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Violence politique : et si la gauche avait raison ?

La violence de la gauche, lit-on dans Valeurs Actuelles, est commise par des militants auxquels « on a répété que le monde devait s’adapter à leurs désirs (…) [Pour eux] tout désaccord devient insupportable (…) [C’est] la philosophie de Mai 68, “tout ce qui n’est pas moi est un agent d’oppression”. » Cette violence peut-elle vraiment se réduire à un caprice d’enfant gâté ?

Dans l’affaire des mégabassines, il ne s’agit pas tant d’immaturité juvénile que d’indignation face à la collusion du lobby agro-productiviste et de l’État français¹. La droite aussi reproche à la République d’être inféodée à d’autres intérêts que ceux des Français : Qatar, LGBT, OTAN, Bruxelles… La droite aussi s’insurge contre le déni de démocratie, telle que la ratification du traité de Lisbonne malgré la victoire du Non au référendum de 2005. Cette opération fut à la droite ce que les 49-3 tous azimuts du gouvernement Borne sont pour la gauche. En 2012, Génération identitaire occupe le toit d’une mosquée en construction à Poitiers. Si, comme à Sainte-Soline, nous avions été assez nombreux pour espérer bloquer durablement le chantier, si nous avions pu compter sur le contre-feu médiatique dressé par des élus et journalistes amis, et si nous avions eu la certitude que la Justice serait magnanime, nous aurions tout entrepris pour faire de cette journée du 25 octobre, anniversaire de la victoire de Charles Martel, un jour épique.

Alors, certes, la gauche est ontologiquement violente, parce que son idéal est la table rase, mais la droite n’est pas allergique au coup de force. Tous les héros de droite sont violents : les Vendéens, les Cristeros, les manifestants du 6 février 34, les franquistes, l’OAS… Chaque fois que la droite voyait menacées des valeurs non-négociables, elle a utilisé la force, parce qu’il y a des choses qui ne se discutent pas. La gauche ne raisonne pas autrement. En outre, les idoles de la droite sont des hommes à poigne : Augusto Pinochet, Vladimir Poutine… Leur violence ne la dérange pas. Les black blocs, aussi nihilistes soient-ils, ne cassent que des vitrines et taguent des slogans sur les murs² (« Tiens, tes agios ! », « Hommage aux familles des vitrines », « En cendres tout devient possible »). Ils font moins de blessés que les flashballde la police pendant les Gilets jaunes. Sous la Révolution, les black blocs de droite déracinaient les « arbres de la liberté » et vandalisaient les statues de Marianne. En 1906, dans l’Ariège, ils s’opposent à l’entrée de la police dans leurs églises (nos ZAD !) avec ours et gourdins.

Si la droite ne comprend pas la gauche, c’est qu’elle n’est pas révolutionnaire. Elle est réactionnaire. C’est dans son ADN : elle nait en réaction aux ravages des sans-culottes. La droite, éruptive, bouge au pied du mur. La gauche anticipe, elle prophétise la perte des « droits acquis », dénonce les « privatisations rampantes » … Ce que l’on prend pour un déni du réel correspond à un essai de prospective. Dans la mégabassine, la droite ne voit qu’une bassine. La gauche considère un risque d’assèchement des nappes et d’accaparement de l’eau. On pourrait discuter le fond de ces analyses mais la droite préfère rejoindre la gauche sur le terrain de l’anathème : « zadiste ! / facho ! », « pastèque ! climatocide ! », « branleur ! / bourgeois ! » La gauche est stratégique, c’est un castor qui se construit une maison sur la rivière. La droite est romantique, elle meurt noblement sous la neige, bannière au vent. C’est pourquoi elle a perdu tous ses combats depuis 1789. Si elle veut gagner, elle doit comprendre que le régime vomit intrinsèquement toutes ses valeurs, que la famille traditionnelle et le patriotisme économique ne sont pas solubles dans le libéralisme. Qu’il y ait une « opposition constructive » est une chose, que nous devenions les idiots utiles de la Macronie par amour de l’ordre en est une autre.

Julien Langella

¹ Valeurs Actuelles, « Extrême-gauche : la violence pour seule politique », 6 avril 2023.

² François Malye, Histoire secrète de la Ve République, 2007 : « (…) la division entre les agriculteurs productivistes – lesquels, un demi-siècle plus tard, tiennent toujours en France le haut du pavé – et les tenants d’une agriculture moins industrialisée et plus respectueuse de l’environnement. L’objectif de la FNSEA épouse, dès sa naissance, celui des pouvoirs publics : installer l’agriculture française dans le productivisme voulu par l’Europe. Sa force sera de demeurer, au fil des décennies, l’interlocuteur privilégié de l’État en marginalisant toutes les autres tendances. »

³ Thierry Vincent, Dans la tête des black blocs, 2022.

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