qui sait décrypter un tant soit peu le Moyen Orient, le retour de l’évocation d’une normalisation des relations saoudo-israélienne dans les officines diplomatiques démontre combien, n’en déplaise à l’Iran et à ses affidés, il faudra bien plus que la guerre de Gaza pour rayer des plans de Mohammad Ben Salman l’idée d’une paix globale dans la région, y compris avec Israël, et ce dans le plus grand intérêt économique de tous les futurs partenaires, les protestations de solidarité avec la Palestine n’ayant pour but que de distraire les peuples arabes avant de les mettre devant le fait accompli.
Dans un souci d’équilibre géopolitique et pour se constituer une carte majeure, les Emirats Arabes Unis qui entretiennent déjà des relations solides avec Israël (Accords d’Abraham 2020) se rapprochent également de l’Iran via la Syrie et même le Hezbollah. Certes, le Royaume wahhabite a suspendu les discussions avec Tel Aviv après l’attaque du 7 octobre et la guerre qui a suivie, mais 6 mois plus tard, alors que l’opinion publique commence à « s’habituer » aux images dantesques de Gaza, Riyad avance déjà les conditions d’un retour aux négociations de paix, conditions « draconiennes » surtout destinées à amadouer la rue arabe dont les sondages indiquent le rejet de toute normalisation avec Israël, exigeant notamment « l’ Arrêt de l’agression israélienne sur Gaza et le retrait de Tsahal de Gaza ainsi qu’une voie « irrévocable » vers un État palestinien dans les frontières de 1967 avec Jérusalem-Est comme capitale ». Naturellement ce n’est qu’une posture, tout au moins tant qu’Israël n’aura pas atteint son but de destruction du Hamas et surtout de mise en place d’un système de cohabitation totalement diffèrent- peut-être même la solution à deux Etats- mais avec comme seul interlocuteur l’Autorité palestinienne remodelée à sa convenance. Mais dans l’attente, cette posture permet à l’Arabie de se réapproprier la cause palestinienne face à l’Iran et son « axe de la résistance », et d’attendre confortablement les résultats de l’élection présidentielle américaine. Enfin, MBS n’oublie certainement pasle dossier de la reconstruction de Gaza- et de ses intérêts dans le futur canal Ben Gourion (L’hypothèse Ben Gourion-Nouveau Présent du 31 octobre 2023)- qu’il est quasiment le seul, financièrement et politiquement, à pouvoir assumer à condition d’obtenir des garanties fermes de la partie israélienne.
Cote israélien, Benjamin Netanyahu et son cabinet résistent aux pressions de l’Admiration Biden qui rêve désespérément d’un succès diplomatique à l’approche de ces mêmes élections. Il a fait savoir dimanche dernier que « si nous nous voyons offrir un accord de paix ou une voie vers la paix qui rende Israël faible et incapable de se défendre, et que nos voisins continuent d’adhérer à l’objectif de destruction d’Israël, alors nous repousserons clairement cette paix. »
Il est donc clair que Netanyahu fera l’impossible pour pousser au maximum son avantage sur le terrain à Gaza durant les semaines et les mois qui viennent jusqu’au 5 novembre prochain de façon à être en position de force pour négocier un accord avec l’Autorité palestinienne sur mesure avec les intérêts d’Israël et les siens propres, sans perdre de vue, comme très bien exprimé par la journaliste Laure-Maissa Farjallah, que « la reconnaissance d’Israël par Riyad aura une portée symbolique incomparable, l’intégration d’Israël dans un Moyen-Orient reconfiguré signerait une victoire de taille pour Benjamin Netanyahu, qui lui permettrait probablement d’assurer sa survie politique. »
Sophie Akl-Chedid