D’ordinaire, quand l’envie nous prend d’aller voir la mer, qu’on se décide à prendre son automobile ou le dur… C’est qu’on veut vouère eul’ mer et pis ché tout ! Dans le but de marcher pieds nus, pantalons retroussés, sur eul’sable ou d’arquer gauchement sur les galets, tremper ses arpions dans l’ieau, cueillir des petites moules sauvages, décrocher des vigneaux sur les rochers à marée basse, tenter l’expérience de la récolte des couteaux que l’on fait sortir du sable avec un peu de sel fin, attraper à la main, aux doigts de pieds ou à l’épuisette quelques crevettes grises qui font plaisir à table. Le commissaire divisionnaire Maigret en était très friand. Et prendre l’air et des couleurs… Passer son temps à contempler les flots, les vagues, attendre la scélérate comme la loi Pleven, cette onde salope qui aura fait tant de mal, en engendrant de nouvelles, sans cesse recommencées.
Et écouter encor’ l’interminable chanson, le sac (maudit sois-tu Charles Pasqua) et du ressac (sous la forme du MIL)… « La mer sans arrêt roulait ses galets » fredonnait Ferrat, « la mer qu’on voit danser » avec Charles Trenet où avec le compagnon d’éternité trinitain du président Le Pen, Alain Barrière qui restait des heures à regarder la mer, le cœur abasourdi, les pensées de travers.
ça, c’est quand on va sur une plage commune, normale, prévue pour… Mais si l’on s’en vient à Mers-les-Bains !… Que Poséidon et Njörd ne soient pas jaloux; si le regard des promeneurs et l’objectif des photographes demeurent obstinément tournés vers la terre, les maisons, les villas et bicoques verticales, exiguës, tout en long, pointues et fines comme des aiguilles tricotant l’écume qui parfois vole sur le front de mer. Ces maisons improbables et datées, mais à mon avis, pas faciles à meubler ! Sauf de souvenirs.

C’est un style… à ce qu’il parait, belle époque, baroque, rococo, vaguement anglais, anglo-normand, parfois néo-gothique et parfois pompier. L’ensemble comme des « Lego » est coloré de rose, bleu roi, turquoise, mauve, fauve, noir d’ivoire, carmin, jonquille et bleu cerise… On en voit de toutes les couleurs ! En voici des vertes et des trop mûres, ocres sous les toits. Ces toits multiples pour une seule baraque ! Et pentus comme une tour Eiffel, garnis d’ardoises ébène ou de tuiles carmin.
Les innombrables balcons semblent des barricades en bois brut, illusoires mais solides. Elles sont ornées de croix celtiques et de mélanges runiques. C’est une ville bizarre. Sans personne aux fenêtres, aux balcons vides, aux volets clos comme dans une chanson de Jean-Pax Méfret. Sans commerces au dehors, mais où l’on ne serait pas surpris de rencontrer dans une rare rue adjacente quelques femmes du temps jadis, avec les cheveux montés en choucroute, pommées comme il se doit et poudreuses. Des messieurs en jabot et chapeau haut-de-forme, chaussés de mocassins à boucle de fer, des élégants vêtus par les meilleurs soyeux et veloutiers lyonnais. Des muscadins et des bonnes, des porteuses de pain, des livreurs de lait et des bézots, des artistes peintres vêtus à la bizarre… des gens de bien conduisant eux-même leur Ford B, modèle 40 Woody et des laquais poussant aux roues quelque antique patache.
Quand on arrive en ville !
Tout le monde change de trottoir pour mieux voir la ville-ligne… Le mieux est d’arriver à pied par Le Tréport, cité jumelle. On se rend bien compte alors de cette sorte de mascarade de bourg. La perspective fait tout de suite fait penser à un dessin de Chard. Un de ces croquis qui a fait couler beaucoup d’encre, à son grand dam, représentant un décor de théâtre, tenu par des étais, dont la légende était : Qui l’a fait tomber ?
Ce bricolage coloré est dû à l’engouement des bains de mer lancé en Angleterre dès 1860, et de ses bienfaits thérapeutiques indéniables. Quand les humbles pécheurs côtoyaient et bien souvent servaient ces “baigneurs”, issus du milieu de l’industrie, de l’aristocratie, de la riche bourgeoisie parisienne, amiénoise, nordiste, qui se sont fixés ici en faisant construire les premières résidences secondaires, rivalisant d’orgueil toutes entre elles, plus de six cents villas ! C’est à celui qui aura fait ériger la plus rocambolesque, la mieux décorée de céramiques, la plus ornée de faïences, la plus détraquée de mosaïques, de frises, la plus foutraque de clous, de cabochons, de mascarons, la plus audacieuse en rosaces, en cartouches, en médaillons…
Pour ce qui est de l’étymologie et de la longue histoire, le nom de Mers devrait son nom à un temple érigé sur la falaise en l’honneur du dieu Mars pendant la présence romaine. Concernant l’histoire courte et mes prédictions, le prochain maire sera étiqueté Rassemblement National au vu des scores établis antérieurement dans la Somme, et nonobstant l’ancrage PC « F » vieux, vieillissant mais ayant conservé des convictions jadis défendues par Georges Marchais (« Produisons Français ») et son cadet Roussel, amateur d’entrecôtes machistes et réactionnaires.
Je l’ai lu quelque part, on n’est jamais vraiment fasciste si l’on n’évoque pas Michel Sardou. Tiens, en vl’à ! « Une fille attend au firmament du Septième Art / Une star pleure dans une Rolls sur Hollywood Boulevard / Mais dans la vallée/ Tournent les poupées. »
A Mers-les-bains, leurs maisons sont conservées et même classées « site patrimonial remarquable ».
Franck Nicolle
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