Vient de paraître aux éditions du Rocher un court ouvrage économique assez original, sous le titre Ils se sont si souvent trompés, signé d’Anne de Guigné. Jeune journaliste, elle ne doit pas être confondue avec une autre Anne de Guigné du début du XXe siècle. Cette Anne de Guigné-là (1911-1922) ne s’intéressait sans doute pas à l’économie. D’autant qu’elle mourut donc à l’âge de 11 ans seulement, mais en odeur de sainteté. En 1990 Jean-Paul II la proclama Vénérable, étape sur la voie d’une possible béatification.
Mais revenons à notre Anne de Guigné, celle du XXIe siècle. Son ouvrage raconte quelques grandes réformes politiques, qui, en leur temps, ont bouleversé l’économie…et conduit à des catastrophes ou au moins à des échecs retentissants. Par exemple l’interdiction de l’inflation par blocage des prix, à l’époque romaine, l’impôt confiscatoire pratiqué par Philippe Le Bel, la création monétaire illimitée, mise en œuvre par John Law sous Louis XV, le refus de l’innovation dans la Russie du début du XIXe siècle etc. Beaucoup plus près de nous, il y eut l’illusion socialiste du partage du temps de travail. Pour les économistes du PS, le travail constituait un stock, un stock prédéfini et quasiment immuable. Il suffisait donc de le partager en réduisant la durée légale du travail, et le chômage disparaitrait. Nous eûmes droit aux 39 heures, puis aux 35 heures, mais curieusement avec un taux de chômage record ! Les freins idéologiques empêchèrent que soit mis rapidement un terme à cette désastreuse expérience, qui contribua largement à faire régresser la place de la France dans le monde. Le détricotage de la « loi Aubry », – du nom de la calamiteuse fille de Jacques Delors -, prit des années. L’auteur note en conclusion qu’en 2000, lors de la mise en œuvre de la loi sur les 35 heures, les salariés à temps plein travaillaient 38,5 heures par semaine, et qu’aujourd’hui, ils travaillent 38,8 heures par semaine, après des dizaines de milliards d’euros dépensés pour « cette innovation française [qui] n’a pas fait de nombreuses émules dans le monde » !
La leçon de ces récits, de ce livre ? L’économie se veut « science dure », comme la physique ou les mathématiques, mais l’implication humaine est telle qu’elle se révèle « science molle » et que les « bonnes idées » conduisent parfois au naufrage. Dans tous les dossiers racontés par Anne de Guigné, il y a aussi le fait que certains paramètres furent oubliés, négligés, et que le dogmatisme a souvent été le principal moteur de ces réformes, ce qui annonçait inéluctablement le fiasco final.
Ce livre est signé par Anne de Guigné, qui a fait Sciences po mais, Dieu soit loué ! n’en a pas perdu pour autant son bon sens. On lui doit d’ailleurs aussi un livre sur « le capitalisme woke ».
Agathon
Ils se sont si souvent trompés, par Anne de Guigné , 188 p., Ed. du Rocher, 2023