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Brèves Bédésup

De 1979 à 1996, date du décès de son fondateur, Jean-Claude Faur, qui était alors conservateur de la bibliothèque municipale de Marseille, la revue Bédésup fut en pointe dans la reconquête du milieu de la bande dessinée, pollué par l’esprit de l’après-mai 68. L’éditeur Philippe Randa, et les spécialistes de BD Jean-Claude Rolinat, Francis Bergeron, Christian Mouquet, Alain Sanders, notamment, reprennent aujourd’hui le flambeau, avec une chronique régulière sur le site du Nouveau Présent. Leur ambition : faire connaitre la bonne BD d’aujourd’hui, les scénaristes et dessinateurs qui montent, assurer la promotion des talents qui émergent, et le succès de la BD de qualité.

La Flèche ardente 

Il est dans toutes les librairies, l’album tant attendu, La flèche ardente, inspiré de l’œuvre d’Edgar P. Jacobs, et censé constituer la suite et la fin du Rayon « U ».

Ce Rayon « U » paraissait en Belgique, en feuilleton pendant la guerre, mais n’avait été publié en album qu’en 1974. On sait que Jacobs avait imaginé cette histoire pour permettre aux jeunes lecteurs belges de continuer à lire des aventures dans le genre de la BD américaine de science-fiction « Flash Gordon ». L’occupation de la Belgique avait interrompu l’importation de ces récits et leur traduction en français et en flamand. Le dessinateur de BD Greg expose très bien tout cela dans la préface de l’album Le rayon « U ».

Ce récit constituait un peu le brouillon du fameux Secret de l’Espadon. Il racontait une sorte de guerre mondiale entre la Norlandia (« les bons ») et l’Austradie (« les méchants »), sur fond de concurrence pour se procurer l’arme atomique. On peut imaginer, dans le contexte de l’époque, que la Norlandia s’assimilait peu ou prou aux pays de l’Axe et l’Austradie aux Américains et à leurs alliés. Cette ligne de partage, – aujourd’hui étonnante -, on la retrouve aussi dans L’Etoile mystérieuse, une aventures de Tintin, cette fois, où les « méchants » sont Américains, alors que les savants embarqués sur le navire Le Sirius (les « gentils ») appartiennent aux pays de l’Axe ou à des pays neutres. Ce point a surtout une valeur anecdotique. On se souvient aussi qu’à la Libération Jacobs avait cherché à protéger Hergé contre le risque d’une agression communiste. Cet épisode est raconté par Hergé lui-même dans son fameux entretien de 1971 avec Numa Sadoul.

Que penser de cette Flèche ardente ? Née de l’imagination de Jean Van Hamme, aidé de deux collaborateurs, elle n’apportera pas grand-chose à la gloire de Jacobs. Ce type de récit, linéaire, manichéen, peut satisfaire des enfants, mais aussi les rebuter du fait du discours scientiste, ce qui était d’ailleurs un peu la marque de fabrique de Jacobs, quand il abordait la science-fiction. L’album est donc bien dans l’esprit jacobien, et sous cet angle il remplit de félicités les bédéphiles. Précédé par une belle promotion, l’album va rencontrer le succès, ce qui contribuera à relancer toute la série, qui compte une trentaine de titres. Le vrai objectif était là.

Quand Hanro illustrait Brasillach 

L’association des amis de Robert Brasillach devrait reproduire prochainement trois poèmes de Fresnes, fort bien illustrés par un dénommé Hanro. Ces pages sont extraites d’un album, jamais édité, réalisé en prison par un talentueux dessinateur, plus que méconnu, qui signait « Hanro », sans doute « Han » pour le « An » du prénom André et « ro » comme « Rose », car il semble que l’artiste s’appelait en effet André de Rose. Cet homme jeune avait été incarcéré après-guerre en raison de son engagement dans la LVF. Il collecta en prison des poèmes, et illustra aussi le quotidien des détenus.

Il existe plusieurs ouvrages de cette nature, ayant donné lieu à des publications ultérieures. On pense à Ralph Soupault (sous le pseudonyme de Rio) ou encore, plus près de nous, à Coral, qui raconta le sort des prisonniers politiques de l’OAS et de l’Algérie française.

Ce qui est remarquable, dans l’ouvrage signé Hanro, c’est l’extrême qualité du dessin, la minutie des traits, une mise en couleur remarquable. Le style rappelle Dubout ou encore Vica (1902-1948). Il se trouve que le dessinateur Vica – de son vrai nom Vincent Krassousky. – fut lui aussi interné à la Libération, à Fresnes. Vica était d’origine russe et vivait à Paris. Son père, sa mère, sa sœur, avaient été assassinés par les bolcheviques. D’où son anticommunisme absolu et ses engagements, y compris au côté des occupants. On peut le comprendre, en l’occurrence !

Le pseudonyme de « Vica » semble avoir été choisi pour rappeler plus ou moins le début de son prénom et de son nom. Selon le même procédé qu’André de Rose avec le pseudonyme « Hanro ». Les deux hommes ont-ils travaillé ensemble ? L’hypothèse n’est pas à exclure.

On doit à Vica trois albums de BD très engagés et superbes (Vica au paradis de l’URSS, Vica défie l’oncle Sam et Vica contre le service secret anglais) qui mériteraient d’être réédités. Avec l’album inédit signé « « Hanro », il y a du pain sur la planche pour le nouveau Bédésup !

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