Chers amis,
Il y a quelques jours j’ai assisté au mariage d’une cousine, dans l’est de la France. Après la messe et avant les agapes, les deux tourtereaux ont accompli un geste qui, parait-il, se généralise actuellement dans toute une partie de la jeunesse française : ils ont proposé aux invités de se retrouver rapidement à la ferme d’Hurtebise, non loin de la maison familiale où se tenait le repas.
Je dois humblement confesser que je n’avais jamais entendu parler de cet endroit. C’est pourtant un lieu dédié aux héros français, et j’ajouterais même aux héros tout court, héros de toutes les époques. Jugez-en : Napoléon 1er a remporté ici sa dernière victoire, la bataille de Craonne, en mars 1814. Bien avant cela, Jules César avait défait les Belges dans ce secteur. Ce n’est pas tout : pendant la guerre de 14-18, le plateau d’Hurtebise fut occupé par les « boches », les « schleus », comme disait mon grand-père, et plusieurs milliers de jeunes soldats ont perdu la vie en tentant de reconquérir ces terres françaises. C’est donc un sol arrosé du sang de nos ancêtres. Mais l’Histoire, – avec un H majuscule -, ne s’arrête pas là : le 20 mai 1940, des soldats français d’une division cuirassée furent attaqués par des blindés allemands, bien supérieurs en nombre et en équipement. Ils se défendirent vaillamment, mentionne une plaque en marbre, sur le mur de la ferme d’Hurtebise.
Nous avions eu le message de nous retrouver devant la statue à la mémoire des « Marie-Louise » (le surnom des jeunes conscrits de l’armée de Napoléon), des « Grognards » (le surnom des soldats de la vieille garde de l’Empereur) et des « Poilus » de 14. Le jeune couple est arrivé peu après nous, et la charmante mariée a déposé son bouquet de mariée au pied de l’impressionnant monument, qui date de 1927, et qui rend donc un hommage collectif à des héros français de toutes les époques .
Un texte de Péguy et un texte d’Ernst Junger ont été lus. J’avoue que j’avais la larme à l’œil. Ce moment m’a plus ému encore que lors d’échange de consentement, dans l’Eglise, une demi-heure plus tôt.
Pourquoi vous ai-je raconté ce court épisode, survenu au cours d’un évènement strictement familial ? Parce que j’ai trouvé l’initiative très belle. J’ignorais que cet acte de foi et de fidélité est parfois pratiqué, surtout depuis le sacrifice du colonel Beltrame. Et je voudrais simplement contribuer à favoriser la contagion de ce type de brève cérémonie.
Bien entendu tout le monde ne se marie pas à rpoximité du Chemin des Dames, de la caverne du Dragon, et de la ferme d’Hurtebise. Mais sur chaque kilomètre carré ou presque de notre pays, de tels actes d’héroïsme se sont produits. Il suffit de se plonger un peu dans l’histoire locale pour donner à un mariage une petite pincée supplément de ferveur.
Madeleine Cruz