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JDD : à quand un permis d’informer ?

Les Insoumis et les Verts ayant décrété le boycottage du nouveau Journal du dimanche catalogué par eux d’extrême droite, le parti présidentiel avait suivi servilement, pour bien montrer qu’il n’avait aucune accointance avec les « fâchos ». Mais de deux de ses fleurons, le sous-ministre à la Ville Sabrina Agresti-Roubache (d’origine algérienne pourtant) le 6 août puis le député Karl Olive deux semaines plus tard, ont mangé la consigne.

Du coup, Sylvain Maillard, le président du groupe Renaissance à l’Assemblée nationale, a sévèrement tancé les coupables et annoncé une réunion du groupe à la rentrée pour « donner suite » et donc décider d’une sanction car le JDD, selon lui, « napporte toujours pas la garantie nécessaire de pluralité » exigée par l’ultra gauche. D’où, évidemment, pour le concurrencer, le lancement dès le 8 octobre de La Tribune Dimanche, dépendant du groupe de presse récemment racheté par le milliardaire Rodolphe Saadé, propriétaire de l’armateur CMA CJM, et qui sera dirigé par le journaliste Bruno Jeudy, ancien du JDD et très bien vu par la Nomenklatura.

A quand, pour les patrons de presse, l’obligation d’obtenir un permis d’informer, autrement difficile à décrocher qu’un permis de conduire ou un permis de chasse  car il faudra remplir toutes les cases du vivre-ensemble et du conformisme le plus abject ?

Une spectaculaire régression

Il me souvient d’un temps où Rivarol, journal pourtant maintes fois poursuivi pour mal-pensance, était invité aux conférences de presse du général-président de Gaulle ou aux déjeuners du ministre des Finances Valéry Giscard d’Estaing rue de Rivoli et même, ensuite, aux vœux de Jack Lang. Un temps où le syndicaliste André Bergeron, patron de Force Ouvrière, l’ancien ministre socialiste Max Lejeune, le président du Sénat Gaston Monnerville ou l’ancien résistant Robert Verdier, alors numéro deux du Parti socialiste unifié (PSU) fondé par Michel Rocard, acceptaient sans barguigner d’accorder une entretien (qu’ils n’exigeaient pas de relire avant impression) à un journal qui comptait pourtant dans son équipe trois condamnés à mort à la Libération : Lucien Rebatet, Henri Lèbre et Robert Poulet. Des maudits s’il en était. Ce qui ne m’empêcha pas, pour obtenir ma carte de membre de la Presse judiciaire, d’être parrainée par Daniel Sarne, de L’Observateur, et Michel Legris, du Monde.

Tout aussi stupéfiant à l’aune des critères du jour : dans le cadre d’une longue enquête sur ou plutôt contre la contraception publiée en 1967, j’obtins dans la moindre difficulté des rendez-vous avec le député gaulliste (et israélite) Lucien Neuwirth auteur de la proposition de loi dépénalisant la pilule, le médecin franc-maçon Pierre Simon, futur grand maître de la Grande Loge de France, et la gynécologue Marie-Andrée Lagroua Weill-Hallé, fondatrice du Planning familial, dont les propos figurèrent dans les mêmes pages que ceux de l’historienne maurrassienne (et très proche d’Abel Bonnard) Blanche Maurel, du très traditionaliste abbé Georges de Nantes et de Mgr Ducaud-Bourget — qui devait plus tard mener l’assaut pour la « prise » de Saint-Nicolas du Chardonnet — sans qu’ils s’en offusquent le moins du monde. Très lus, car le sujet soulevait les passions, ces numéros donnèrent lieu à de vifs échanges dans le courrier des lecteurs, mais jamais à une polémique sur la légitimité de Rivarol à traiter la question, comme l’ensemble de la presse, en donnant la parole aux partisans comme aux adversaires de la réforme — dénoncée dans la conclusion de l’enquête.

Les Français étaient-ils alors moins robotisés et moins sectaires ou, tout simplement, plus intelligents ? On mesurera en tout cas à ces quelques exemples la spectaculaire régression de la liberté d’expression et d’information dans le pays jadis réputé le plus spirituel du monde.

Camille Galic

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