Sionisme et Droite nationale

La récente attaque massive des terroristes du Hamas contre Israël — où l’étrange faillite des services de renseignement et la lenteur de Tsahal à réagir posent encore questions —a permis au Franco-Israélien Meyer Habib, intime du premier ministre Netanyahou et député des Français de l’étranger, de rebattre les cartes du monde politique hexagonal.

Le gourou du Jourdain

Cet ancien membre du Betar, habitué dès son plus jeune âge à ne pas porter dans son cœur les militants de la droite nationale, s’est pris d’une soudaine amitié pour Marine Le Pen et le Rassemblement national.

Belle avancée puisqu’il exonère le mouvement de Jordan Bardella de tout antisémitisme et le déclare entré dans le « camp républicain ». Au point pour le CRIF d’avoir reçu à bras ouverts, le 8 octobre dernier, huit députés RN (et aussi Eric Zemmour) lors de la manifestation de soutien à l’Etat hébreu organisée au Trocadéro alors que Marine Le Pen et Mélenchon avaient été virés manu militari de la marche blanche en hommage à Mireille Knoll poignardée en 2018 par Yacine Mihoub, un voisin avec lequel cette vieille dame avait des rapports cordiaux…. jusqu’au drame.

Habib n’a cependant pas réussi à convaincre un autre Franco-Israélien, Arno Klarsfeld qui, ferraillant avec Marion Maréchal sur LCI le 13 octobre, accusait aussi bien Reconquête! que le RN d’être toujours aussi antisémites. Un sacré manque d’élégance pour le fils de Serge et de Beate, grands chasseurs de nazis devant l’Eternel qui recevaient, voici quelques mois, une médaille de la ville de Perpignan des mains de son maire Louis Aliot, ancien directeur de cabinet de Jean-Marie Le Pen. A cette occasion, Serge Klarsfeld disait être attentif à « des gens qui se rallient à nos valeurs » et rétropédalait, faisant passer le RN « d’ennemi » à « adversaire ».

Les pièges du Proche-Orient

Cette dédiabolisation ne manque pas d’étonner les journalistes du système, à commencer par Marylou Magal qui écrivait tout récemment dans LExpress que, « pendant des années, l’antisémitisme a gangréné le propagande politique du Front national ». Et de rappeler la présence de François Duprat ou des responsables du GUD dans les instances frontistes au début de son existence.

La donzelle se garde bien de mentionner que, député mais engagé volontaire au 1er Etranger de parachutistes, Jean-Marie Le Pen participa, au côté de l’armée israélienne en 1956, à l’expédition de Suez décidée par le socialiste Guy Mollet. Il est vrai que, chargé par le général Massu d’enterrer les cadavres égyptiens qui jonchaient la rive du canal après l’offensive israélienne, le Menhir raconte dans le premier tome de ses mémoires : « Breton et catholique, j’ai le respect des morts. Je sais qu’un musulman doit être enterré la tête vers La Mecque, je les oriente comme il faut, les fais déchausser et enrouler dans des guenilles […] Dans le corps expéditionnaire, on me surnomma lieutenant Borniol, mais cela me valut quelque considération chez les musulmans : on peut être ennemis et faire proprement les choses. »

Au moment de la Guerre des Six Jours en 1967, alors que la guerre d’Algérie et les atrocités du FLN laissaient encore des traces dans la famille nationale, Pierre Viansson-Ponté écrivait « La presse d’extrême-droite d’Aspects de la France à Rivarol, s’est rangée contre Nasser et les Arabes, laissant parfois percer le regret qu’après tout les Israéliens sont des Juifs » ( Le Monde du 13 juin 1967). Lucien Rebatet écrit dans Rivarol que « la cause d’Israël est là-bas celle de tous les Occidentaux », mais l’hebdomadaire laisse la parole aux tenants des deux camps, qu’il s’agisse de Mermoz ou d’Henri Lèbre. Jean Brune dans un édito d’Aspects de la France, « Mourir pour Akaba », prend fait et cause pour l’Etat hébreu. De son côté, François Brigneau parti en reportage pour Minute défend becs et ongles Tsahal et ses atrocités.

Seul, Maurice Bardèche fait bande à part. Dans un numéro spécial de Défense de l’Occident intitulé « L’agression israélienne et ses conséquences », il conteste « l’image idyllique » de l’Etat juif, décrit comme « un Etat parasite puissamment soutenu par la finance juive internationale et intensivement surarmé […] Indispensable à la force anonyme contre laquelle nous devons protéger nos nations. ». Pierre Fontaine et Paul Rassinier , quant à eux, parlent du Moyen-Orient à l’heure du pétrole en évoquant les enjeux économiques de cette guerre. En 2023, de mauvais esprits évoquent d’immenses réserves d’hydrocarbures au large de la bande de Gaza dont Tsahal aura bientôt la maîtrise totale.

Le 17 février 1987, comme l’écrivent Pierre Péan et Philippe Cohen dans un ouvrage consacré à Jean-Marie Le Pen, ce dernier est invité à New-York au Congrès juif mondial , à l’initiative de Jacques Torczyner, président du Mouvement sioniste international : « Son discours est très pro-israélien dans la droite ligne de l’extrême-droite des années 70 qui considérait Israël comme un pilier du monde libre aux avants -postes dans la lutte contre le communisme international. » . Patatras ! Quelques mois plus tard, Le Pen est piégé par Olivier Mazerolle et l’affaire dite du détail le diabolise à nouveau… Et à jamais.

Le grand tournant de la guerre du Golfe

En 1990, un mois après le vote de la liberticide loi Gayssot-Fabius et alors que les désinformateurs habituels essayaient de nous vendre la fable des couveuses lors de l’invasion du Koweit par les troupes de Saddam Hussein, Jean-Marie Le Pen se déclara opposé à l’intervention alliée, perdant au passage des militants et des hommes de qualité, tel Jules Monnerot qui était resté très attaché à un certain atlantisme. Il eut même le courage de se rendre en Irak afin de rencontrer Saddam Hussein et revint de Bagdad avec 53 otages français, ce que ne digéra jamais la classe politique hexagonale. Il soutint le raïs irakien jusqu’à sa fin tragique de celui-ci, Jany Le Pen de son côté aidant le pays avec son association SOS Enfants d’Irak.

De son côté, dans un article du 23 janvier 1991 paru dans Minute-La France, François Brigneau écrivait : « Israël a voulu cette guerre. Les armes sales sont celles qui sont dirigées contre l’Etat sioniste. Les siennes sont toujours propres. Ce sont celles de Dieu. C’est un postulat. » Jean Madiran, quant à lui, notait dans un opuscule L’Adieu à Israël publié en 1992 : « Nous avions une haute estime pour les vertus de ces soldats et de ces laboureurs. Mais Tsahal, si pointilleux sur le respect qu’il exige, est fort avare sur celui qu’il consent ». Et de conclure, dans un clin d’œil à Brasillach : « Nous avons couché avec Israël, mais c’était un rêve et le souvenir nous est resté amer. »

Est-ce pour toutes ces raisons que certains parlent d’un antisémitisme d’atmosphère ? Mais est-ce l’extrême droite ou la « terre de lait et de miel », dont le « droit de vivre » (titre du journal officiel de la LICA, actuelle LICRA) est devenu un droit de dominer sans partage, qui a changé ?

François MONESTIER

(3 commentaires)

  1. Françoise Monestier reste et demeure sur les plus hautes marches du journalisme. Talentueuse et travailleuse, sa rigueur et son honnêteté sont un exemple. Le jour où une école de journaliste en fera un professeur de premier plan, on aura peut-être des disciples à sa hauteur. Des années de lecture de Monestier, vous en apprennent plus que tous les discours lénifiants des “spécialistes” en cour et trop souvent autoproclamés… Il est vrai que ceux-là “pensent bien !” Ca vaut bien l’intelligence…

  2. Au-delà des flambées de violence et de leur cortège d’horreurs , il faut essayer d’analyser la situation avec le plus de lucidité possible .
    On peut , et c’est mon cas, considérer que la création de l’état d’Israël n’a fait qu’ajouter des complications à l’Orient “compliqué”.
    Mais aujourd’hui quelles sont les options :
    – Le statu quo, “ni paix ni guerre” et surtout pas d’état palestinien, souhaité par Netanyahu et nombre de ses prédécesseurs, tel Sharon et auquel s’étaient ralliés les grandes puissances et aussi certains états arabes .
    Les évènements actuels nous démontrent l’impasse dans laquelle nous conduit cette fausse solution.
    – La destruction de l’état d’Israël à la suite d’une attaque massive de missiles déclenchée par le Hezbollah avec l’aide de l’Iran ? Nul doute que si l’existence même d’Israël était véritablement menacée, son gouvernement n’hésiterait pas à utiliser l’arme nucléaire avec les conséquences que l’on devine sur l’ensemble de la région.
    – Ne subsiste que la solution des deux états qui suppose un renouvellement des dirigeants israéliens et palestiniens et qui ne sera probablement pas possible avant bon nombre d’années . Le sang va donc , probablement, encore beaucoup couler.

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