Au début de l’été, une vidéo montrant un homme hilare exhibant dans la rue la tête de sa jeune épouse a suscité une vague d’indignation en Iran. Selon l’agence de presse Isna, Mona Heidari, 17 ans, a été froidement assassinée par son mari et son beau-frère à Ahvaz, capitale de la province du Khouzestan dans le sud-ouest du pays, pour soupçon d’adultère.
Les deux hommes ont été arrêtés le lendemain, mais sous couvert de crime d’honneur, il y a fort à parier qu’ils s’en tireront à bon compte et le quotidien réformateur Sazandegi de s’insurger : «Un être humain a été décapité, sa tête a été exhibée dans les rues et le tueur en était fier. Comment peut-on accepter une telle tragédie? Nous devons agir pour que les féminicides ne se reproduisent plus» ! Suite à cet abominable crime, bon nombre de réformateurs et de défenseurs des droits de l’homme ont exhorté les autorités à réformer la loi sur la protection des femmes contre la violence conjugale et à augmenter l’âge minimum du mariage pour les filles, fixé actuellement à 13 ans. Selon les médias locaux, la victime n’avait que 12 ans lors de son mariage et était mère d’un fils de 3 ans lors de sa mort.
Alors que l’horreur hantait encore tous les esprits, des images montrant plusieurs responsables ultra-conservateurs en train de se livrer à des relations adultères et homosexuelles ont envahi les réseaux sociaux iraniens qui n’ont de cesse depuis de dénoncer l’hypocrisie criminelle des « défenseurs de la vertu » de la République Islamique. Le 18 juillet dernier, une vidéo publiée sur la chaîne Telegram « Gilan News » a dévoilé des images de Reza Seghati, le directeur général du ministère de la Culture de la province du Guilan, dont les bureaux sont chargés de délivrer des autorisations pour tout type de production culturelle ou artistique et de veiller à ce que toutes les œuvres soient conformes aux valeurs islamiques et à la charia, en train de s’adonner à des pratiques homosexuelles avec un autre homme non identifié. Connu pour ses positions ultraconservatrices pures et dures en particulier à l’encontre des femmes, il a notamment mené une campagne de surveillance baptisée « hijab de quartier et chasteté vertueuse » dans la province de Gilan dans le but de faire respecter les lois sur le port du hijab obligatoire. Selon les medias locaux, Reza Seghati a été démis de ses fonctions pour « soupçons de corruption » mais il n’aurait pas encore fait l’objet de poursuites judiciaires, sachant qu’au pays des mollahs très vertueux, l’homosexualité est passible de la peine de mort. Mojtaba Zolnouri, vice-président du parlement de la République islamique, à même déclaré doctement que « le crime de ceux qui ont diffusé ces vidéos est plus grave que celui des fornicateurs ». Ces intimidations n’ont pas pour autant empêché la diffusion d’au moins deux autres vidéos prises en camera cachées montrant un membre très conservateur du conseil municipal d’Anzali dans laquelle on le voit clairement fumer de l’opium et se masturber tout en regardant son téléphone portable, ainsi qu’un autre mollah haut placé au Bureau de la propagation de la vertu et la prévention du vice, une des principales officines par lesquelles le régime impose l’application de la charia dans l’espace public, s’adonnant également à des rapports homosexuels, et enfin un responsable de la télévision d’État se livrant à un rapport sexuel avec une femme mariée.
Le penseur et analyste iranien parisien Javad Akbarein, qui avait lui-même poursuivi des études pour devenir mollah dans la ville sainte de Qom, en Iran, s’est confié à France 24. Pour lui, ces débordements sont le fruit de « quatre décennies passées sous le joug des préceptes de la République islamique. Les mollahs sont approvisionnés financièrement, disposent d’un grand pouvoir et de prérogatives partout dans le pays. Il est donc normal que certaines personnes qui veulent jouir de ces privilèges les rejoignent, même si leur mode de vie ne correspond pas aux valeurs promues. Ils doivent ainsi mener une double vie en cachette. En contrepartie, je peux vous assurer que la plupart de ces hommes n’a jamais touché ou approché une femme avant le mariage. La femme est un sujet tabou, elle représente le péché pour eux. Avec cette pression qui interdit tout rapport avec les femmes, interdisant même de penser à elles, les relations entre hommes deviennent alors plus accessibles au sein d’une communauté radicale où la confiance règne (…) »
Sur les réseaux sociaux, ces fuites ont suscité à la fois indignation et risée générale, les internautes dénonçant « un exemple supplémentaire d’une hypocrisie profondément enracinée » au sein de la République islamique, rapporte Radio Farda, un media d’opposition.
Et pour le journal réformateur Mardomsalari, « si une personne du camp adverse commettait un tel acte, ils l’auraient traité d’agent de la CIA et du Mossad, de vendu financé par l’Occident pour corrompre la jeunesse du pays et se serait vu appliqué la sharia », s’est indigné le quotidien.
Sophie Akl-Chedid