Un musulman a tué un enseignant, qu’on se rassure il ne se passera rien, sauf, sans doute, que les vocations seront sans doute plus rares… Le professeur assassiné n’était pas historien, mais agrégé de lettres et spécialiste de Julien Gracq.
On nous permettra une petite incise sur l’auteur préféré du malheureux Dominique Bernard. Julien Gracq, lui-même agrégé d’histoire, fera un bout de chemin avec le parti communiste pour s’en éloigner ensuite. Avec Le Rivage des Syrtes, il refusa de recevoir le prix Goncourt en 1951, très opposé à la domination littéraire de l’existentialisme ou du nouveau roman, Sartre et Robbe-Grillet, deux belles figures de déconstructeurs qui ont accouché du monde atteint de sida mental (soit l’absence de défenses immunitaires historiques et sociales) que nous vivons, et dont ce professeur de lettres est un peu la victime.
Mais pourquoi l’histoire ?
Pourquoi le Tchétchène cherchait-il le professeur d’histoire ? Parce que, inconsciemment, l’assassin est révisionniste, comme l’islam qui prétend réécrire l’histoire du monde à la « lumière du Coran ». Sans doute, loin d’être fou et psychopathe, comme on a coutume d’expliquer ces assassinats, pour ne pas les comprendre, le tchétchène, radicalisé ou non, ne semble pas être faible d’esprit (l’enquête en cours établira son profil, on peut douter qu’elle aille très avant dans la recherche culturelle, mais qu’on ne nous parle pas de troubles psychologiques!). Le «caucasien» en question se montre conforme à cette réalité qu’est le Coran. Un texte politico-religieux dont le premier pouvoir, c’est d’abord celui de Mahomet. Les textes islamiques, quels qu’ils soient, sont toujours liés à un pouvoir, et, dès cette époque, il n’y a pas un corps de « religieux » indépendant de tout pouvoir qui met au point des textes du Coran, Hadiths compris. Le Coran n’est pas, à proprement parler, un livre d’histoire, un récit historique, toutes les écritures au départ se constituent comme des textes à la fois religieux, sociaux, juridiques et politiques, expressions du pouvoir de Mahomet et des premiers califes. Mais il faut ajouter que l’inconscient collectif islamique est tout empreint de l’âge d’or politique culturel et scientifique entre IXe et XIIIe siècle, suivi d’un très long effacement avant le réveil au XXI °siècle dans une logique de choc de civilisation. Le Livre Saint est unique et exclusif, son texte est en version unique, en une langue unique qui est celle même utilisée par Dieu. Aussi, tout intellectuel musulman qui ose s’aventurer dans l’examen des textes, ainsi que l’aborde un historien sous l’angle historico-critique, devient hérétique et, à ce titre, menacé.
Choc des civilisations ?
En revanche, il ne fait pas de doute que le retour de l’islam est une réaction à la modernité sociale et économique. C’est aussi un rejet sans appel de la culture occidentale. Les islamistes ont peur de se faire emporter par elle et ,les protestations dérisoires de la classe politico-journaliste lui opposant les valeurs de la république et la laïcité, sont justement perçues comme une tentative d’étouffement.
L’enseignement de l’histoire étant la pointe avancée de la culture occidentale, en tant qu’elle raconte (ou supposée telle) l’histoire de l’occidentalisation du monde, il y a bien choc des civilisations et, de ce point de vue, Huntington ne s’y est pas trompé. La frontière historique du monde musulman, allait jadis du Maroc à l’Indonésie, en passant par la Serbie et la Tchétchénie, telle une ligne de front continue.
Celle-ci s’est maintenant déplacée jusqu’au cœur de nos lycées par la logique de l’immigration.
Olivier Pichon