Filmée le 19 juin par la caméra de surveillance d’un immeuble du très cossu cours de la Martinique à Bordeaux, la scène est hallucinante : un homme se rue sur une fillette, l’entraine, puis la projette à terre avec une violence inouïe avant d’attaquer la grand-mère (73 ans) de l’enfant et de s’enfuir devant les aboiements du chien de la famille, à bord d’une voiture conduite par un complice.
Voulait-il enlever la blondinette et l’a-t-il ainsi molestée pour la punir de sa résistance ? On ne le saura peut-être jamais car le forcené qui, après son interpellation (très musclée) présentait — lui aussi, comme tant de ses congénères — « des troubles du comportement majeurs en lien avec une pathologie psychotique et schizophrène », a été transféré dans l’unité psychiatrique d’un hôpital bordelais, ce qui a provoqué la levée de sa garde à vue.
Deux certitudes en tout cas : d’une part, âgé de 29 ans, il avait déjà commis plus de cinquante délits allant du trafic de drogue aux outrages à l’autorité publique en passant par des vols, des violences sexuelles, etc. qui lui avait valu treize condamnations et d’autre part, comme l’ont répété ad nauseam les médias, y compris CNews, il s’agit d’un « Français, né sur le territoire français ».
Or, il suffit de visionner le film pour constater que ce Français de papier est un Africain, répondant d’ailleurs au doux prénom de Brahima.
Mais non, l’immigration n’est pas criminogène !
Deux faits infirmant sérieusement la « démonstration » censément imparable de Clément Viktorovitch, spécialiste du fast-checking à Libération et chroniqueur dominical de France Info ; quelques jours après l’attaque de bébés à Annecy par un Syrien et la veille de la double agression de Bordeaux, il avait dénoncé toute récupération des faits divers sous le titre « Immigration et délinquance : derrière les chiffres, la manipulation » (1). Manipulation bien sûr de l’ultradroite, incarnée en l’occurrence par Éric Ciotti (dont « la marche vers l’extrême droite paraît difficilement arrêtable », déplore Dominique de Villepin qui doit être un peu miro), Marine Le Pen, voire Emmanuel Macron qui, sans en tirer d’ailleurs les conséquences, avait déclaré sur France 2 le 26 octobre dernier : « Je ne ferai jamais un lien existentiel entre l’immigration et l’insécurité… Par contre, quand on regarde aujourd’hui la délinquance à Paris, on ne peut pas ne pas voir que la moitié au moins des faits de délinquance viennent de personnes qui sont des étrangers. »
« Ces chiffres sont exacts, admet l’expert de Libé et de France Info, les étrangers représentent bien, en France, 7% de la population totale, mais 23% des individus en prison. Peut-on pour autant en conclure que les étrangers sont plus délinquants que les Français ? La réponse est non. Derrière ces chiffres, il y a un certain nombre de biais statistiques.»
Lesquels ? « Les “minorités visibles issues de l’immigration » sont davantage contrôlées par la police, et donc arrêtées. Et ce n’est pas tout. Une fois devant le tribunal, à profil égal et délit égal, les étrangers ont plus de risques d’être condamnés, et les peines dont ils écopent sont plus longues. Ils sont donc davantage en prison. » Ce qui peut se discuter comme le montre justement le parcours judiciaire du multirécidiviste Brahima B.
« Si les étrangers sont sur-représentés en prison, poursuit le donneur de leçons, c’est aussi la conséquence d’un traitement discriminatoire tout au long des chaînes policières et judiciaires [même remarque que ci-dessus : on avait l’impression que les magistrats étaient plutôt laxistes, souvent d’ailleurs par manque de places en prison]. Et on peut aller plus loin. Je me suis penché sur les travaux du CEPII, le Centre d’Études Prospectives et d’Informations Internationales, un organe rattaché directement à la Première ministre. En avril dernier, deux chercheurs du CEPII, Arnaud Philippe et Jérôme Valette, ont publié une note dans laquelle ils dressent le bilan de plusieurs décennies de recherches internationales sur le lien entre immigration et délinquance. Leur conclusion est sans appel : « Les études concluent unanimement à l’absence d’impact de l’immigration sur la délinquance. » »
Conclusiondu magister : « Ce qui crée la peur au sein de la population, ce n’est pas la sur-représentation de la délinquance parmi les étrangers. C’est le surinvestissement dont cette question fait l’objet de la part de certains médias et responsables politiques. Ce à quoi nous sommes confrontés, de mon point de vue, c’est une gigantesque opération de manipulation de l’opinion. Et force est de constater que, pour l’instant, elle est couronnée de succès. »
En 2004 déjà, 50% de détenus musulmans
Sans doute parce que les faits sont têtus, si l’on peut faire dire en revanche n’importe quoi aux chiffres. A qui fera-t-on croire que la France n’abrite officiellement que 7,7 % d’étrangers quand le président algérien Tebboune revendique pour son seul pays six millions de compatriotes présents dans l’Hexagone ? A qui fera-t-on croire qu’il n’y a dans nos prisons que 23 % d’« étrangers », terme peut-être administrativement exact mais sociologiquement fallacieux puisqu’il permet d’exclure des statistiques les Français par le seul droit du sol tel Brahima B., dont le cas est décidément exemplaire ? Dans son livre L’islam en prison (éd. Balland), le sociologue d’origine iranienne Farhad Khosrokhavar constatait déjà en 2004 qu’en France, le taux de prisonniers musulmans dépassait « souvent les 50 %, avoisinant parfois les 70 %, voire les 80 % dans les prisons proches des banlieues, soit huit prisonniers sur dix ». Et la situation a empiré depuis lors.
Si gigantesque manipulation il y a, c’est donc celle opérée par M. Viktorovitch et ses pairs. Avec du reste un certain succès : à peine remise de ses émotions et de ses blessures, la grand-mère de Bordeaux a préventivement condamné toute « récupération à des fins politiques » de son agression — pardon : de sa mésaventure. Espérons pour elle, et surtout pour sa petite-fille, que la malheureuse enfant, blessée à la tête, ne souffrira pas de trop graves séquelles.
Camille Galic
Le 16 juillet, LePoint.fr a révélé,sans doute de source policière, que, lors de son ignoble agression à Bordeaux d’une grand-mère et de sa petite-fille (qu’il tentait d’enlever), Brahima B. était sous l’emprise du crack. D’où son coup de folie qui lui a valu la levée de sa garde à vue, alors qu’il avait déjà une cinquantaine de condamnations à son actif, et son placement dans une unité psychiatrique… d’où, faute de places, il sortira au plus tard dans trois ans.
Le crack est-il également à l’origine du « coup de folie » du Guinéen Mamadou qui a provoqué la mort d’une Algérienne en la jetant sous la rame d’un RER ?