Maugendre

« Quand la mer se retire… »… Trois questions à Jean-Pierre Maugendre

Vient de paraître aux éditions Contretemps un fort volume, passionnant, reprenant des éditoriaux de Jean-Pierre Maugendre parus dans la revue ou sur le site de Renaissance Catholique, intitulé Quand la mer se retire. L’auteur présente un choix de textes publiés entre 2005 et 2023, qui permettent l’évocation de toutes ces années sous un regard sûr, clair et… catholique !

Jean-Pierre, vous avez sous-titré votre ouvrage « La Tragédie de l’Eglise au XXIe siècle ». N’y abordez-vous que des thèmes religieux ?

Non, pas du tout. Ces 136 chroniques, classées dans l’ordre chronologique de leur rédaction, qui recouvrent effectivement la période 2005-2023, soit de l’élection au Souverain pontificat du cardinal Ratzinger jusqu’au Motu Proprio du pape François, Fiducia supplicans, autorisant la bénédiction de couples homosexuels dans l’Eglise, couvrent l’actualité religieuse mais aussi politique. Chaque brève chronique s’attache, sous un titre explicite ou allusif : Je vous annonce une grande joie, Il est trop ce Sarko, Faut-il canoniser Jacques Chirac ?, Qui dira la vérité aux « gilets jaunes ? », François : le pape de l’exclusion, etc. à analyser l’actualité politique et religieuse de cette période.

Quelle impression d’ensemble avez-vous ressentie après avoir revécu, grâce à votre relecture, toutes ces années ? Qu’est-ce qui aurait pu vous désespérer ou qu’est-ce qui, au contraire, vous a redonné courage ?

Il est incontestable que l’année 2005 fut une année de grandes espérances. D’une part l’élection de Benoît XVI était la meilleure possibilité réaliste, eu égard à la composition du Sacré collège. Elle ouvrait la possibilité d’une restauration de l’Eglise dans sa Tradition doctrinale et liturgique. D’autre part le Non français au référendum du 29 mai sur la Constitution européenne semblait rendre possible la réappropriation par la France de la maîtrise de son destin. Dans un cas comme dans l’autre ces espoirs furent trompés. Malgré la libération de la célébration de la messe romaine traditionnelle, par le Motu Proprio Summorum Pontificum du 7 juillet 2007, le pape Benoît XVI ne parvint pas à faire revenir l’Eglise dans le droit fil et la continuité de sa tradition doctrinale et liturgique. Quant au référendum sur la Constitution européenne il fut immédiatement contourné par Nicolas Sarkozy, à peine élu président de la République, grâce à un vote du Congrès avalisant le 4 février 2008 le traité de Lisbonne. « Puisque le peuple vote contre le Gouvernement, il faut dissoudre le peuple ». Bertold Brecht. L’ensemble de la classe politique qui s’élève aujourd’hui contre la signature du traité de libre-échange entre l’Union européenne et les pays du Mercosur, aux détriments des intérêts de la France, n’est qu’un ramassis d’hypocrites, de traîtres et d’inconscients. Pour certains les adjectifs sont cumulatifs. L’imprévu en histoire est un fait. Cependant cet imprévu n’apparaît jamais ex nihilo. Il est la manifestation publique de mouvements de fond qui avaient échappé aux observateurs. Il en est ainsi de la Manif Pour Tous, sursaut d’une jeunesse catholique qui sent qu’elle est en train de devenir marginale dans un pays dont toute l’histoire s’enracine dans le christianisme. Ou de l’insurrection des « gilets jaunes » conscients que leur disparition est programmée par les élites mondialisées, à la carte d’identité française, dont le Credo était ainsi benoîtement résumé par Raphaël Glucksmann : « Quand je vais à New-York ou à Berlin, je me sens plus chez moi, a priori, culturellement, que quand je me rends en Picardie, et c’est bien ça le problème ».

Comment verriez-vous la mise en place de la nécessaire réforme morale et spirituelle que vous appelez de vos vœux ?

Rappelons d’abord, avec tous les bons auteurs, que la réforme intellectuelle et morale commence par soi. Chacun d’entre nous est-il fidèle aux obligations de ses différents devoirs d’état ? Devoirs d’état de baptisé, de citoyen, d’époux, d’enfant, de parent, de chef d’entreprise, de salarié, d’entrepreneur, etc. La réalité la plus prégnante est que, toujours et à jamais, nous sommes des débiteurs insolvables. Nous sommes les gérants, parfois infidèles, d’un héritage prestigieux à la fois matériel (Notre-Dame de Paris, le château de Versailles, le Mont St Michel, etc.) et immatériel (une langue, une foi, la littérature française, une tradition artistique, des us et coutumes, un art de vivre -la cuisine française- etc.) que nous avons la responsabilité de connaître, de faire fructifier puis de transmettre. Le reste est agitation stérile et brassage d’air.

Propos recueillis par Anne Le Pape

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